Trois questions à Marie-Georges Gordien, président de l’association Nou K Bay

1 juin 2023

Marie-Georges Gordien est musicien de Gwoka originaire de la Guadeloupe. Sensibilisé à l’âge de 16 ans à la musique, il entretient une longue relation avec les rythmes et les chants traditionnels qu’il défend. Cette musique est pour lui à la fois un exutoire et un engagement.

Avec l’association Nou K Bay, il s’est fixé comme objectif de participer à la sauvegarde de cette tradition musicale. Ses actions ont conduit l’association vers des horizons auxquels il n’avait pas pensé : l’histoire des grandes guerres et des soldats qui y ont laissé leur vie.

Militant culturel, il travaille aujourd’hui à construire, avec les membres de Nou K Bay, de nouvelles perspectives à cet environnement musical.

1 – Vous animez une association qui rassemble des Antillais à Paris autour d’une activité musicale. Pouvez-vous nous présenter votre association ?

L’association NOU K BAY (ou NKB) a été créée le 8 octobre 2011. Nous sommes une association de musique traditionnelle de la Guadeloupe nommée « Le Gwoka ». Il existe 2 aspects de cette musique

-Les chants de veillées mortuaires qui sont accompagnés d’onomatopées appelées « Le Boulagèl ».

Ces rassemblements ont lieu pour accompagner la famille d’un défunt et apaiser son chagrin.

-Les chants de Gwoka qui se jouent avec 3 tambours appelés « Ka ».

Ce sont des rassemblements qui regroupent, généralement en plein air, des musiciens, des danseurs et le public. Notre association s’est donnée pour objet de pratiquer la musique traditionnelle Gwoka en insistant sur la profondeur à ses activités.

Ainsi, tous les 1er novembre (moment de la Toussaint), nous organisons une soirée autour de cette musique au cours de laquelle les personnes présentes peuvent parler d’un proche qu’elles ont perdu. C’est le temps fort de cette manifestation.

C’est dans de cette recherche de profondeur que nous nous sommes rendu compte que nombre de chants que nous entonnions abordaient la thématique des guerres françaises et qu’il fallait en faire quelque chose.

2 – Dans le cadre de cette activité vous avez mis à votre répertoire des chants de poilus. Comment les avez-vous trouvés ? Pourquoi l’avez-vous fait ?

Ce n’est que par pur hasard que nous avons repéré cette catégorie de chants dans notre répertoire. Nous n’avons eu aucun mal à les retrouver puisqu’ils font partie, depuis de nombreuses années, des musiques diffusées sur les ondes des radios aux Antilles. Simplement, avant nous, membres de l’association Nou K Bay, le lien n’avait pas été fait entre ces chants et l’impact masqué de ces guerres sur nos sociétés des Antilles Françaises.

C’est suite à cela que nous nous sommes dit le 11 novembre 2017 qu’il fallait partir explorer cet univers militaire dans la région de Verdun. Nous sommes allés à l’Ossuaire de Douaumont et ensuite à Neuilly-en-Argonne où le Maire de l’époque (M. Alain JEANNESSON) nous a amené (les 60 participants) à la Butte de Vauquois.

Pour rappel, le village de Neuilly (détruit à 80%) a reçu 100 000 francs de la Guadeloupe pour sa reconstruction suite à la Première Guerre mondiale.

Précisons que ces chants ne sont pas des chants de guerre. Il s’agit de chants populaires qui retracent le parcours (la trajectoire) des soldats créoles dans l’armée française c’est-à-dire leur départ, leur participation et leurs vécus dans ces différentes guerres (14-18 ; 39-45 ; Guerre d’Algérie ; etc.). Ces chants sont souvent très imprécis dans leur déroulé. On retrouve, quelques fois, des mélanges d’époque.

3 – Vous avez prolongé votre activité associative par la création sur le champ de bataille de Verdun d’une stèle en hommage aux combattants antillais ? Pouvez-vous nous présenter cette initiative à laquelle Le Souvenir Français a apporté son soutien.

Suite à notre sortie de 2017, nous avons décidé de retourner dans la région le 11 novembre 2018.

Cela s’est présenté comme une évidence puisque le village d’Étain avait été aidé financièrement par la Martinique ; nos sorties regroupant autant de Guadeloupéens que de Martiniquais. C’est cette année-là que nous avons fait une rencontre déterminante. Il s’agit de la rencontre avec M. LAPARRA Maire du village « Mort pour la France » de Fleury-devant-Douaumont. Nous avions pu constater qu’aucun monument ne mettait en valeur le sacrifice des soldats des Antilles Françaises.

Suite à la présentation d’un projet notant l’importance d’une stèle en leur honneur, M. LAPARRA a tout de suite été convaincu. Les événements locaux et nationaux (longue grève des transports parisiens et par la suite mouvement des gilets jaunes) n’ayant pas permis ce travail de réalisation d’une stèle, nous avons d’abord dévoilé une plaque marquant ainsi la mémoire de ces soldats dans La Chapelle de Fleury-devant-Douaumont.

La pandémie ayant provoqué l’arrêt de toutes activités en 2020, nous sommes retournés dans la région le 11 novembre 2021. Et, c’était la 1ère fois que nous étions invités à assister à la cérémonie au monument aux morts de Verdun en matinée. Le 11 novembre 2022 a été la consécration pour les soldats des Antilles Françaises enfin reconnus, pour la communauté antillaise et pour l’association. En effet, nous avons été partie prenante le matin de la cérémonie au monument aux morts de Verdun avec un dépôt de gerbe et un chant entonné devant les autorités politiques et militaires de la région.

L’après-midi, les 120 Antillais arrivés de la région parisienne ont pu assister au dévoilement, à Fleury-devant-Douaumont, de la stèle au cours d’une cérémonie dédiée à ces soldats créoles. Un peu moins d’une centaine de soldats des Antilles Françaises ont péri dans le village de Fleury. Mais, seuls 11 noms apparaissent sur cette stèle pour des raisons liées au projet basé sur la proportion 11X22 (11 ans de l’association ; dévoilement le 11/11/2022 ; etc.)

La conception, production et la pose de cette stèle ont eu un coût que seule l’association ne pouvait supporter. Ainsi, la contribution du Souvenir Français a constitué un apport important à la réalisation de ce monument. A noter que l’institution a été la 1ère à avoir proposé ce don d’un montant de 2000€.

Pour autant, l’association Nou K Bay n’a pas pu réunir les fonds nécessaires pour aller au bout du projet et ceci, malgré les aides obtenues d’autres institutions et de particuliers via notamment par une plateforme de financement participatif. L’essentiel, pour nous, a été la réalisation de cette stèle pour ces soldats guadeloupéens et martiniquais. Ils débarquèrent en terre inconnue et ont péri sur ce champ de bataille de Fleury-devant-Douaumont pour sauver la patrie.

Ils seront honorés tous les 11 novembre et tous le 8 mai en mémoire des deux guerres mondiales.

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