Le monument du mois

3 octobre 2022

L’Ossuaire de Douaumont

Couvrant 10 000 hectares, la forêt domaniale de Verdun veille sur les restes préservés du champ de bataille de Verdun. De février à décembre 1916, pendant 300 jours et 300 nuits, plus de 60 millions d’obus tombent sur ce secteur stratégique de la Meuse, engloutissant plus de 300 000 soldats des deux camps. En 1918, le front s’est éloigné, laissant derrière lui un paysage lunaire, balafré de trous d’obus, de matériel abandonné et de corps éparpillés. Le champ de bataille laisse la place aux brancardiers et aux fossoyeurs, achevant leur œuvre macabre de récupération des milliers de cadavres français et allemands à identifier.

C’est au lendemain de l’armistice, le 20 novembre 1918, que l’évêque de Verdun Monseigneur Ginisty, arpente les champs de bataille de Fleury, Vaux et Douaumont. Profondément marqué par ce qu’il voit, il ne peut envisager que soit laissé « à la désolation ce désert peuplé de morts » et souhaite qu’une sépulture digne de leur sacrifice leur soit donné. C’est lors de la grande cérémonie du troisième anniversaire de la bataille de Verdun en 1919 au Trocadéro, qu’il expose son projet d’édifier un vaste monument à la mémoire de tous ces soldats morts au front, désigné sous le terme de « cathédrale des morts et basilique de la Victoire ». Les premiers jalons du projet d’édification de l’ossuaire sont posés. Une morgue provisoire est installée dans un ancien baraquement de planches et Monseigneur Ginisty constitue un comité pour recueillir les financements nécessaires à la construction. Philippe Pétain, surnommé le « Vainqueur de Verdun » en est désigné le président d’honneur. Bénéficiant du soutien des élites du pays, telles que le maréchal Foch, le président Poincaré ou encore le député Victor Schleiter, maire de Verdun et délégué départemental du Souvenir Français, le projet du monument prend rapidement une dimension nationale. Afin de sécuriser le financement, l’évêque de Verdun traverse la France et voyage à l’étranger de 1919 à 1932. Cette campagne est concluante puisque 122 villes françaises, dont plusieurs villes de notre « empire colonial » et 18 villes étrangères s’engagent dans le projet, y compris le Canada en 1925 et les États-Unis en 1928. La façade du mémorial rend hommage à ces villes en portant leurs armoiries.

Bien que les deux premières pierres de l’édifice futur soient posées en 1920 par Philippe Pétain et Monseigneur Ginisty, il faut attendre deux ans de plus pour que soit lancé un concours d’architecture. Il prévoit ainsi la construction d’un ossuaire destiné à abriter les dépouilles des deux camps qui n’ont pu être identifiées, une vaste chapelle catholique et un ensemble de trois édifices de culte évoquant la mémoire des combattants israélites, musulmans et protestants. En 1923, à l’issue de la compétition, cinq projets sont départagés par un jury réuni à l’Hôtel des Invalides. L’étendue choisie pour accueillir un tel monument domine la vallée de la Meuse en surplomb du théâtre des combats et est stratégiquement placée entre deux ouvrages militaires, le fort de Douaumont et le fortin de Thiaumont.

Statue de la « Vierge de la Résignation » devant la chapelle provisoire par Berthe Girardet (source : WikiWand)

Le projet choisi se compose d’un cloître monumental en béton de 137 mètres de long et 14 mètres de large, avec une voûte en plein cintre. Il est bordé de 18 alvéoles contenant chacune deux tombeaux en granite rose de Perros-Guirec, et se termine par deux absides contenant cinq tombeaux chacune. Le 17 septembre 1927, alors que l’ossuaire est encore en construction, 52 cercueils sont transférés depuis l’ossuaire temporaire et déposés dans 52 tombeaux à l’intérieur du cloître, correspondant aux différents secteurs du champ de bataille. Dans chaque alvéole, des verrières projettent sur les tombeaux une lumière rouge, symbole du sacrifice. Chaque tombeau surplombe une fosse, avec deux fosses supplémentaires aux extrémités du cloître. 130 000 soldats inconnus, français et allemands, reposent en ce lieu. L’ossuaire est surmonté en son centre d’un clocher dont la forme rappelle celle d’un obus, mesurant 46 mètres de haut et offrant une vue panoramique sur les champs de bataille. Celui-ci abrite une cloche en bronze de 2 tonnes, appelée Bourdon de la Victoire, qui est sonnée lors des cérémonies officielles. Au sommet de la tour se trouve une lanterne des morts rouge et blanc en rotation, qui brille sur les champs de bataille la nuit. Le clocher est situé au-dessus d’une chapelle de la mémoire, perpendiculaire au cloître et ouvrant sur le hall d’honneur de l’édifice et offrant une vue directe sur le champ de bataille et la nécropole nationale.

Chapelle provisoire de Douaumont

À chaque extrémité du cloître, un grand bouclier taillé dans un seul bloc de granite accueille la flamme du souvenir les jours de cérémonie. Sur la voûte du cloître près de 4000 pierres gravées portent le nom d’un soldat disparu, à la demande des familles ou des associations d’anciens combattants. Le cloître abrite deux statues de Berthe Girardet : Soldat de Verdun de 1927 et Statue de la résignation de 1920, déjà présente dans l’ossuaire provisoire. Le 7 août 1932, l’Ossuaire est inauguré en présence du président de la République Albert Lebrun et de nombreux dignitaires français et étrangers, d’anciens combattants et des familles de soldats disparus. La chapelle de l’ossuaire, réalisée durant la première tranche de travaux de l’ossuaire, est complétée par l’ajout d’un monument commémoratif aux soldats de confession juive (en 1938) et par un monument dédié à la mémoire des soldats musulmans, inauguré en juin 2006 par le président Jacques Chirac. La gestion est assurée depuis 1919 par la Fondation de l’Ossuaire de Verdun.

Le terrain descendant le long des pentes de la côte de Douaumont est occupé par la nécropole nationale de Fleury-devant-Douaumont. Inaugurée en 1923, cette nécropole rassemble plus de 16 000 tombes de soldats français. Les confessions religieuses des soldats enterrés sont représentées sur les pierres tombales (croix latine, croissant de l’islam, croix de David).

Dans le climat d’hostilité antiallemande d’après-guerre, aucun cimetière allemand ne sera autorisé sur le champ de bataille de Verdun, marquant l’appropriation de la mémoire de la bataille par les vainqueurs. Les cadavres allemands identifiés sont ainsi inhumés dans des cimetières annexes loin de l’ossuaire.

Le 22 septembre 1984, la nécropole de Douaumont fut la scène d’un moment historique et emblématique de la réconciliation franco-allemande : la poignée de main de François Mitterrand, président français et Helmut Kohl, le chancelier allemand.

Pour en savoir plus sur les horaires d’ouverture et de visites : https://www.verdun-douaumont.com/

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