En mars 1906, le journal La Gironde constatait que la Gironde était un des rares départements à ne pas posséder de monument à la mémoire des morts de la guerre de 1870-1871. Ce constat amènera les Anciens Mobiles du 3ème et 5ème bataillon, les Tirailleurs Girondins, et l’Union des Anciens Combattants 1870-1871 à se réunir pour demander l’érection à Bordeaux d’un monument départemental dédié « aux Enfants de la Gironde morts pour la patrie en 1870-1871 ». Cette demande n’aboutit pas.
Le projet est repris par Anselme Léon, magistrat à la cour d’appel de Bordeaux. Un concours est organisé du 1er janvier au 31 mars 1908 sur le programme « la Gironde en 1870-71, dans un élan viril de patriotisme pour repousser l’invasion, arma et envoya aux armées un nombre considérable de ses Enfants », remporté par le statutaire Jean-Georges Achard et l’architecte Gourdain, deux Girondins. L’entreprise bordelaise de MM. Albert Dormoy et Leprince est chargée de réaliser les opérations de fonte.
La défaite de 1871 aura laissé une volonté de revanche dans tous les esprits, qui s’incarnera notamment dans l’esthétique de ces Monuments aux morts. Et celui de Bordeaux n’y échappe pas, s’inspirant très fortement de l’œuvre d’Antonin Mercié Gloria Victis (dont une copie se trouve à Bordeaux). Le cheval représente la France frémissant sous l’outrage et foulant aux pieds les armes étrangères (canon, fusil, casque à pointe…). La figure féminine couronnée avec des ailes, montant en amazone, et tenant l’étendard de la patrie, représente la Gloire emportant dans ses bras le défenseur vaincu vers l’immortalité.
Le socle est orné de deux bas-reliefs en bronze : « La défense du sol – Mort du commandant Arnould » (le 12 janvier 1871 au cours de la bataille de Savigné-Chanteloup à la tête du 5ème bataillon des Mobiles de la Gironde) et « Au secours de la Patrie » (siège de Paris, barricades défendues par les civils, femmes et enfants.)
On peut lire diverses inscriptions sur le monument dont : « Victi sed in gloria » (vaincus mais dans la gloire) sur la base du bronze, « Aux enfants de la Gironde morts pour la patrie 1870-1871 » à l’avant du piédestal. On peut également voir des médaillons de bataillons et des blasons de villes girondines.
Le monument fut un temps encadré de deux canons, enlevés le 10 novembre 1927 lors d’un premier agencement.
L’inauguration a lieu le 19 septembre 1913 en présence de Raymond Poincaré, Président de la République. Louis Barthou, Président du Conseil, prononça un discours précurseur du changement à venir au sein des armées françaises :
« La honte n’est pas dans la défaite quand on a rempli tout son devoir contre le destin hostile, elle est dans l’indifférence coupable qui annonce et prépare les abdications mortelles. C’est l’honneur des générations qui se sont succédées, c’est leur fierté et leur force commune de n’avoir pas oublié. D’un bout à l’autre du territoire, elles n’ont jamais cessé d’apporter à leurs aînées, frappées pour la France, le tribut de leur pieux respect. La grandeur durable d’un peuple se mesure au culte qu’il a de ses souvenirs. La gloire que la victoire donne, et quelle nation fut plus que la nôtre riche en victoires glorieuses, n’exclut pas la leçon qui s’attache aux défaites noblement supportées. Les événements de 1870-1871 ont prouvé à la France que l’héroïsme exalté jusqu’au sacrifice ne suffit plus à conjurer le sort contraire et à ramener frémissante la victoire sous les drapeaux. Une préparation continue, méthodique et attentive, n’est pas moins que la force du nombre, nécessaire au succès. La jeunesse de France vient se pénétrer dans des cérémonies comme celle qui nous réunit, du courage tranquille, de la foi stoïque et de la volonté de vaincre qui inspiraient le beau serment de la jeunesse d’Athènes ». (Extrait du discours).
Après plusieurs discours, la cérémonie se termine par La Marseillaise, chantée par un ténor bordelais, et la foule nombreuse manifeste à diverses reprises son enthousiasme et ses sentiments patriotiques.
Le Président de la République se rend ensuite à l’hôpital Saint André, qu’il visite, puis il rentre à la préfecture en passant par les rues principales de la ville. Partout la foule se presse sur les trottoirs, aux fenêtres des maisons, et les ovations se répètent avec enthousiasme.
En 1941-1943, le monument fut sur la liste des œuvres qui devaient être enlevées dans le cadre de la récupération des matériaux non ferreux destinés à être fondus par l’occupant pour l’effort de guerre. Cependant, en août 1943, il fut finalement décidé qu’il serait écarté de la liste.
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