Laurence
Thibault a fait des études universitaires de Droit Public et de Sciences
Politiques. Ses activités ont d’abord été tournées vers l’enseignement (Paris
I, EFAP…) et la recherche. A partir de 1977, Secrétaire générale d’un groupe de
sociétés psycho-socio-culturelles, puis agences en communication à Lille et à
Paris. Parallèlement, publication d’articles divers (agence de presse féminine,
revue d’histoire populaire…) et d’ouvrages (La peine de mort en France et à
l’étranger, Gallimard, collection Idées).
En 2000, elle entre à l’AERI (association pour des études sur la Résistance
intérieure), créée par des résistants (Serge Ravanel, Lucie et Raymond Aubrac,
Hélène Viannay, Jacques Delarue…) pour réaliser des cédéroms et dvd-roms
sur la Résistance dans les départements ou régions grâce à des équipes
d’historiens et résistants locaux. Avec le travail de
recherche sur toute la France, une base de données de médias importante a été
constituée et a permis de créer le Musée de la
Résistance en ligne.
A partir de 2006, un partenariat AERI-Documentation Française crée les Cahiers
de la Résistance : Laurence Thibault y publie Les Femmes et la Résistance, Les Jeunes et la Résistance, Imprimeurs
et Editeurs dans la Résistance.
On ne peut
réduire la Résistance à la jeunesse, mais elle y est bien représentée. Comme
leurs aînés, les jeunes ont ressenti le choc de la défaite, l’humiliation. Avec
une spontanéité qui peut tendre vers l’inconscience, ils veulent en découdre
avec l’occupant.
L’engagement
Lors des combats du printemps de 1940, des étudiants sont faits
prisonniers. La volonté de combattre l’ordre établi, « les vieux de
Vichy », est immédiate pour beaucoup de jeunes, les interdits étant
nombreux : il est interdit de danser ou d’écouter du jazz…
Mais les
raisons de s’engager sont multiples. Ainsi, quand les Allemands envahissent la
France, une délégation des Jeunesses hitlériennes va détruire le centre de
formation des Scouts de France de Chamarande (aujourd’hui, en Essonne). Le
scoutisme est interdit en zone occupée, où il devient
clandestin.
Les évasions
de France commencent dès juin 1940 et augmentent après le débarquement allié en
Afrique du Nord, en novembre 1942, et l’occupation de la France entière par les
nazis. Quelques-uns s’évadent par la mer et se dirigent vers l’Angleterre,
certains tentent le chemin de la Suisse, d’autres de traverser les Pyrénées
pour passer en Espagne, avec le risque d’être arrêté et interné dans le camp de
Miranda de Ebro pendant plusieurs mois.
Parmi les évadés de France, il y a des adolescents qui s’engageront dans diverses formations des Forces françaises Libres (FFL) : cinq jeunes gens dont le plus jeune à dix-sept ans traversent la Manche sur un canoë ; le 24 juin 1940, lorsque tous les hommes de l’ile de Sein embarquent pour l’Angleterre, le plus jeune a douze ans. Il y a aussi les évadés des départements de l’Est annexés (Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle) qui n’acceptent pas la volonté de l’envahisseur et passent la frontière avec la France au prix de mille dangers, des ordonnances ayant introduit le service militaire obligatoire dans la Wehrmacht.
Parmi les
formes de Résistance qui apparaissent dès l’été 1940, se mettent en place les
réseaux d’évasion. Leur mission s’est concentrée sur l’évasion des prisonniers
de guerre et l’aide au passage des lignes de démarcation. Des réseaux de renseignements
se développent aussi, destinés à recueillir des informations militaires.
Fin juin 1940, des garçons âgés de quinze à vingt-et-un ans créent l’un des
premiers groupes de Résistance : L’Espoir français. Son but initial est
l’aide aux prisonniers de guerre, qui s’étend très vite à la recherche de
renseignements. Ce groupe d’une quarantaine de jeunes est décimé en juillet
1941, avec l’arrestation d’une vingtaine d’entre eux.
Dès juillet 1940, apparaissent les premiers textes à l’Université, signés par
l’Union des étudiants communistes de France (UELCF) et des tracts sont lâchés,
durant l’été au quartier latin.
De nombreux jeunes ont la volonté de « faire quelque chose ». Ils
commettent de petits actes qui relèvent à la fois du refus individuel
d’accepter la présence allemande et la mise en pratique de consignes transmises
par la radio de Londres : les graffitis et les papillons, notamment des
croix de Lorraine et des « V » pour victoire, fleurissent sur les
murs. Les affiches allemandes sont prises pour cibles : les arracher ou y
inscrire quelques mots ironiques donnent le sentiment de s’attaquer à la
puissance occupante et à sa propagande. Surpris dans leur geste, des
lycéens sont arrêtés par la police
française : c’est le cas d’un élève de Janson de Sailly en novembre 1940
ou d’un lycéen de Carnot au mois de décembre suivant.
Le premier élan patriotique collectif, le 11
novembre 1940, est le fait de la jeunesse. Préparée en secret par de petits
groupes, des mots d’ordre invitent à se rendre au rond-point des Champs-Elysées
pour fleurir la statue de Clemenceau et gagner l’Arc de Triomphe. Le chiffre « 11 »
fleurit sur les murs du Quartier latin. Toute la journée, des Parisiens
viennent déposer des bouquets. La préfecture de police en recense 750 au pied
de la statue et 5 600 personnes place de l’Etoile. Il s’agit
essentiellement de lycéens venus de Janson de Sailly, de Buffon, de Condorcet,
de Carnot ainsi que des étudiants de la faculté de droit. Le bilan officiel
fait état de 123 arrestations et de trois blessés légers. Après la
manifestation, l’université de Paris et les grands établissements sont fermés
sur directive des autorités allemandes.
Entrer dans la Résistance organisée,
pour un lycéen ou un étudiant, s’il n’y est pas aidé par son entourage
familial, ne va pas de soi. Il faut trouver le contact avec une organisation ou
un réseau en qui on a confiance et qui a confiance en vous. Il y a un cloisonnement
même souvent à l’intérieur des familles.
Dans tout le
pays, les engagements s’expriment par l’adhésion progressive à des mouvements[1] et
réseaux[2]
clandestins, les uns créés par des lycéens eux-mêmes, tels les Volontaires de
la Liberté, les autres, émanations de groupes d’adultes.
Les Volontaires de la Liberté est un mouvement créé à Paris, en mars 1941, par
des élèves de Louis-le-Grand, de Henri IV et des grandes écoles. Ils publient
un bulletin à partir de juin 1941, dénommé Les
Volontaires de la Liberté, puis Le Tigre.
Après l’occupation totale de la France, en novembre 1942, les Volontaires de la
Liberté adhèrent à Défense de la France, mouvement plutôt étudiant que lycéen,
mais conservent leur bulletin jusqu’à la Libération.
Les jeunes
jouent un rôle important au sein du mouvement Résistance. Le journal Résistance leur ouvre ses colonnes sous
la rubrique « Résistance de la jeunesse de France », avec pour
épigraphe une phrase de Bernanos : « Vous êtes le dernier risque et
le dernier honneur ». En 1943, une organisation particulière pour les
jeunes est créée au sein du mouvement avec des lycéens et étudiants le l’Ecole
Normale Supérieure, Agro, Polytechnique, Institut catholique de Paris, Sciences
po, lycée Hoche à Versailles, Saint-Cyr… Certains rejoignent des maquis[3],
permettant ainsi au mouvement d’y placer de nombreux réfractaires.
De même, si l’OCM (Organisation civile et militaire) naît quelques mois après
l’armistice, en 1943, apparaît une formation indépendante de jeunes.
Le contexte s’y prête puisque la création du Service du travail obligatoire
(STO)[4] menace
directement les jeunes et les pousse vers la Résistance. Grâce aux différentes
associations déjà existantes, aux universités, le recrutement est très
efficace. Les mouvements s’attaquent au STO en organisant des maquis. Les
jeunes y reçoivent parfois une instruction militaire dispensée par d’anciens
officiers patriotes. Ils seront rejoints, en 1944, par des ouvriers, des
cultivateurs…
La MOI[5] regroupe
aussi de nombreux très jeunes gens : Gerda Bach a 15 ans quand elle est arrêtée en décembre 1941 à
Paris par la police française alors qu’elle colle des papillons. Joseph Farbiaz, dit
« Jojo », a 15 ans quand il pénètre le 16 août 1944 dans une école
lyonnaise où sont stationnés des GMR[6]… Letrès jeune âge de ces militants s’explique
par la situation particulière que connaissent ces jeunes Juifs : parents
arrêtés, famille disloquée, ce qui les pousse à se regrouper.
Agents de liaison
C’est à des jeunes que les mouvements de Résistance font appel pour leur servir de secrétaires et d’agents de liaison.
Dès leur fondation, les mouvements ont besoin de secrétaire pour taper les tracts, les manifestes, les ordres, les directives. Il y a une correspondance active entre les différents groupes d’un mouvement, dispersés dans une ville ou un département. Les secrétaires doivent être très discrets. Tapant le courrier, elles ou ils connaissent beaucoup de choses sur les mouvements, leurs actions, leurs projets.
Les agents de liaison sont également indispensables pour la correspondance entre les mouvements : les résistants se méfient de la poste, sous contrôle allemand, ainsi que le télégraphe et le téléphone. Ils doivent créer une véritable organisation postale. Les membres ou des amis des mouvements deviennent des boîtes aux lettres. C’est chez eux que l’on porte le courrier qu’on ne peut pas envoyer à un clandestin sans domicile fixe. Les agents de liaison ont donc un rôle de facteur. Ils utilisent la bicyclette qui n’attire pas l’attention de l’ennemi. Ils doivent être discrets, sûrs, courageux, libres de leur temps : c’est pourquoi ce sont presque toujours des jeunes garçons et filles capables de passer leurs journées en courses harassantes ou de faire des voyages longs et pénibles dans les trains où ils doivent se méfier de leurs voisins
Les groupes francs
Avides d’action, les jeunes sont souvent employés par les mouvements de
Résistance pour faire des « coups de main » qui n’ont pas un but
militaire mais psychologique : ils exaspèrent les occupants et le
gouvernement de Vichy.
Les coups de main sont nombreux : sabotages des conférences dans les Universités, coupures d’électricité, lancer de boules puantes, bris de vitrine de commerçants réputés collaborateurs, destruction de kiosques où sont exposés les journaux de Vichy, inscriptions sur les murs…
Il y eut surreprésentation des jeunes dans les mouvements de Résistance, dans
les maquis et dans les Forces Françaises Libres. Plus de 10% des Compagnons de
la Libération n’ont pas 20 ans au moment de la déclaration de guerre de
septembre 1939.
Selon Laurent Douzou[7], « la
Résistance a connu des phases distinctes et successives auxquelles
correspondirent des générations de responsables différents. Ce qui les
distingua au bout du compte, ce ne fut pas leur date de naissance, mais bien
leur date d’entrée en Résistance. Si la notion de génération a un sens et si
elle peut permettre de mieux comprendre la réalité résistante, c’est d’abord à
l’aune de ce critère de l’ancienneté de l’entrée en Résistance qu’il faut la
juger ».
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