La guerre de Bosnie-Herzégovine (ex-Yougoslavie) débute à Sarajevo le 6 avril 1992. Dès 1993, la France s’engage dans la première opération extérieure européenne de son histoire. Suite à cette opération, un premier monument sera créé à Sarajevo puis un second en France, aux portes de Verdun.
LES GARDIENS DE L’ESPACE – SARAJEVO
Pendant cette guerre et la période qui suivit, la France aura déployé plus de 100.000 militaires. 84 d’entre eux y mourront, en particulier en 1995. De très nombreux soldats furent blessés.
Le samedi 22 juillet, deux capitaines sont mortellement blessés à Sarajevo. Cette attaque d’origine serbe est, dès le lendemain, condamnée par le Président de la République Jacques Chirac alors à Dakar. Cette action débouchera sur la création d’une Force européenne de Réaction Rapide qui délivrera la ville de Sarajevo, assiégée pendant cent jours, puis débouchera sur les accords de Dayton, aux Etats-Unis, et enfin sur le traité de Paix signé à Paris le 15 décembre 1995.
Le père de l’un de ces deux officiers est présent lors d’une invitation lancée en septembre, à Paris, par l’Amiral Jacques Lanxade, alors Chef d’Etat-Major des armées, en honneur aux familles des militaires tombés en opérations extérieures. Il décide de créer une association de soutien des Parents et Amis des Victimes des Opération en ex-Yougoslavie, l’ANPAVI.
Enregistrée à Avignon le 4 octobre 1995, l’ANPAVI s’organise modestement autour de quelques familles de victimes de la période 1995-6 pour finalement organiser un premier voyage du souvenir à Sarajevo, en présence du Général d’Armée Bertrand de La Presle, ancien gouverneur des Invalides et de l’Ambassadeur Yves Gaudel, en poste à Sarajevo à un moment où la France ouvrait la première Ambassade accréditée en Bosnie-Herzégovine.
Le 22 avril 1997, les familles participaient à l’inauguration dans les jardins de l’Ambassade, d’une sculpture « Les Gardiens de l’Espace », œuvre du sculpteur Xavier Dambrine, choisie sur concours par les Ministères de la Culture, des Armées et des Affaires Etrangères et financée par l’Etat.
Ayant, depuis l’origine, envisagé la création en France d’un monument du Souvenir de la guerre en ex-Yougoslavie, le président de l’ANPAVI et les membres présents décidèrent spontanément que « leur monument » ne pourrait être qu’une réplique agrandie des « Gardiens de l’Espace ».
Ce sera les « Les Veilleurs de la Paix » que Monsieur Dambrine, concepteur du monument, décrit ainsi :
« Quatre sentinelles métalliques se tenant dos à dos, un hommage aux soldats français morts au cours de leur mission de protection de peuples des Balkans, figures de proue, sentinelles dressées aux quatre points cardinaux, silhouettes dont les formes se dissoudront au cours des siècles, évoquant le recueillement et protégeant la mémoire des soldats de la Paix. Une culture parallèle à celle de Sarajevo, et « son ombre portée ». Chaque sentinelle regarde le même point cardinal : l’une et l’autre sont liées ! Deux roses des vents qui n’en font qu’une pour ces deux villes martyres de l’Europe ».
Le président de l’ANPAVI ajoute que, sur celui du Verdunois, un calice représentant les Etats éclatés de l’ex-Yougoslavie soutient un photophore, également conçu par le sculpteur et parfois illuminé, symbole de l’âme des peuples des Balkans et des soldats français morts pour eux en opérations extérieures.
LES VEILLEURS DE LA PAIX
Financée par des donations individuelles et des personnes morales telles que Le Souvenir Français, la Fédération Nationale André Maginot, L’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT « Les Gueules Cassées »), la Fondation EDF via Le Souvenir Français, ce projet fut rapidement réalisé.
Le choix du lieu d’installation rencontra par contre d’importantes difficultés.
L’ensemble devait à l’origine être installé dans les jardins du Centre Mondial de la Paix à Verdun après l’accord de son président Gérard Longuet. A quelques semaines de sa mise en place, cette décision fut annulée par une décision du Maire de Verdun de l’époque. Celui-ci s’appuyait sur une décision du Conseil de la ville de Verdun de 1923, selon laquelle « aucun nouveau monument ne serait plus construit dans cette ville ».
Toutes les solutions par la suite recherchées dans Verdun, la plupart avec le soutien effectif du Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants de l’époque, y compris dans le cimetière militaire du Faubourg Pavé, furent vaines, car ne correspondant pas aux objectifs du monument.
De ce fait, ces quatre statues furent abritées pendant deux ans dans une grange mise à disposition hors de la ville, avec l’aide de l’un des « Trois Mousquetaires » de l’ANPAVI, tous trois par la suite maîtres d’œuvres de la mise en place de la statuaire. Ils étaient tous anciens OPEX, dont deux issus de la guerre de Bosnie.
Un monument, pour quoi faire ?
L’objectif initial était que les parents et amis des militaires morts pour la paix se retrouvent au moins une fois par an au pied du monument et que celui-ci soit visité aussi souvent que possible par les membres d’associations militaires d’hier et d’aujourd’hui, maintenant ainsi la mémoire non seulement de la Guerre des Balkans mais aussi de toutes les opérations extérieures. Obtenir un tel objectif impliquait la création d’une structure importante que très peu des quelques cent vingt membres initiaux de l’ANPAVI ne purent maintenir.
Chaque famille et amis de chaque opération extérieure se concentrait sur sa propre histoire et très peu d’associations créées à l’instar de l’ANPAVI réussirent à sortir de l’ombre.
Pendant un certain temps, sur une proposition du Souvenir Français, le monument « Les Veilleurs de la Pais » faillit quitter la Meuse pour entrer dans Paris. Il s’agissait de la création du « Monument aux Morts en Opérations Extérieures » décidé en septembre 2011 sous l’égide de Monsieur Longuet, alors Ministre de la Défense et des Anciens Combattants, avec la participation, notamment de la FNAME, l’ANPAVI, l’UNC, l’ANOPEX et la Fédération André Maginot.
Cette proposition fit long feu et la création du nouveau Monument national aux Morts des OPEX sera, sous peu, concrétisée à Paris par la pose d’une première pierre.
Le mémorial de l’ANPAVI restera donc ancré en Meuse, selon nos vœux initiaux pour créer un lien éternel entre les deux villes martyres de Verdun et Sarajevo.
Exposé pour la première fois le 7 janvier 2002, dixième anniversaire du premier mort français de cette OPEX, un officier de Marine, le monument « Les Veilleurs de la Paix » fut inauguré le 29 juin à Haudainville, commune de la communauté d’agglomération de Verdun. Il restera pour toujours le premier mémorial OPEX du 21ème siècle.
Depuis cette date, l’ANPAVI a, chaque année, organisé une cérémonie pluri-mémorielle en souvenir des militaires morts dans les Balkans et dans toutes les opérations extérieures depuis le 20ème siècle. Elle y a également invité diverses associations militaires, telles que la FNAME-OPEX et, en 2016, la Fédération nationale des Médailles Militaires, avec la participation des treize présidents départementaux du Grand Est et des Hauts de France en présence de 22 porte-drapeaux.
Au fil des ans, de nombreuses visites ont été organisées autour du mémorial d’Haudainville, tant par des établissements scolaires de toute la France, que par d’autres organismes.
Tel fut notamment le cas tout au long de l’année 2016, centenaire de la Bataille de Verdun.
Ce mémorial s’est d’ailleurs enrichi cet été d’une pièce historique, le « Portail d’entrée du Camp de Rajlovac à Sarajevo », occupé en 1992 par une armée devenue serbe, puis par les armées française et allemande avec la participation de nombreuses autres armées européennes de 1993 à 2007.
Un mémorial OPEX à Verdun ?
L’extension chronologique du monument d’Haudainville pourrait, dans les grandes régions Nord et Est, déboucher sur un projet de mémorial de la quatrième génération du feu, s’il se trouvait en bordure du champ de bataille, renforçant ainsi la continuation historique des engagements des armées de la France durant deux siècles.
Seul mémorial de ce type, il ne nuirait à personne hors de cette grande région et surtout pas au mémorial national inauguré à Paris.
Texte rédigé par M. Jean-Claude CARREAU
Président de l’ANPAVI
Citoyen d’honneur de la ville de Sarajevo
Contact : jccarreau@interway.lu
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