3 questions à Madame Nathalie Genet-Rouffiac

4 janvier 2022

Nathalie Genet-Rouffiac est archiviste paléographe, diplômée de l’Ecole des Chartes et docteur en histoire de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.

Après avoir intégré le corps des conservateurs du patrimoine, elle travaillait comme chef de la mission des Archives du ministère de la Culture, avant de rejoindre le ministère de la Défense.

Elle est nommée chef du Service historique de la Défense (SHD), le 29 avril 2021.

1-Vous êtes la cheffe du SHD. Pouvez-vous nous présenter ce service, son fonctionnement et ses objectifs ?

Service à compétence nationale créé en 2005, rattaché au directeur des patrimoines, de la mémoire, et des archives (DPMA) au sein du Secrétariat général pour l’administration (SGA), le Service historique de la Défense (SHD) est issu de la fusion des services historiques des armées de Terre, de l’Air, de la Marine et de la Gendarmerie nationale, eux-mêmes héritiers d’institutions remontant pour les plus anciens d’entre eux au XVIIe siècle, et du centre des archives de l’armement et du personnel de la DGA.

L’arrêté de 2012 modifié en 2020 et les dispositions du code du patrimoine fixent au SHD 4 missions principales :

– La mission régalienne de gestion des archives de la défense, soient 450 km linéaires, ce qui fait du SHD le 1er réseau d’archives de France. Cette mission inclut la collecte, la conservation et la gestion des archives définitives de la défense, comprenant 4 entités : le centre historique des archives (CHA) implanté sur trois sites (Vincennes, Le Blanc, et Caen), le centre des archives du personnel militaire (CAPM) situé à Pau, le centre des archives de l’armement et du personnel civil (CAAPC) basé à Châtellerault et enfin le Centre du réseau territorial (CRT) regroupant les cinq implantations territoriales de Brest, Cherbourg, Lorient, Rochefort et Toulon ;

– La gestion de la 1re bibliothèque militaire européenne, avec 1 million d’ouvrages ;

– La recherche en histoire militaire et de défense, avec une vingtaine de chercheurs civils et militaires, contribuant aux travaux relatifs à l’histoire militaire de la défense ;

– La conservation des traditions militaires avec l’homologation, l’inventaire et le dépôt des éléments de la symbolique militaire (60 000 objets) et la gestion des droits immatériels relavant du domaine.

En outre, le SHD assure également le contrôle scientifique et technique, la collecte, la conservation et la gestion des archives intermédiaires de la défense qui relèvent de sa compétence (Pau et Le Blanc). Enfin le Service a un rôle central dans la communication des archives de la défense et leur mise en valeur auprès du public.

La communication des archives se fait en tenant compte des délais prévus par le code du patrimoine (via l’instruction des demandes de dérogation) et de l’instruction générale interministérielle 1300 (IGI 1300) sur la gestion des informations sur support classifié (ISC). Les gestionnaires de fonds fixent les conditions de communication des archives en fonction de ces textes. Ils sont également chargés de l’instruction des demandes de consultation par dérogation avant l’expiration des délais prévus par le code du patrimoine, en lien avec le département des publics qui est l’interface avec les lecteurs, et avec la DPMA qui décide d’autoriser ou non la dérogation. Une équipe de contractuelle est par ailleurs en charge de déclassifier les archives de plus de 50 ans.

Je reviens sur la mission principale des archives au SHD. Le Centre historique des archives, installé à Vincennes, à Caen et au Blanc, regroupe les départements de la collecte et des recherches administratives (DCRA), des fonds d’archives (DFA), des entrées par voie extraordinaire (DEEX) et des publics (DP). L’organisation et les missions de chaque département sont définies par des instructions permanentes du 5 novembre 2012. Les priorités du CHA sont fixées par un plan d’action annuel et par des plans d’action par département. Outre les axes retenus, il convient de prendre en compte le constat posé par l’audit de la DRSD en matière de protection des ISC à toutes les étapes de la chaîne archivistique.

Actuellement et à l’horizon 2022, j’ai pour objectif, entre autres, de moderniser le Service sur les axes suivant :

– Poursuite de la mise en œuvre du marché de rétroconversion qui porte sur 70 000 pages et doit permettre de transformer les instruments de recherche dans un format qui leur permette d’être interrogeable sur le site internet du service. L’opération nécessite un investissement important des gestionnaires de fonds pour assurer la vérification des fichiers.

– Suivi du chantier d’Archipel (stratégie de reprise des données, harmonisation des pratiques existantes, intégration des processus métier, définition et construction des référentiels partagés).

– Enfin, le projet central sur lequel le SHD est mobilisé concerne le schéma directeur immobilier de la fonction archives qui vient d’être présenté à la ministre déléguée début décembre. Ce document stratégique présente les orientations du Service historique de la Défense pour les prochaines années en matière immobilière, d’organisation du service, de valorisation et d’accueil du public.

Ce schéma directeur immobilier s’appuie sur un diagnostic qualitatif, quantitatif et documentaire du Service historique de la Défense établi en 2020. Ce diagnostic a conduit le service à proposer des actions dans les domaines sanitaire, compte-tenu de l’état de certains de nos magasins de conservation, de la sécurité, à la suite des audits conduits en 2020 et dans le cadre du plan d’action et de remédiation du service mais également d’un point de vue quantitatif puisque le taux d’occupation des magasins s’établit à près de 86 %, ce qui est très supérieur aux normes préconisées en matière archivistique. Ce taux d’occupation associé aux retards de collecte et aux versements annuels prévus pourrait bloquer la mission de collecte dont le Service historique de la Défense a la responsabilité.

Le schéma directeur immobilier propose des réponses en matière scientifique et d’organisation des centres mais également en matière immobilière via des opérations de densification et de constructions nouvelles.

Deux grandes étapes caractérisent le schéma : étape 2024 (manœuvre de l’Est parisien) et 2030 (projet « Vincennes 2030 »).

La première étape concerne le déménagement des fonds d’archives et des ouvrages du magasin Braibant situé au Fort Neuf. Cette mission sensible doit être accomplie pour 2024. Dans ce cadre, le Service connaitra des mouvements de fonds d’archives en Ile de France et vers Châtellerault :

– Pour la manœuvre d’Ile de France, trois sites sont concernés : le Fort de l’Est, la caserne Mortier et bien entendu le site du Vieux Fort.

– Pour la manœuvre de Châtellerault, le service est tributaire de la réalisation du nouveau bâtiment d’archives. Cette manœuvre se réalisera en deux phases : une partie des 20 kml d’archives sera transférée et conservée temporairement à Le Blanc et une autre partie dans les anciens locaux du Service des Pensions de La Rochelle. Ce n’est qu’après la mise en service du bâtiment de Châtellerault, prévu à l’automne 2023 que les 20 kml d’archives pourront rejoindre définitivement ce site.

Cette phase prépare le projet Vincennes 2030.

La deuxième étape du schéma immobilier porte sur la réalisation des opérations immobilières commencées lors de la première phase, telles que la construction du nouveau bâtiment d’archives au Fort de l’Est et la réhabilitation du bâtiment du Harnachement sur le site du château, mais également les opérations faisant partie du projet Vincennes 2030. Ce projet autour du château de Vincennes à l’horizon 2030 doit conduire à améliorer la lisibilité du site de Vincennes pour les publics qui le fréquentent tout en améliorant les capacités et les conditions de collecte, de conservation et de communication sur tous les sites du SHD.

Des travaux complémentaires avec les équipes du service de l’infrastructure de défense doivent permettre d’affiner le calendrier de ce projet.

2-Quels sont les principaux résultats du SHD ?

Malgré le contexte sanitaire qui a prévalu sur l’année 2021, le SHD a pu honorer sa mission culturelle et scientifique au profit de tous les publics. Le Service a ainsi organisé avec succès les journées européennes du patrimoine 2021 et participé aux éditions 2021 des rendez-vous de l’histoire de Bois, du Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, du salon de généalogie de Paris ou plus récemment encore au Salon innovation Défense. Il a également été présent à diverses manifestations en ligne comme la semaine internationale des archives, la nuit européenne des musées et les nuits de la lecture. En matière d’expositions, le SHD de Vincennes a présenté entre juin et décembre, l’exposition « 1870. Réinventer la guerre », vue par plus de 10 000 visiteurs et accueilli deux expositions invitées sur l’amitié franco-serbe durant la Grande guerre et le centenaire de la gendarmerie mobile, dans le cadre de conventions. En province, une exposition consacrée à De Gaulle et la mer a été inaugurée en novembre dernier au SHD de Brest et l’exposition sur le « SHOM. 300 ans d’hydrographie française », présentée à Vincennes en 2020, a été déclinée sur les sites de Rochefort et Cherbourg. Au titre de son action scientifique, des colloques, conférences et journées d’études ont pu se tenir, malgré les restrictions de déplacements, parmi lesquels celui consacré aux guerres napoléoniennes organisé fin novembre aux Invalides, mais également « Faire face à la défaite » ou plus récemment encore sur les conséquences stratégiques et militaire de la guerre froide. Enfin, les SHD de Brest et de Rochefort ont pu maintenir leurs programmations autour des expositions ».

Le SHD a tenu plus d’une dizaine d’évènements culturels et scientifiques en 2021.

Pour les activités culturelles :

– Les journées européennes du patrimoine 2021, les 18 et 19 septembre 2021 ;

– Participation aux différents salons (géographie, histoire, généalogie, fortifications) ;

– Une exposition sur le site de Vincennes, « 1870. Réinventer la guerre », présentée du 21 juin au 23 décembre ;

– Deux expositions sur le site de Rochefort, « SHOM, 300 ans d’hydrographie française » (déclinée de l’exposition présentée à Vincennes en 2020) (cette exposition est également programmée sur le site de Cherbourg) et « Rouget de Lisle », jusqu’au 15 décembre ;

– Une exposition sur le site de Brest, « De Gaulle, Brest et la Mer », présentée du 17 novembre au 10 juin 2022 ;

– Le site de Vincennes a également accueilli les expositions suivantes : « 1918-2018. Notre histoire, nos histoires. Solidarité militaire et civile franco-serbe durant la Grande Guerre » du 21 juin au 19 septembre ; « Centenaire de la Gendarmerie mobile » du 6 octobre au 2 décembre.

Le SHD a également participé à la semaine internationale des archives (du 7 au 11 juin), à la nuit européenne des musées le 3 juillet et aux nuits de la lecture du 21 au 24 janvier.

La programmation scientifique pour 2021 est non négligeable :

– Un colloque, organisé par le site de Vincennes, sur les conséquences stratégiques et militaires de la fin de la guerre froide, les 13 et 14 décembre ;

– Un colloque international organisé par le SHD de Vincennes, « Les guerres napoléoniennes dans l’histoire de 1815 à nos jours », aux Invalides, les 30 novembre et 1er décembre ;

– Un colloque organisé à Vincennes, « gendarmerie mobile, maintien de l’ordre et société », les 17 et 18 novembre ;

– Une journée d’étude sur le site de Brest, « De Gaulle, Brest et la mer », le 18 novembre ;

– Une conférence sur le site de Brest, dans le cadre des Rendez-vous maritimes, « Le SHOM, histoire et missions », le 14 octobre et « les abris du marin, Jacques de Théraz », le 25 novembre ;

– Une conférence sur le site de Rochefort, « Le mémoriel du bagne calédonien », le 6 octobre 2021 ;

– Une conférence sur le site de Rochefort, « La villégiature et le jeu : l’architecture des casinos de la façade atlantique depuis la belle Epoque, le 24 septembre ;

– Un colloque international organisé par le SHD de Vincennes, « Faire face à la défaite », les 6 et 7 septembre 2021 ;

– Un colloque organisé par le site de Vincennes, « les leçons de la guerre du Golfe », le 18 juin ;

– Une journée d’étude, « Les sources des pertes au ministère des armées », le 25 mai.

3-Le SHD développe des partenariats avec les associations d’anciens combattants et les associations mémorielles. Pouvez-vous nous présenter ces partenariats, en particulier celui développé avec Le Souvenir Français ?

Actuellement, le SHD n’a pas eu l’occasion de développer d’action de partenariat avec des associations d’anciens combattants ou des associations mémorielles. Cependant, le Souvenir français a depuis 2009 déposé au Service historique de la Défense sept fonds d’associations d’anciens combattants ou de résistants qui a leur dissolution avaient remis leurs archives au Souvenir français. Les sept fonds ainsi collectés, conservés par le SHD représentent aujourd’hui un total de 13 m. l. d’archives. Le dernier en date à avoir été déposé au SHD est celui de la Fédération nationale des fils et filles des morts pour la France, en décembre 2021. Son classement vient d’être achevé par les archivistes de la division des archives privées.  

La liste de ces fonds est la suivante :

– Fonds « Rhin et Danube – 1ère armée française », DE 2009 PA 130 ;

– Fonds du Corps expéditionnaire français en Italie (CEFI), DE 2011 PA 30 ; 

– Fonds de l’Association nationale « Les parents des tués », DE 2012 PA 46 ; 

– Fonds de l’Association « Souvenir de l’armée d’Afrique », DE 2013 PA 51 ;

– Fonds de l’Association des résistants du 11 novembre 1940, DE 2017 PA 38 ;

– Fonds de l’Union nationale des évadés de guerre (UNEG), DE 2017 PA 43 ;

– Fonds de la Fédération nationale des fils et filles des morts pour la France.  

Des associations qui entretenaient un lien fort avec le Souvenir français, comme le Comité d’action de la Résistance, qui avait son siège au Souvenir français, ont également donné ou déposé leurs archives au SHD. Ces dons ou dépôts, lorsqu’ils portent sur les archives « patrimoniales » de ces associations, enrichissent significativement les fonds du SHD et continuent, d’une autre manière, l’une des missions fondamentales de la plupart de ces associations, à savoir perpétuer la mémoire combattante.  

Articles récents

2 avril 2024

Agenda du mois

L’initiative phare du mois d’avril 2024 Vernissage de l’exposition « Les Tirailleurs dits « sénégalais »  avant, pendant et après la Première Guerre mondiale », le 4 avril 2024. Le Souvenir Français est heureux d’accueillir cette exposition conçue et réalisée par l’association Solidarité Internationale, le Musée des Troupes de Marine (Fréjus), et le Partenariat Eurafricain. A partir de […]

Voir l'article >

Billet d’humeur du Président Général

Au sujet de la création d’une « commission mixte franco-camerounaise pluridisciplinaire portant sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971. » Cette commission dont la création a été décidée par le président de la République française présente un risque. Alors […]

Voir l'article >

Bilan des activités du Président général

En mars 2024 Mercredi 13 mars Le Souvenir Français reçoit le portrait du Général Fournier, premier président du Souvenir Français (1887-1889). Ce portrait est offert par le descendant du Général et présenté par le président du comité du Souvenir Français de Chatenay-Malabry (92). Arrivée du portrait du Général Fournier au siège du Souvenir Français. Pour découvrir […]

Voir l'article >
  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.