Trois questions à Sylvie Tersen-Zajtman

22 février 2022

Diplômée de l’Ecole du Louvre, Sylvie Tersen-Zajtman est conservatrice en chef. Son engagement pour l’égalité mémorielle se manifeste rapidement dans son parcours professionnel par sa participation à des commissariats d’expositions dévoilant des femmes d’exception mais aussi par son adhésion au Soroptimist International dès 1995.  Aujourd’hui , présidente du Club Soroptimist Paris-Fondateur, elle a occupé différents postes dans sa vie associative. 

1 – Pouvez-vous présenter votre association, son histoire, ses objectifs ?

Le Soroptimist International « Une voix universelle pour les femmes » est un mouvement interprofessionnel, non politique et non confessionnel relevant du statut des ONG accrédité auprès des agences de l’ONU (ECOSOC, UNESCO, UNICEF, HCR, PNUD, FAO et OIT) comptant 72 000 membres dans plus de 120 pays.

En France, nous sommes plus de 2 200 femmes rassemblées au sein d’une centaine de clubs qui ont comme devise « Comprendre, défendre, entreprendre ». Fidèles à la signification du nom Soroptimist, issu du latin « sorores » et « ad optimum », nous voulons le meilleur pour les femmes.

Le premier club Soroptimist qui a été fondé en 1921 à Oakland regroupait un réseau de femmes actives, désireuses de s’engager et d’atteindre l’excellence dans leur activité professionnelle.

En France, le premier club européen est créé en 1924, à Paris réunissant des femmes médecins, des artistes, des journalistes, des industrielles, toutes engagées dans la reconnaissance de leurs droits.

Notre principal objectif est de transformer la vie et la situation des femmes et des filles pour qu’elles atteignent leur potentiel individuel et collectif, qu’elles réalisent leurs ambitions et qu’elles aient partout une voix égale à celle des hommes.

Afin d’améliorer les conditions de vie des femmes et la défense de la paix, nous soutenons annuellement de façon concrète plus de 8 500 projets dans le monde dans cinq domaines d’actions : l’éducation, l’autonomie financière, la violence à l’égard des femmes, la santé et la sécurité alimentaire, l’environnement et le développement durable.

Ainsi, nous remettons des bourses aussi bien au niveau des clubs français qu’au niveau international pour permettre à des femmes et à des filles de poursuivre ou de reprendre des études. Nous avons, par exemple, distribué en 2020 plus de 90 000 euros pour aider des artisanes ou des entrepreneures, durement touchées par la crise provoquée par la Covid.

Depuis quinze ans, les clubs organisent dans toute la France des Salons « Talents de Femmes » qui valorisent lors d’expositions-ventes la créativité et le savoir faire des artistes et artisanes.

Chaque année du 25 novembre au 10 décembre, à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences à l’égard des femmes, nous organisons des séances de cinéma et des tables rondes. Nous appelons également les communes à oranger[1] les monuments durant cette période afin de sensibiliser le public.

Dans le domaine de la santé, nous nous engageons aux côtés de toutes les associations qui organisent des campagnes d’information et de sensibilisation aux maladies qui touchent essentiellement les femmes comme le cancer du sein et l’endométriose.

Enfin, nous faisons du mentorat qui est un accompagnement, une relation d’aide entre une membre soroptimist expérimentée et une autre femme en demande d’écoute, de soutien dans un secteur d’activité donné, dans une bienveillante neutralité et avec l’apport de conseils éclairés.

2 – Quelles actions de mémoire conduit votre association ?

Pour fêter ses 100 ans d’existence, en 2024, le Club Soroptimist Paris-Fondateur a décidé de rendre hommage à ses membres fondatrices et aux femmes Soroptimist d’exception encore trop souvent méconnues afin d’assurer l’égalité mémorielle entre les femmes et les hommes.

Aussi, dans le cadre du centenaire du Soroptimist International en 2021, le Club Paris Fondateur s’est associé aux Clubs de Strasbourg et Metz, porteurs d’un projet intitulé « Le petit bois de Suzanne Noël ». Il s’agit, en collaboration avec l’agence territoriale de l’ONF, de reboiser une parcelle de la forêt de Verdun, dévastée à la suite d’une invasion de scolytes (petits insectes xylophages).

En contribuant ainsi à la préservation d’un patrimoine naturel remarquable issu de la Première Guerre mondiale, qui portera le nom de Suzanne Noël, médecin, pionnière de la chirurgie esthétique, fondatrice du Mouvement Soroptimist en France et en Europe, nous entretenons la mémoire de l’une des premières femmes à s’être mobilisée en opérant les « gueules cassées », dès 1914.

Nous organisons également chaque année, le 19 janvier, une cérémonie du souvenir avec un dépôt de gerbe devant la chapelle funéraire de Suzanne Noël, au cimetière Montmartre où elle repose avec sa fille, Jacqueline et son second époux, le docteur André Noël.

Lors des Journées du Patrimoine, nous proposons des itinéraires sur les traces de nos illustres :  Suzanne Noël, Yvonne Ripa de Rovedero, artiste et fondatrice de l’Union française du Soroptimist, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, grande résistante, entrée au Panthéon en 2015 ou encore Cécile Brunschvicg, l’une des trois premières femmes à être membre d’un gouvernement ; pour ne citer qu’elles !

Enfin en 2021, avec les Clubs Soroptimist de Clermont-Ferrand, Chamalières et d’Issoire, nous avons participé à une exposition, organisée par le musée Bargouin et consacrée à Marcelle Baud, l’une des premières égyptologues françaises, membre du club Soroptimist Paris-Fondateur, en aidant financièrement à l’édition du catalogue « L’Egypte de Marcelle Baud » et en remettant une bourse à une jeune doctorante en égyptologie afin qu’elle puisse publier sa thèse.

En conclusion, le Club Soroptimist Paris Fondateur souhaite faire connaître et reconnaître ses anciennes membres qui ont participé à la grandeur de la France grâce à leur talent, à leur audace et à leur courage, véritables modèles pour les futures générations.

3 – Comment concevez-vous le partenariat avec le Souvenir Français ?

2021 a permis au club Soroptimist Paris-Fondateur et au Souvenir Français de mener des actions communes, début d’un partenariat riche en promesses.

Nous avons, en effet, signé en septembre 2021, une convention de partenariat pour la réalisation d’un dossier pédagogique autour de la figure de Suzanne Noël à partir de la bande dessinée rédigée par Leila Slimani.

Le 19 janvier, le Souvenir Français et l’association des Gueules Cassées se sont joints à nous au cimetière Montmartre pour déposer une gerbe sur la tombe de Suzanne Noël. Cette manifestation a été l’occasion pour le Souvenir Français de lancer la géolocalisation des tombes des médecins et soignant (e) s dans ce cimetière parisien sur le modèle du site des Batignolles et de proposer un parcours des figures marquantes.

Le 8 mars prochain, Journée Internationale des droits des femmes, nous allons ensemble raviver la flamme du Soldat Inconnu. Cette occasion qui nous est donnée de nous retrouver autour de la flamme de la Nation sous l’Arc de Triomphe sera indéniablement un temps fort de notre collaboration pour la reconnaissance des femmes soroptimist qui ont eu ou pas un passé militaire ou qui ont été des pacifistes engagées.

C’est pourquoi, j’aimerais que nos deux associations se retrouvent de façon pérenne lors de cérémonies mémorielles comme celle du 19 janvier au cimetière Montmartre et continuent auprès des scolaires un travail de mémoire.

Je souhaite que nous puissions également travailler ensemble sur des projets de valorisation d’un patrimoine commun matériel et immatériel : rendre visible toutes les Femmes qui ont œuvré pour la grandeur de la France.

Ceci sera possible en répertoriant et en signalant dans les cimetières parisiens, les tombes des femmes soroptimist qui sont « Mortes pour la France » ou qui ont eu des actions remarquables durant les guerres.

En assurant également des commissariats d’exposition  ou en rédigeant des notices sur des femmes soroptimist : Jane Poupelet, grande figure de la sculpture du début du XX° siècle qui, à partir de 1918, modèle, avec l’Américaine Anna Ladd, des masques pour les « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale dans leur atelier au No 86, rue Notre-Dame-des-Champs, ou encore Marie Magdeleine Davy, philosophe  et grande résistante.

Notre partenariat avec le Souvenir Français sera, j’en suis sûre, amical, constructif et essentiel pour la célébration de notre centenaire en 2024 !  


[1] Oranger : « Oranger le Monde » initiative lancée par l’UNESCO pour dénoncer les violences faites aux femmes : installer des projecteurs de couleur orange pour rendre les monuments de couleur orange.

Articles récents

2 avril 2024

Agenda du mois

L’initiative phare du mois d’avril 2024 Vernissage de l’exposition « Les Tirailleurs dits « sénégalais »  avant, pendant et après la Première Guerre mondiale », le 4 avril 2024. Le Souvenir Français est heureux d’accueillir cette exposition conçue et réalisée par l’association Solidarité Internationale, le Musée des Troupes de Marine (Fréjus), et le Partenariat Eurafricain. A partir de […]

Voir l'article >

Billet d’humeur du Président Général

Au sujet de la création d’une « commission mixte franco-camerounaise pluridisciplinaire portant sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971. » Cette commission dont la création a été décidée par le président de la République française présente un risque. Alors […]

Voir l'article >

Bilan des activités du Président général

En mars 2024 Mercredi 13 mars Le Souvenir Français reçoit le portrait du Général Fournier, premier président du Souvenir Français (1887-1889). Ce portrait est offert par le descendant du Général et présenté par le président du comité du Souvenir Français de Chatenay-Malabry (92). Arrivée du portrait du Général Fournier au siège du Souvenir Français. Pour découvrir […]

Voir l'article >
  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.