Née en 1971 et diplômée de l’École Spéciale Militaire de Saint Cyr en 1993, Anne-Cécile Ortemann choisit l’arme des Transmissions. Elle sert d’abord au 51e régiment de transmissions en 1994 puis au 53e régiment de transmissions. Ses premiers postes l’amènent jusqu’en Bosnie-Herzégovine puis au Kosovo. Après un mastère spécialisé en management des systèmes d’information et des technologies (HEC-Mines de Paris) et une année au collège interarmées de défense, elle retrouve un poste opérationnel au 40e régiment de transmissions et part en 2011 pour 6 mois en Afghanistan. Elle prend le commandement du 40e régiment de transmissions en tant que Chef de corps entre 2013 et 2015. Elle est alors à la tête de 850 hommes et femmes. De 2018 à 2019 elle est chargée de mission cyber et transformation numérique à l’état-major de l’armée de Terre. Promue Général de brigade en 20219, elle prend le poste de directrice adjointe à la Délégation à l’information et à la communication de la défense. Elle rejoint en août 2021 la toute nouvelle Agence du Numérique de Défense (AND) en tant que directrice adjointe. Promue Général de Division en 2023, elle prend alors la direction de l’agence du numérique de défense. Par ailleurs, le Général Anne-Cécile Ortemann est une ancienne escrimeuse au sein de l’équipe de France militaire, et la présidente de la Fédération des Clubs de la Défense depuis 2022.
1 – Vous êtes présidente de la Fédération des clubs de la défense (FCD). Pouvez-vous nous parler de votre fédération ?
Depuis plus de 65 ans, la Fédération des clubs de la défense (FCD) est reconnue pour ses actions au service du sport, de la culture et du lien Armée-Nation au sein du ministère des Armées. Aujourd’hui, près de 145 000 adhérents y partagent leurs passions.
La FCD s’ouvre sur la société civile dans un esprit de développement du lien Armée-Nation avec l’objectif de faire partager ses valeurs. S’ouvrir à la société civile, c’est aussi permettre aux militaires et civils de la défense, souvent dirigeants et/ou animateurs de nos clubs, d’intégrer les nombreuses structures sportives locales et les instances régionales ou nationales du mouvement sportif français.
Ses 430 clubs sportifs et artistiques (CSA) sont quasiment tous installés sur des emprises militaires tant en métropole qu’en outre-mer et à l’étranger. Près de 34% de ses adhérents sont extérieurs à la Défense, 44% d’entre eux sont des personnels du ministère des Armées et de la Gendarmerie nationale et les 22% restants sont des ressortissants de la communauté de Défense (familles ou anciens).
Consciente de son rôle éducatif irremplaçable, la FCD s’engage très tôt dans une politique d’intégration sociale et de lutte contre toutes les formes de difficultés sociales et de handicaps.
Ainsi, la Fédération permet aux jeunes, dont majoritairement les enfants de personnels du ministère des Armées, de pouvoir pratiquer de nombreuses activités sportives à coût réduit dans les enceintes militaires et en toute sécurité. 18% de ses adhérents ont moins de 18 ans. Cette intégration sociale des jeunes se traduit notamment dans le soutien des différents programmes des Armées : « Cadets de la défense », « Escadrilles Air Jeunesse », « Aux Sports Jeunes Citoyens ! ».
L’ensemble de ces programmes permettent aux jeunes de mieux s’intégrer dans la société en développant le bénévolat, en promouvant les valeurs d’intégration, de mixité et de respect, en facilitant la mixité sociale entre jeunes issus de milieux différents, en permettant aux jeunes de connaître l’institution militaire et ses métiers et en renforçant ainsi le lien Armée-Nation.
La FCD facilite la pratique sportive dans les clubs de la défense en rendant gratuite la licence aux personnes en situation de handicap (civils et militaires) et les militaires atteints d’affections de longue durée, notamment avec le soutien de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS).
L’accueil, au sein des clubs, des personnes en situation de handicap et des militaires blessés est un engagement majeur des dirigeants et des adhérents de la Fédération. 137 clubs proposent aujourd’hui des activités pour près de 1300 personnes en situation de handicap, dont 21% de moins de 18 ans. De nombreuses initiatives sont mises en place pour développer des activités sportives, culturelles, artistiques et de loisirs adaptées au handicap.
Cet accueil permet d’offrir aux militaires blessés et aux personnes en situation de handicap une chance d’insertion ou de réinsertion sociale, notamment par la pratique d’une activité sportive.
La direction des clubs de la défense est assurée exclusivement par des bénévoles qui sont, statutairement, du personnel d’active du ministère des Armées ou des retraités. Les militaires ou civils de la défense constituent l’ossature irremplaçable des clubs. Le mouvement associatif des clubs de la défense, c’est 12 000 dirigeants bénévoles engagés au service de la collectivité.
Il en va de même dans l’animation des sections dont plus de 80% sont sportives. Ce sont les personnels du ministère, moniteurs EPMS ou non, qui assurent, toujours bénévolement, l’encadrement et l’animation des activités physiques et sportives proposées dans les clubs. Les motivations de nos adhérents s’appuient sur nos valeurs (respect, esprit d’équipe, engagement, altruisme, combativité, courage, lien social, inclusion…) qui s’appliquent aussi bien aux sportifs qu’aux militaires.
Au travers d’un sondage effectué il y a trois ans, il apparaît qu’un peu plus souvent que les autres, les bénévoles militaires sportifs sont « multi participants » à des associations, entre CSA et clubs locaux. À l’image de leur engagement au sein des Armées, ils s’engagent aussi pour les autres.
Face aux évolutions permanentes de la société, la FCD s’efforce aujourd’hui de conserver son identité et son caractère affinitaire. Fédération agréée par le ministère des Sports et membre du CNOSF, reconnue d’utilité publique et d’intérêt général, elle est indéfectiblement liée au ministère des Armées et à la communauté militaire. Elle continue de développer ses activités au profit du plus grand nombre, « du loisir à la compétition ».
2 – Cette année est olympique. Quelle est la place de votre fédération dans cet engagement national ?
A l’instar des autres fédération sportives, la Fédération des clubs de la défense est au premier plan de la pratique sportive en France. Nos clubs sont présents partout dans le territoire métropolitain et ultramarin. Ils agissent au quotidien pour promouvoir la pratique sportive. La Fédération, via le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), est donc un partenaire naturel des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.
Dans notre cas, tout a commencé en 2019, lorsque la FCD a obtenu la labellisation « Terre de Jeux 2024 » qui nous a permis de participer au rayonnement de l’organisation olympique et de donner une dimension nationale à Paris 2024.
Grâce à ce label, l’héritage des JOP 2024 se construira partout en France et avec tous les sports. Il permet également à notre fédération de participer à la fête et de profiter des très probables retombées positives des Jeux en matière d’adhésion dans nos clubs.
Quant au côté « exploit sportif », la raison d’être de la FCD n’est pas de préparer des athlètes aux Jeux mais d’encourager les personnels civils et militaires à la pratique des activités sportives. L’élite du sport se trouve dans la masse des pratiquants, et dans les nombreuses compétitions qu’organise la FCD, inévitablement des sportifs émergent. A eux de rejoindre d’autres structures sportives plus adaptées afin d’y développer leurs potentialités et de tenter l’hypothétique aventure olympique. C’est à ce titre que la Fédération des clubs de la défense œuvre en osmose avec le mouvement olympique et paralympique.
Je tiens à préciser que la Fédération sera physiquement présente à Paris 2024 les 6 et 7 août au Club France, installé dans la Grande Halle de la Villette, qui sera ouvert au public durant les Jeux. Durant ces deux jours, la FCD proposera aux visiteurs trois animations (initiation au tir laser, mini parcours d’obstacles avec à la carabine et au pistolet laser et animation avec du fauteuil basket). Par expérience, je peux vous assurer que notre stand ne désemplira pas durant ces journées. Un grand merci à notre directeur technique, Eric Boulesteix, d’avoir su mettre en œuvre ce programme riche et varié. Mais il ne sera pas seul, il animera une équipe d’une douzaine de bénévoles de la FCD.
Par ailleurs, 70 autres bénévoles de notre Fédération seront mis à disposition du comité d’organisation. Ils seront mobilisés pour contribuer à la réussite de cet évènement sportif, le plus grand au monde en qualité de jalonneur, d’équipier ou pour l’anecdote d’une chirurgien-dentiste qui sera présente tout au long des Jeux dans le Village Olympique.
Vous faites bien de parler d’engagement national car les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 doivent permettre de fédérer le plus grand monde autour de la passion sportive, de transcender les barrières culturelles, linguistiques et géographiques, et de partager les trois valeurs olympiques qui sont l’amitié, le respect et l’excellence.
3 – Le Souvenir Français : La mémoire des sportifs, en particulier ceux « Morts pour la France », s’impose. Quelle est votre opinion ?
Je ne puis être qu’admirative devant ces grands sportifs qui ont fait le sacrifice ultime pour leur patrie. Ils sont nos frères d’armes. Et la France compte un grand nombre de champions engagés dans les combats durant le 20ème siècle. L’exposition que vous consacrez cet été aux sportifs combattants de la Première Guerre mondiale le démontre parfaitement.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour évoquer le dernier ouvrage de l’historien du sport Michel Merckel, à l’origine de votre exposition, qui depuis des années consacre sa vie à la mémoire des sportifs ayant eu à connaître l’horreur des champs de bataille. Ce livre, « Les champions sportifs décorés de la croix de guerre ou de la valeur militaire », a recensé près de 80 sportifs ayant obtenu cette reconnaissance de la Nation, et vous le savez l’attribution de la Croix de Guerre a été extrêmement rare et exceptionnelle. Sa lecture ne peut qu’émouvoir ceux qui partagent les valeurs sportives et patriotiques, qui sont souvent les mêmes. C’est pourquoi, j’ai tenu à ce que la FCD soit partenaire de cette belle aventure littéraire. La lecture de cet ouvrage démontre à l’envie que les valeurs du sport se confondent avec celles qui animent tous les militaires, l’abnégation, le don de soi, le sacrifice, la camaraderie, la solidarité.
Je n’oublie pas que ces grands sportifs, qui furent de grands combattants, ont largement participer à la démocratisation et à l’essor du sport en France. Beaucoup ne sont pas revenus du combat, plus de 430 je crois, mais les autres ont su répondre au besoin qui s’est fait ressentir dès après 1918 en mettant en place les fédérations sportives comme celles de football, de rugby ou d’athlétisme. En tant que femme, sportive et militaire, j’aimerais rappeler que le premier match de football féminin s’est disputé à Paris en septembre 1917, au plus fort des combats.
Enfin, cet été, après les Jeux Olympiques, se dérouleront du 29 août au 8 septembre les Jeux Paralympiques. De nombreux militaires français y brilleront comme à chacune des éditions précédentes. Le handisport, sans le nommer ainsi, est né à l’issue de la Première Guerre mondiale et doit beaucoup aux armées. En effet, devant le nombre grandissant de mutilés, l’école nationale militaire de gymnastique de Joinville, ancêtre de notre Centre national des sports de la défense, est investie d’une nouvelle mission, celle de mettre en place des moyens efficaces de rééducation. J’ai un exemple qui me revient naturellement en mémoire, étant ancienne escrimeuse de haut niveau, celui d’Armant Massard. Grièvement blessé au ventre en octobre 1914 et rééduqué par le sport, il remporte le titre de champion olympique à l’épée aux Jeux de 1920.
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