Trois questions à Rémy Gausserès

30 mai 2022

Rémy Gausserès est né le 25 août 1946 à Poitiers dans la Vienne, ancien élève du Prytanée militaire de la Flèche, Saint-Cyrien de la promotion Souvenir de Napoléon (1968-1970), il a eu une carrière militaire remarquable dont nous pouvons retenir, entre autres, ces différentes dates :

En 1977, il prend le commandement de la 3ème compagnie. A la tête de sa compagnie au 2°REP, il se distingue lors des combats de Kolwezi au Zaïre (mai-juin 1978). De 1990 à 1992 il commande le 2ème Régiment Etranger de Parachutistes à Calvi. Il effectue deux interventions au Tchad comme chef du détachement Terre (Epervier). De 1993 à 1996 il est affecté à la 11°division parachutiste à Toulouse, comme chef d’état-major et se distingue comme chef d’état-major du secteur de Sarajevo lors de la reprise des crêtes du Krupac par la Forpronu (1994). Il participe comme commandant en second de la Brigade multinationale Sud-Est de l’IFOR à l’application des accords de Dayton sur le terrain en Bosnie (1995-1996). De 2002 à 2004 il est le Secrétaire permanent du Comité interministériel du Renseignement (CIR) au Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN) à Paris. Il est général de division en 2003. Il est élu Président de la Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion Etrangère (FSALE) au 30°congrès à Orange le 1er juin 2013.

 1 – Il y a 50 ans s’achevait l’intervention des armées françaises au Tchad. Quelle fut la place de la Légion étrangère dans cette intervention ?

La rébellion au Tchad a embrasé le Tibesti des Toubous et le Sahel des Musulmans.

En avril 1969, le 2ème Régiment Etranger de Parachutistes (REP) est mis en alerte. Le 16 avril, l’état-major tactique n°1 du CB de Chastenet, fort de 390 légionnaires, est posé à Fort-Lamy. Le 28 avril, il intervient dans le Guéra pour reprendre le contrôle de Mangalmé par une série d’accrochages face à des rebelles équipés d’armes de récupération, mais mobiles et très imprévisibles. L’adversaire connait bien le terrain, il s’appuie sur une population soit sympathisante, soit indifférente mais objet de menaces de rétorsion. Combats et embuscades se succèdent face à deux mouvements rebelles, l’un partant de ses bases soudanaises, l’autre implanté dans le massif du Tibesti. En effet, les Russes sont en force au Congo-Brazzaville, ils affirment leur présence au Soudan et au Nigéria voisins, et s’intéressent de très près au Tchad.

Au mois de mai, la saison des pluies rend les pistes impraticables. Solution : les chevaux ou les quelques hélicoptères de l’ALAT. Le renseignement vient des contacts sur le terrain, des chefs de villages où les médecins militaires soignent enfants, femmes et vieillards malades. Début octobre, une opération à Massaloua, dans la région d’Am-Timan, permet de mettre hors de combat 68 rebelles.   En quatre mois de sorties incessantes, à Biltine, Eref, Niergui, les bilans sont éloquents.

En octobre, les légionnaires de l’état-major tactique n°2 du CB Malaterre (dont une compagnie de marche venant de Corte et de Bonifacio), débarquent à Fort-Lamy et sont immédiatement engagés dans le secteur de Mongo. Le 25 octobre, le 2ème REP est au complet au Tchad sous le commandement de son chef, le colonel Jeannou Lacaze, nommé adjoint opérationnel du général Cortadellas. En novembre, tous les moyens sont engagés dans la zone Bokoro-Melfikole-Biltine. Le 3 décembre, la compagnie d’Appui et Eclairage (CAE) obtient des résultats probants. Le 25 décembre, la 3ème compagnie accroche une forte bande dans la région d’Haraze-Mangueigne ; 18 rebelles sont tués, une dizaine d’armes récupérées ainsi qu’une tonne de sacs de mil redistribués à la population. Le sous-préfet du Salamat est soulagé : l’étreinte se desserre autour des villages.

L’année 1970 voit un changement notable s’opérer chez les rebelles. Ils disposent désormais d’un armement moderne et ont été formés aux tactiques de guérilla. Les massifs de l’Ennedi et du Tibesti sont familiers aux guerriers Toubous, Goranes ou Zaghawas, farouches combattants et excellents tireurs. Les compagnies du 2ème REP interviennent sur tout le territoire, à pied, à cheval, en hélicoptère. Le 13 février, une section de la 2ème Cie surprend des rebelles à Mangalmé et réduit leur résistance ; onze rebelles sont mis hors de combat, leur armement et d’importants documents sont récupérés.

Le 6 mars, la 1ère Cie accroche une forte bande rebelle dans le Ouaddaï, à 80 km au sud-ouest d’Adré. Les légionnaires sont renforcés par une unité de la garde nomade tchadienne. Les tirs de l’adversaire sont très nourris, l’adjudant tchadien qui commande le détachement est touché. Le médecin-capitaine de Larre de la Dorie se porte à son secours sous le feu ennemi. Les balles sifflent, à son tour il est mortellement blessé. Il succombe parmi ses légionnaires qui ont réussi à le mettre à l’abri. Le 8 mars, le colonel Lacaze souligne son courage dans son éloge funèbre : « C’est en pleine opération, au milieu de vos légionnaires, que vous avez été fauché à 27 ans, dans l’accomplissement le plus pur de votre mission de médecin-militaire, en allant porter secours à un blessé ».

La guerre continue, des kilomètres de pistes, des trous d’éléphants, des pistes impraticables à la saison des pluies avec des véhicules surannés, de la poussière et de la sueur, des montagnes rocailleuses et des grottes ou des thalwegs remplis de bosquets d’épineux où les rebelles se camouflent pour ajuster des tirs meurtriers. Le 22 octobre dans le Tibesti, les légionnaires de la CAE parviennent à dégager deux postes de la garde nomade dans la gorge étroite de la « faille Leclerc ». Les combats durent 36h et sont meurtriers face à des Toubous bien dissimulés et équipés de fusils à lunettes. La compagnie déplore un mort et sept blessés, mais quarante rebelles restent sur le terrain. Enfin en novembre dans l’Ennedi, une nouvelle opération de la CAE coûte deux morts et douze blessés à la compagnie qui met hors de combat une cinquantaine de hors la loi dans la région de Fada.

En décembre 1970, les derniers légionnaires quittent le Tchad. Ainsi quelques années après avoir quitté l’Algérie, les légionnaires se sont adaptés à leurs nouvelles conditions de vie : la discipline de cette troupe est restée exemplaire et toutes les énergies ont été focalisées sur les nouvelles missions opérationnelles, reçues en fonction des accords de défense existant entre la France et le Tchad.

 2 – Votre fédération joue un rôle important dans la sauvegarde de la mémoire des combats de la Légion, pouvez-vous nous présenter votre action ?

Les anciens légionnaires, réinsérés de façon souvent exemplaire dans les milieux divers, se réunissent pour commémorer avec fidélité les anniversaires de leurs combats et honorer leurs morts. Ainsi les années 2014-2018 ont été marquées par des actions importantes pour afficher la place de la Légion étrangère dans l’histoire européenne récente :

– Commémorations des combats de la Grande Guerre pendant ces cinq années : inauguration de 2 stèles à Belloy-en-Santerre et à Aubérive avec le général Jean Maurin, Commandant la Légion étrangère (COMLE), et de 2 plaques à Navarin et à Villers-Cotterêts.

– Commémoration des 70 ans des combats du bataillon Brunet de Sairigné (13ème DBLE) en juillet 1944 à Radicofani pour ouvrir la route vers Sienne.

– Inauguration du musée de la Légion étrangère en Allemagne au château de Schillingfürst avec le général Jean Maurin COMLE et le prince de Hohenlohe.

– Marche « des 1000 drapeaux » le 5 décembre 2016 sur les Champs-Elysées, suivi du ravivage de la Flamme à l’Arc de Triomphe avec les Fédérations et Associations du monde combattant.

– Commémoration en 2018 du centenaire de la création de l’AALE de Genève par le général Foch.

– Participation du président de la FSALE au voyage du Premier ministre au Vietnam en 2018, et dépôt de gerbe au monument aux morts pour les soldats français tombés à Dien Bien Phu, monument construit par le sergent (er.) Rolf Rodel de la Légion étrangère, qui a acheté le terrain en 1993, le ciment et la peinture, puis inauguré le monument en 1994.

– Participation d’une quinzaine d’anciens légionnaires à la prise d’armes du Premier ministre en 2019 aux Invalides en hommage aux « Morts pour la France » en Indochine.

A chaque fois, les Anciens manifestent l’esprit de solidarité acquis dans les années où ils ont porté le képi blanc, heureux et fiers de contribuer à toutes ces actions et à beaucoup d’autres en France et à l’étranger. Devant les autorités civiles et militaires, ils affichent nos valeurs d’Honneur et de Fidélité.

Un important travail de communication et de diffusion de la mémoire a été réalisé, par la FSALE et par les présidents d’Amicales en province comme à l’étranger :

– Publication d’une plaquette de la FSALE largement diffusée

– Modernisation du site Internet (www.legionetrangere.fr)

– Participation aux publications de l’ANAPI et aux lettres du Comité National d’Entente.

– Publications par l’AALE 35 de trois livres sur les carrières d’anciens légionnaires d’Indochine et d’Algérie. Sortie de trois DVD par l’AALE 33 sur les combats et les souvenirs d’anciens légionnaires.

Pendant la pandémie, des amicales d’Allemagne ont envoyé 13 000 litres de liquide hydro-alcoolique et des masques à Auriol et à Puyloubier. Plusieurs amicales en France ont proposé des brancardiers bénévoles à leurs maires et l’une d’entre elles a récolté une forte somme pour offrir un lit médicalisé.

 3 – Nos deux associations ont souvent des actions en commun ? Comment concevez-vous ce partenariat ?

Avec le Souvenir français, nous continuerons à réhabiliter, chaque fois que nécessaire, les tombes de légionnaires laissées à l’abandon, et à conduire les actions adaptées en ce sens auprès des municipalités.

L’exemple de la réhabilitation du cénotaphe du légionnaire Armand Bernier de Maligny est significatif. Dans le cimetière de Saulgé (département de la Vienne) trois tombes abandonnées depuis longtemps, aux inscriptions peu lisibles, devaient être détruites afin de redistribuer les emplacements. L’Amicale locale d’anciens légionnaires apprit qu’il s’agissait de la même famille : au centre, le cénotaphe du caporal de la Légion étrangère, et de part et d’autre, les tombes de son père et de sa mère. L’inscription du cénotaphe est très particulière :

Armand Jean Bernier de Maligny Caporal au Régiment Etranger

tué le 1er mars 1866 pendant les combats de Santa Isabella (Mexique)

Son corps chaud fut mangé par les vautours, sous cette pierre, rien.

Les Anciens ont pris contact avec le Maire de Saulgé qui leur a fait un excellent accueil. Il fut décidé de réhabiliter le cénotaphe, et de rendre les deux emplacements qui l’encadraient. Un travail en commun a été mené en collaboration avec le Souvenir Français, la Mairie et les enfants des écoles.

Lors de la cérémonie d’inauguration le samedi 12 mai 2018, les participants étaient nombreux : le sous-préfet, un ancien préfet, des maires du département, le président de la FSALE, les représentants des armées, de la Gendarmerie et du Souvenir Français, un piquet d’honneur de la Légion étrangère ainsi qu’une douzaine de porte-drapeaux d’anciens combattants et les enfants des écoles.

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