
Né en 1945, le général Henry-Jean Fournier est sorti de l’Ecole de St-Cyr en 1967 (promotion Lt-colonel DRIANT) et a effectué une carrière classique d’officier d’infanterie, partagée entre les séjours en écoles, les commandements en corps de troupe (dont le 152ème Régiment d’Infanterie de corps d’armée en 1990), le service en état-major et les opérations extérieures (Bosnie). Son dernier poste a été celui de général chef d’état-major de la région militaire de Bordeaux. Retiré du service depuis l’an 2000, il s’est impliqué, notamment dans le cadre de l’Association de Soutien à l’Armée Française (A.S.A.F.), dans des travaux d’histoire de la guerre d’Algérie qui l’ont amené à se préoccuper du dossier des militaires portés disparus durant cette guerre. C’est ainsi qu’il a créé, le 1er novembre 2014, l’association SOLDIS ALGERIE qu’il préside aujourd’hui (450 membres). C’est à ce titre qu’il a été promu, en 2024, au grade de commandeur de l’ONM. Le général FOURNIER est également officier de la Légion d’honneur et chevalier des Palmes académiques.
L’Association SOLDIS ALGERIE[1] est née le 1er novembre 2014, à la date symbolique du 60ème anniversaire du début de la guerre d’Algérie (Toussaint Rouge). Mais notre démarche a commencé réellement en 2012.
Notre association trouve en effet son origine dans un travail de rédaction d’une brochure publiée en 2012 par l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF), sous le titre « MEMOIRE ET VERITE, Armée et Algérie 1830-1962 ». Ce travail m’avait été confié en 2010 par le général (2S) Henri PINARD LEGRY, président de l’ASAF. Au cours de mes recherches préalables, je découvris, dans le tableau des pertes de l’armée française[2] l’existence d’une rubrique « Disparus » faisant mention du chiffre de 1000 disparus.
Étonné non seulement par l’existence d’une telle rubrique pour ce qui avait été des opérations de maintien de l’ordre menées sur le territoire national, mais également par la « rondeur » du chiffre, j’ai cherché à en savoir plus pour comprendre l’importance de ce chiffre (4% des pertes), mais aussi la nature de ces disparitions.
Curieusement, aucune instance officielle (SHD[3] , ONACVG[4] ou ministère de la Défense) ne put répondre à mes interrogations, me renvoyant systématiquement aux réponses régulièrement données à ce sujet à des questions parlementaires et faisant mention de 500 à 1000 disparus. Jugeant cette approximation inadmissible, s’agissant de soldats français, envoyés par le gouvernement, je résolus d’en savoir davantage et me mis en quête d’informations complémentaires.
Je fus aidé dans cette tâche par la publication, à la même époque, d’un livre écrit par un ancien appelé en Algérie, Jean-Yves JAFFRES, précisément sur ce sujet[5] , à partir de témoignages recueillis par le biais d’amicales d’anciens combattants.
Ayant approfondi la question et effectué quelques vérifications dans les archives du SHD, j’acquis alors la conviction qu’il y avait une très grosse lacune mémorielle dans l’histoire de la guerre d’Algérie, car personne ne possédait la liste nominative de ces disparus et peu nombreux étaient ceux qui avaient entendu parler de ce problème.
Conseillé par M. Jacques GOUJAT, président fédéral des ACPG-CATM[6] , qui était alors un pilier du monde combattant, je créais, avec l’aide de quelques amis, une association, qui prit le nom de SOLDIS ALGERIE, afin de disposer d’une structure officielle.
Grâce au parrainage de M. GOUJAT, notre conseil d‘administration accueillit alors des personnalités importantes des principales fédérations combattantes (UNC[7] – ACPG-CATM – Fédération Maginot) dont la notoriété constituait pour nous un gage de sérieux qui se traduisit très rapidement par un nombre important d’adhésions et par d’indispensables soutiens financiers.
Le but de l’association était de « contribuer à l’écriture de la mémoire nationale à l’égard des militaires français de l’armée régulière portés disparus en Algérie, entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1964 et de sauvegarder leur mémoire. »
Sans trop savoir ce qui nous attendait, nous nous sommes d’emblée fixé trois objectifs :
• Dresser une LISTE aussi complète que possible des militaires français disparus, en réunissant toutes les informations disponibles afin de permettre d’entreprendre, le moment venu, la recherche des corps, leur identification et leur inhumation
• Rédiger et publier un MEMORIAL, afin de constituer, dans un premier temps, un mausolée virtuel
• Ultérieurement, élever un MONUMENT à la mémoire des militaires français portés disparus, afin d’offrir à leurs familles et à leurs compagnons d’arme un lieu de recueillement et à la France un lieu de mémoire
Un peu plus de dix années ont passé et nous sommes fiers, aujourd’hui, d’avoir atteint notre but et ces trois objectifs.

Mémorial Soldis
Et je ne saurais oublier d’évoquer ici le soutien reçu d’à peu près tous les organismes, institutionnels ou associatifs, qui ont favorisé notre démarche. Je me souviens en particulier d’une réunion organisée en janvier 2015, au cabinet du Secrétaire d’État aux Anciens Combattants, où nous fûmes accueillis par M. Serge Barcellini qui, depuis, ne nous a jamais ménagé son soutien.
Il m’avait alors confié aux bons soins de l’un des conseillers du ministre, M. Mohamed Nemiri, qui, lui aussi, a toujours manifesté par la suite, dans les différents postes qu’il a occupés au ministère ou à l’ONaCVG, beaucoup d’intérêt pour notre démarche et nous a ouvert de nombreuses portes.
Ces appuis ont atténué les difficultés que nous rencontrions alors pour convaincre le monde combattant de la réalité du problème des disparus, qui était le plus souvent méconnu de la plupart des responsables.
La première difficulté rencontrée a été, après avoir défini ce qu’était la disparition (trop souvent confondue avec la désertion), de dresser la liste nominative des militaires français portés disparus. Ce fut une longue enquête à travers les archives de la guerre d’Algérie, réparties aux quatre coins de la France dans divers organismes militaires ou civils. Des centaines d’heures passées à compulser des milliers de pages poussiéreuses…
Nous en avons extrait 1700 cas susceptibles d’être des disparus et nous avons ensuite vérifié, un par un, ces différents cas, notamment auprès du Centre des Archives du Personnel Militaire (CAPM) de Pau où sont conservés la majorité des dossiers individuels de tout militaire français.
Ces vérifications nous ont permis d’éliminer tous les cas qui ne relevaient pas de la disparition, telle que nous en avions préalablement défini les caractéristiques.
Nous sommes ainsi parvenus à un total de 652 militaires français portés disparus[8], auxquels s’ajoutent 75 disparus dont les corps ont été retrouvés pendant la guerre elle-même.
Car la disparition se traduit essentiellement par l’absence de corps et donc de sépulture. C’est bien là, en effet, que réside, pour les familles des disparus, leurs amis proches ou leurs compagnons d’arme, le drame majeur de la disparition : on ne sait pas réellement ce que sont devenus les disparus.
On ne sait pas s’ils sont morts. Et, s’ils sont morts, on ne sait pas comment.
On ne sait pas non plus s’ils ont été inhumés. Et, s’ils l’ont été, on ne sait pas où se trouve leur tombe. On ne possède donc plus que le souvenir et l’imagination fait le reste.
Enterrer ses morts est en effet, depuis la nuit des temps, un principe de vie, un besoin anthropologique dirait-on aujourd’hui, qui nous définit comme humains. Parce que nous sommes humains, nous devons honorer nos morts. Car le deuil n’est pas une « interaction sociale » comme une autre.
La crise sanitaire que notre pays a traversé au moment de l’épidémie de Covid, qui a parfois empêché l’organisation de funérailles, a particulièrement souligné ce besoin d’un culte des morts.
Les militaires portés disparus en Algérie, dont le corps n’a jamais été retrouvé, dont on ne sait ni où ni comment la dépouille a été inhumée, dont on ne peut matérialiser l’absence par un tombeau, ont droit, eux aussi et leurs familles avec eux, à ce que le pays qui les a envoyés en mission loin de chez eux leur rende cet ultime hommage.
Au moins par le souvenir, à défaut de pouvoir leur offrir une sépulture.
Depuis la fin de la guerre d’Algérie, des centaines de familles sont ainsi restées dans l’ignorance la plus complète du sort de leur disparu. Nous avons souvent été les premiers, depuis plus de 60 ans, à leur apporter une forme de réponse.
Aujourd’hui, peu d‘informations permettent de localiser les corps de ces disparus, mais il existe cependant quelques pistes, notamment au Maroc ou en Tunisie, dans des camps qui ont accueilli des militaires français faits prisonniers mais que l’on n’a jamais revus.
Dans ces camps, des tombes pourraient sans doute être retrouvées et certains disparus pourraient alors être identifiés grâce aux analyses génétiques que permet la science moderne (ADN). Mais ces recherches, qui exigent d’importantes implications diplomatiques, ne sont pas à la portée d’une association telle que SOLDIS, dont les moyens sont limités.
On peut donc regretter que la France ne dispose pas, comme certains pays (Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne), d’un organisme officiel consacré à la recherche des disparus.
Nous nous sommes donc contentés de leur offrir, à eux et à leurs familles, une sépulture virtuelle à travers le Livre d’Or que nous avons publié et diffusé dans tous les centres d’archives départementales et dans tous les bureaux de l’ONaCVG sur le territoire national. Et, pour permettre à tous ceux qui souhaitent se recueillir sur un tombeau qu’ils n’ont jamais eu, nous avons élevé, à Port-Vendres, un monument national où sont gravés les noms de ces 652 disparus.
L’érection de ce monument à la mémoire des disparus a été permise par les milliers de dons recueillis grâce à une vaste souscription que nous avons lancée, en partenariat avec le Souvenir Français, qui en a assuré la gestion administrative, ce dont SOLDIS est particulièrement reconnaissant au Souvenir Français.
Ce lieu de recueillement pour les familles permet aussi à la Nation d’exprimer sa reconnaissance à ces militaires français qui ne sont jamais revenus d’Algérie « ni vivants, ni morts ».
Outre notre Livre d’Or et ce Mémorial inauguré à Port-Vendres le 30 août 2022 par Mme Patricia MIRALLES, qui était lors Secrétaire d’État aux A.C., nous nous sommes attachés à faire connaître ce dossier de la disparition d’une part, grâce à un bulletin semestriel d’informations et d‘autre part, grâce à des conférences un peu partout en France ou à des articles dans différentes revues combattantes. Ces actions ont eu pour but, non seulement de sensibiliser au problème des disparus, mais également d’encourager les municipalités, les associations et même les familles, à rappeler et honorer la mémoire des disparus, par le biais de cérémonies locales, d’inaugurations de rues, d’installation de plaques mémorielles, etc… qui permettent d’évoquer ce drame à travers l’exemple de quelques-uns.
Enfin, chaque année, désormais, une cérémonie est organisée à Port-Vendres par la délégation du Souvenir Français des Pyrénées orientales et la municipalité, à la date du 30 août, définie par l’ONU comme étant la Journée Internationale des victimes de disparition forcée. Le choix de cette date permet de souligner auprès des instances nationales le DROIT DE SAVOIR ce que sont devenus ces disparus.
Parvenus au terme de la mission que nous nous étions fixés, nous espérons maintenant que les relations entre la France et l’Algérie seront un jour suffisamment apaisées pour que des recherches puissent être réalisées dans les archives algériennes et sur le terrain. Nous pensons en effet avoir réuni suffisamment d’informations pour organiser et faciliter de telles recherches…
Mais cela ne dépend plus de SOLDIS.
[1] L’intitulé complet est : association nationale pour la mémoire des militaires français portés disparus en Algérie
[2] Publié au JO du 07 août 1986
[3] SHD : Service Historique de la Défense (Vincennes)
[4] ONACVG : Office National des Anciens Combattants et victimes de guerre
[5] Jean-Yves JAFFRES « Militaires français prisonniers du FLN ou disparus en Algérie (1954-1962) ». Edition privée.
[6] ACPC-CATM : anciens combattants prisonniers de guerre – combattants Algérie-Tunisie-Maroc
[7] ACPC-CATM : anciens combattants prisonniers de guerre – combattants Algérie-tunique-Maroc
[8] Il s‘agit de militaires de souche européenne, nord-africaine ou africaine, de l’armée régulière (y compris la Légion), ce qui exclut toutes les catégories de supplétifs.
Dans cette rubrique sont présentées les initiatives mémorielles des associations qui œuvrent en partenariat avec le Souvenir Français. 1 – Associations d’anciens combattants, de décorés ou de militaires développant des activités mémorielles Fédération Nationale des Combattants, Prisonniers de Guerre et Combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc Plus d’infos : https://www.fncpg-catm.org/ Contact : fncpg@fncpg-catm.org Confédération Nationale des Retraités Militaires Plus […]
Voir l'article >Retrouvez dans cette rubrique les principales actions et déplacements du Président général du Souvenir Français pour le mois passé. Samedi 1er novembre 2025 Comme chaque année j’ai fait la quête aux côtés de mes deux petits-fils, Adrien (15 ans) et Samuel (12 ans). Cette année nous étions à Grenoble au cimetière Saint-Roch avec Eric Bois […]
Voir l'article >Retrouvez dans cette rubrique toutes les initiatives du mois à venir au niveau national et local. 1 – Les publications de nos adhérents et de nos comités 1 – Jean-Pierre Jean, l’homme-drapeau de la Moselle, HONECKER-LAPEYRE Nicolas, Édition des Paraiges Instigateur du monument de Noisseville, érigé en 1908 en l’honneur des soldats français, Jean-Pierre Jean […]
Voir l'article >