3 questions à Jean-François Decraene

13 août 2020

Jean-François DECRAENE est historien.

1/ Vous publiez aux éditions Librairie des Musées plusieurs guides sur les lieux de mémoire de la guerre de 1870/1871 en Île-de-France en partenariat avec Le Souvenir Français. Les guides ne recenseront pas seulement les tombes et les monuments aux morts de 1870 mais également les lieux de bataille, les noms de rue, les œuvres d’art, etc. Ainsi en tant qu’historien quelle est votre conception du lieu de mémoire ?

Un lieu de mémoire est un concept historique contemporain (auquel j’adhère) mis en exergue et définit par l’historien académicien Pierre NORA dans son ouvrage collectif intitulé Les Lieux de Mémoire[1]. « Un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit ». Il peut être aussi bien un lieu géographique de combats (Buzenval, ferme de Groslay, etc.), le lieu de résidence d’un acteur historique (maison de Gambetta à Sèvres, maison Thiers à Paris, etc.), un monument commémoratif (cénotaphe de l’Haÿ-les-Roses; monument de la gare aux bœufs de Thiais, etc.), un tombeau, une fosse commune anonyme, une plaque commémorative, un éclat d’obus, une photographie, un objet personnel d’un soldat, une lettre de prisonnier, une médaille, un musée, un tableau, une statue, un toponyme, en somme tout élément rappelant à la mémoire des hommes un fait, un événement qui changea le cours de l’histoire de l’humanité en général et de chaque membre d’une nation en particulier. « Un objet, devient lieu de mémoire quand il échappe à l’oubli, par exemple avec l’apposition de plaques commémoratives et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions[2] ».

2 / Quelles traces la guerre de 1870 a laissé dans le paysage francilien ?

Les 1.268 communes d’Île-de-France ont toutes été impactées à des degrés divers par le confit franco-prussien de 1870-1871 et par les deux sièges de Paris. Les traces les plus visibles sont les monuments aux morts et les sépultures des soldats sauvés de l’oubli par l’action permanente du Souvenir Français. D’autres, moins ostensibles, impacts de mitraille sur un mur, toponymes et plaques disparaissent de la mémoire des hommes qui en ont perdu la signification. Quel résident de Boulogne-Billancourt habitant la rue qui porte son nom saurait rappeler l’action du capitaine Couchot ? Quel Parisien se souvient que la rue de Châteaudun dans le IXème arrondissement est baptisée ainsi pour qu’il garde en mémoire l’exemple de la cité martyre lors des premiers combats de l’Armée de la Loire protégeant la capitale de l’invasion ? La victoire de 1918 a effacé la glorieuse défaite de 1871 (Gloria Victis) en reléguant dès 1920 les monuments aux morts de la guerre-franco-prussienne des places publiques au fond des cimetières. Qui se souvient que la plupart des associations d’anciens combattants ont pour origine le regroupement de vétérans survivants du conflit au sein de la Société des vétérans de terre et de mer 1870-1871 fondée le 1er janvier 1893 et approuvée le 28 avril 1906 ?

3 / Un premier guide sera publié en septembre, celui des Hauts-de-Seine, suivi du guide de Seine-Saint-Denis en novembre, du guide du Val-de-Marne en fin d’année et enfin celui de Paris en 2021. Comment envisagez-vous le travail pour les départements restants beaucoup plus vastes ?

La collecte des informations pour le recensement des lieux de mémoire relatifs aux départements de Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de Paris et du Val-d’Oise s’est effectuée depuis 6 ans par des recherches personnelles aux archives, informations vérifiées à chaque fois sur le terrain sur les lieux des actions relatées ou des personnages, sépultures ou monuments évoqués. Depuis quelques temps, le parrainage du Souvenir Français et les encouragements permanents de son Président-Général Serge Barcellini, la mise à disposition des connaissances de ses adhérents me sont d’un secours des plus précieux et me permettront, avec les quelques correspondants de mon réseau historique personnel, de couvrir les territoires aussi vastes que la Seine & Marne, l’Essonne ou les Yvelines. Sans eux, le projet ne pourra jamais aboutir.


[1] Pierre Nora, Les Lieux de mémoire,3 tomes : t. 1 La République (1 vol., 1984), t. 2 La Nation (3 vol., 1986), t. 3 Les France (3 vol., 1992), Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires.

[2] Op.cit. vol 2, page 7. 1984.

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