Trois questions à Pierre Mercier

6 novembre 2023

Pierre Mercier est auteur de bandes dessinées spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance dans l’Ain. Fils d’un résistant, Emile Mercier fusillé par les Allemands en décembre 1943, Pierre Mercier écrit les scénarios de nombreuses bandes dessinées racontant la Résistance dans la région de Nantua : « Bourg-en-Bresse : Lalande se rebelle »; « Mardi noir à Nantua : rafle du 14 décembre 1943 » ; « Ambérieu-en-Bugey : 52 locos HS opération à haut risque le 6 juin 1944 ».

1 – Vous avez publié une bande dessinée sur le défilé des maquisards de l’Ain à Oyonnax le 11 novembre 1943. Pouvez-vous nous présenter cette réalisation ?


L’association des Amis du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain participe à l’animation du musée, aujourd’hui géré par le département. Depuis quelques années, elle édite des BD concernant les événements qui ont particulièrement marqué la région. « Oyonnax, ils ont osé », le 2è volume sur 4 évoque ce fameux défilé des Maquisards. Cette BD raconte le pourquoi et le comment de cet événement conçu avec méthode et dans l’urgence, avec les moyens dont ils disposent. Le mot d’ordre des M.U.R. est d’honorer 14/18 ce 11 novembre, avec pour slogan : « Les vainqueurs de demain, à ceux de 14/18 ».  Henri Romans-Petit leur chef, en publiciste qu’il est, veut aller au-delà d’un simple dépôt de gerbe, il organise ce défilé de Maquisards. Il veut montrer que ses réfractaires au S.T.O. sont autres que des bandits, dénoncés par les médias de Vichy. Il dispose de 3 semaines. Il convainc les autorités régionales, il trouve camions à essence et carburant pour transporter ses 120 hommes (40 km), repère le parcours du défilé avec l’Armée secrète locale, cela dans la plus grande discrétion : ce sera Oyonnax.

Ce fait d’arme est immortalisé par un film 8mm de 2mm, devenu le symbole du courage de Maquisards.

La bande dessinée est aujourd’hui  un support d’une modernité réelle, même si nous sommes encore bercés par les albums de notre enfance.  La B.D. aborde tous les thèmes de la réalité : faits sociétaux, Histoire…Pour ce qui nous concerne, l’Histoire.

J’ai pris la responsabilité d’en écrire le scénario. Concernant « Oyonnax, ils ont osé » la matière est importante, sous forme de témoignages et d’iconographies, qu’il convient de mettre en forme. Mettre en forme, c’est raconter l’histoire comme on le ferait pour un script de film en décrivant les scènes avec le plus de détails pour guider l’illustrateur, avec les répliques, commentaires et notes de bas de page.

Un équilibre entre bulles et dessin est nécessaire, pour qu’aucun ne prenne le dessus.
Le dessinateur Josselin Duparcmeur a un coup de crayon qui convient très bien, ni enfantin, ni hyperréaliste, ses couleurs ajoutent à l’émotion. Des pages de garde permettent de situer sur des cartes, les lieux et parcours de Maquisards, et un texte situant l’événement au plan local et national. La complicité entre scénariste et l’illustrateur évidente, concourt à la pleine réussite de cette BD. J’ai connu les personnages il y a plus de 40 ans, soyez persuadés que je respecte leur caractère, comme leurs intentions, sans glorification, ni pathos. 

2 – Vous avez été à la base de la création du musée de la Résistance à Nantua. Que représente aujourd’hui ce musée comme outil de la connaissance et de la transmission de l’Histoire ?

Le musée de la Résistance et de la Déportation accueille à Nantua des écoliers dès l’âge de 9 ans. L’équipe expérimentée qui l’anime s’adapte à tout public. Les élèves s’intéressent à l’histoire contemporaine, celle qu’ont pu vivre leurs arrière-grands-parents. Les interrogeant à ce propos, lors de contacts au musée, ils me citent souvent des propos rapportés ; ceci éveille l’intérêt du groupe, des témoignages fusent. Apprendre lors de la visite du musée que ce Maquisard est mort à l’âge de son propre frère ou que ce chapelet réalisé à partir de mie de pain mâchouillée par une déportée, qui aurait pu être leur arrière-grand-mère, les interpellent. Leur attention est acquise. Ils apprennent la vie sous le joug d’un envahisseur, d’un dictateur. La présence du document, de l’objet apporte de l’émotion. Sans parler d’identification de l’élève au héros, une question peut germer dans sa tête, comme dans la nôtre : qu’aurions-nous fait ? Voilà la question posée, qui offre le doute, la liberté…


Visiter un tel musée vous apprend l’Histoire d’hier et à travers elle, celle qui peut bégayer aujourd’hui. Cette visite vous montre aussi l’engagement de la jeunesse et la nécessité de transmettre de telles valeurs.


3 – Alors que disparaissent les derniers Résistants, le rôle des enfants s’accroît. Comment concevez-vous le rôle des descendants ?

La transmission à la 1ère génération fut délicate, délicate car la préoccupation des acteurs fut de trouver un travail et de fonder une famille. L’amertume de voir dans l’administration des fonctionnaires réhabilités par nécessité. Des rancœurs persistaient dans la société entre les Résistants et ceux qui avaient été endeuillés malgré eux.

Au sein des familles, il était difficile d’être le fils d’un héros survivant, peur de ne pas être à la hauteur. 

Les Résistants et les Déportés se sont divisés. « La France de Vichy » de l’historien américain Robert Paxton et Serge Klarsfeld qui a poursuivi les nazis vont libérer la parole des survivants. Ils viendront témoigner au procès Barbie.

Les descendants n’ont pas toujours rempli leur rôle, deux ont adhéré à l’association à sa création, quelques enfants de déportés, sont venus plus tard.  Indifférence, non. La jeunesse se révoltait bien sûr mais dans des domaines politiques, mai 68, l’avenir de la planète. La transmission est aujourd’hui de la responsabilité de professeurs qui s’impliquent dans des visites de musées et de camps en Allemagne. Les élèves sollicités dans de tels projets se passionnent….

Pour en savoir plus sur la bande dessinée : https://www.bedetheque.com/BD-Oyonnax-Ils-ont-ose-Le-maquis-defile-le-11-novembre-1943-433838.html

Pour visiter le musée de la Résistance de Nantua : https://www.resistance-ain-jura.com/

Articles récents

2 mai 2024

Billet d’humeur du Président Général

La France détient un record mondial ! Le 28 mars 2024, les 78 députés présents dans l’hémicycle ont adopté une proposition de résolution visant à instaurer une journée de commémoration pour les victimes du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. L’histoire en est connue. Ce jour-là, la répression policière d’une manifestation pro FLN bravant le […]

Voir l'article >

Sous les projecteurs

Afin de mettre en lumière la Guerre d’Indochine et la bataille de Dien Bien Phu, le Souvenir Français a accepté de s’associer à plusieurs associations dans un groupe dénommé « l’Alliance Indochine 2024 », coordonné par l’ASAF (Association de Soutien à l’Armée Française) Cette alliance regroupe les associations suivantes : – Association nationale des Anciens Prisonniers Internés Déportés […]

Voir l'article >

Monument du mois

Le cimetière de Than Muoi / Dong Mo 2000 : Cimetière de Dong Mo et ses 81 tombes en ruines, découvertes par le colonel Platon, Délégué Général du Souvenir Français. Le cimetière de Than Muoi / Dong Mo est un lieu exceptionnel. D’abord par son histoire, Profitant de la faiblesse de la France après la […]

Voir l'article >
  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.