Cérémonie le 19 septembre à Coulommiers

12 octobre 2020

Le 19 septembre, a eu lieu à Coulommiers (77) l’inauguration du monument 1870 entièrement rénové.

Trouvez ci-dessous le discours de Serge BARCELLINI, Président Général du Souvenir Français à cette occasion.

Je commencerai volontiers mon propos par une exclamation bien peu conventionnelle, « Osons parler de la guerre de 1870 » !

Oui, osons parler de cette guerre totalement oubliée et pourtant essentielle.

Oui, osons parler de cette guerre dont la trace mémorielle est encore si forte dans nos régions.

Oubliée ! Cette guerre l’est aujourd’hui totalement chez la majorité de nos concitoyens.

Alors que certains confondent 8 mai et 11 novembre, Première et Deuxième Guerres mondiales, alors que beaucoup ne savent plus situer sur une frise chronologique Napoléon, la guerre franco-prussienne de 1870-1871 est entrée dans les « oubliettes » de l’Histoire.

Cet oubli nous interroge. Pourquoi ? Alors que nos grands-parents connaissaient parfaitement les épisodes de Reichshoffen, de Bazeilles et de Sedan ;

Pourquoi ? Alors que Gambetta était reconnu comme un héros fondateur de notre histoire contemporaine ;

Pourquoi ? Cet oubli.

Pour deux raisons essentielles.

La première est éducative. Depuis près de 30 années, la période 1870-1914 n’est plus enseignée dans les établissements scolaires français. Plus d’une génération de français n’a jamais entendu parler de 1870, ni de Jules Ferry d’ailleurs.

Comment s’étonner dès lors de cet oubli. Comment s’étonner dès lors des reconstructions de l’histoire, voir des déformations de l’histoire que nous constatons aujourd’hui. Hier héros national, qui a imposé l’enseignement obligatoire et gratuit, Jules Ferry est aujourd’hui un horrible colonialiste.

La seconde est commémorative. En 1941, le général de Gaulle à Londres prononça un discours prémonitoire. Il évoqua la guerre franco-allemande commencée en 1914 et qu’il qualifia de guerre de 30 ans. Or, et le général de Gaulle pétrit d’histoire le savait bien, ce n’était pas d’une guerre de 30 ans qu’il s’agissait mais d’une guerre alors de 70 ans. Ce raccourci volontaire était commémoratif.

Alors que de 1871 à 1920 le souvenir de la guerre de 1870 a été au centre des politiques mémorielles, la page est fermée en 1920. La victoire de la Grande Guerre clôt la mémoire de 1870. Le 11 novembre 1920, le corps du soldat inconnu inhumé à l’Arc de Triomphe occulte le cœur de Gambetta placé dans une urne au Panthéon.

Oubliée et pourtant essentielle !

Essentielle – 1870 est un moment incontournable de notre histoire contemporaine. 1870, c’est la création de la République. Si nous sommes aujourd’hui en République, si nous communions autour de la devise « Liberté – Egalité – Fraternité », nous le devons à 1870.

150 ans de République, ce n’est pas rien…

1870, c’est la création de l’Allemagne. Une nation « sûre d’elle-même » – je reprendrai volontiers pour la qualifier l’expression employée par le général de Gaulle pour un autre pays. Une création qui a modifié l’histoire du monde.

1870 enfin, c’est « l’accouchement » de l’Europe d’aujourd’hui. C’est Schuman, c’est Monnet et c’est Adenauer. Un accouchement difficile et lent – c’est en effet 3 guerres enchâssées l’une dans l’autre :  1870, 1914-1918, 1939-1945, 75 ans de guerres qui aboutirent – espérons le pour toujours – à 75 ans de paix européenne.

Essentielle, oui pour comprendre l’Europe d’aujourd’hui.

Alors, osons parler de la guerre de 1870 ici à COULOMMIERS, ici où les traces de cette guerre sont encore présentes ; ici où la mémoire de pierre nous appelle à comprendre.

Une mémoire de pierre qui, elle aussi, nous apprend. Avec un premier temps, 1870-1875 – où deux acteurs mémoriels se font face. Un acteur religieux – l’Œuvre des tombes et des prières, association créée en 1871 pour structurer le souvenir de la guerre par la création de monuments, de stèles et de prières rédemptrices. Un acteur étatique – le ministère de l’Intérieur chargé de mettre en œuvre la politique décidée par l’Allemagne de création de tombes pour les combattants des deux camps.

Et un second temps, 1877-1920 – où la République prend en main le souvenir de 1870 avec son bras « armé », Le Souvenir Français. La bataille frontale conduite par la République contre les responsables catholiques, bataille qui s’achève par la loi de séparation de l’église et de l’état en 1905 présente un exceptionnel versant mémoriel. La victoire de la République en 1877 marginalise l’Œuvre des tombes et des prières. Le gouvernement favorise la création d’une association républicaine de substitution, ce sera Le Souvenir Français créée officiellement en 1887.

Une association qui impulsera aux côtés des communes la création d’un dense réseau de monuments et de stèles. Une association qui structurera les combats républicains – d’abord le combat « laïc » jusqu’en 1900, ensuite le combat de la « revanche ». Car, ne l’oublions pas, c’est la mémoire de 1870 qui porte la revanche.

A travers la pierre, la République construit une mythologie.

1870 devient une défaite glorieuse. Ce n’est pas la défaite de la France mais celle de Napoléon III. Ce n’est plus la défaite des soldats mais celle des chefs et en particulier de Bazaine.

C’est donc de la République dont nous parlons aujourd’hui. D’une République qui a ardemment besoin de se réenraciner. Que serait la France sans la République ?

Que serait notre « vivre ensemble » sans notre passion égalitaire et notre fraternité ?

Que serait notre universalité sans cette volonté de parler au monde ?

Devant ce monument, ce n’est donc pas seulement de gerbes – même si ce rituel patriotique à toute sa valeur – dont il faut parler, mais c’est de renouveau républicain, c’est d’histoire partagée, c’est de volonté dont il est question.

Oui, osons 1870,

Osons notre mémoire,

Osons tout simplement la France.

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