Trois questions à Nicole Godard, Présidente de l’Association nationale pour la mémoire du Travail Forcé
Nicole Godard est professeur certifié, à la retraite, après avoir suivi une formation universitaire bivalence : anglais-documentation. Elle a effectué sa carrière en présentiel et à distance (détachement à l’administration centrale dans le cadre de la délocalisation du CNED sur le site du Futuroscope). Depuis 2022, elle est Présidente de l’Association nationale pour la mémoire du Travail Forcé.
1 – Pouvez-vous nous présenter l’histoire et les objectifs de l’ANMTF ?
L’ Association pour la Mémoire de la Déportation du Travail Forcé (AMDTF) a été créée en décembre 2007. En 2022, elle devient l’Association nationale pour la mémoire du Travail Forcé (ANMTF).
Son objectif principal est d’assurer la pérennité de la mémoire du travail forcé dont ont été victimes 600 000 Français de 1942 à 1945. L’ANMTF souhaite également sensibiliser les jeunes générations afin d’en faire des ambassadeurs de cette mémoire.
Afin de réaliser ces deux objectifs, l’association s’est donnée pour mission de recueillir des archives, des documents historiques, et des travaux d’historiens sur le travail forcé, ainsi que de poursuivre l’investissement de la Fédération Nationale des Victimes et Rescapés des Camps Nazis du Travail Forcé au niveau national et international pour faire vivre cette mémoire.
Le principal moyen d’action de l’ANMTF est la diffusion d’informations à travers des expositions, des conférences et un site internet actif.
2 – 2025 marque le 80ème anniversaire du retour des absents, dont les STO, quelles seront vos actions ?
À l’occasion de ce 80ème anniversaire, l’ANMTF se mobilise à travers plusieurs actions mémorielles en France et en Europe, afin de faire vivre cette mémoire et d’œuvrer pour la paix.
– Création de la Médaille des 80 ans du Retour : elle a pour but d’honorer et de reconnaître le courage et la détermination des victimes du travail forcé durant la Seconde Guerre mondiale, et sera offerte aux institutions lors des commémorations. Ce sera un moment de reconnaissance solennelle envers ceux qui perpétuent la mémoire des victimes et marquera 80 années de résilience et de reconstruction personnelle et mutuelle pour l’ensemble des générations.
– Des commémorations en France et en Europe, avec la participation de jeunes ambassadeurs et de membres de l’association :
* Mémorial de Dortmund (Allemagne) : Réalisé conjointement par l’Allemagne et la France, le mémorial a été inauguré en 1960 et est depuis 65 ans un lieu de mémoire majeur où se trouve notamment la dépouille inconnue d’un travailleur forcé français (© : Dortmund-Agentur/Roland Gorecki) ;
* Großbeeren (Allemagne) : Chaque année au mois d’octobre, un hommage est rendu aux victimes des camps de travail A.E.L. (Arbeitseinsatzlager), lieux d’exploitation des travailleurs forcés où nombre d’entre eux ont été massacrés (© : Gemeinde Großbeeren : fosse commune) ;
*Kahla (Thuringe) : Remise de prix à des étudiants allemands ayant participé au concours Bertrand Hertz, et soutenus par l’Ambassade de France à Berlin. L’ANMTF a aidé dans leurs recherches ces étudiants qui partaient sur les traces de travailleurs forcés français qui se trouvaient dans des camps près de chez eux.
* Slovaquie : en août 2025, à Strecno, sera célébré le 80ème anniversaire du maquis slovaque auquel se sont joints des travailleurs « déportés » sous le commandement du capitaine de Lannurien. La cérémonie aura lieu devant le monument inauguré en août 1956 par le ministre français des anciens combattants François Tanguy-Prigent, sur lequel sont gravés les noms de 60 Français et 1 Française, morts durant le Soulèvement slovaque. Trois cryptes accueillent les cercueils de 24 Français. Cette commémoration est organisée par les associations locales d’anciens combattants, l’ambassade de France, et des autorités locales et internationales, renforçant les liens mémoriels entre la France et la Slovaquie (© : D.Rogasik).
Depuis août 2024, un travail d’échange de recherches est mené entre l’association et David Rogasik auquel ont participé des historiens chercheurs à la suite d’un partenariat contracté avec l’ANMTF.
En 1944, 498 Français du STO sont transférés de Vienne à Dubnica en Slovaquie dans l’usine de moteurs d’avions contrôlée par les Allemands. En août, des réseaux de faux papiers sont organisés pour les Français. 250 d’entre eux rejoignent la résistance slovaque et combattent avec la compagnie Leclerc du bataillon Foch et la brigade Ján Žižka.
En août 2025, une plaque sera inaugurée à Dubnica nad Váhom en mémoire de cinq travailleurs français morts lors d’un soulèvement, ainsi qu’une seconde à Kamenná Poruba en mémoire des partisans français actifs dans la région entre février et mars 1945.
Ces commémorations illustrent 80 ans de résilience et d’efforts pour maintenir vivante cette mémoire partagée.
3 – Comment envisagez-vous l’avenir de votre association, alors que les derniers témoins disparaissent ?
Face à la disparition des derniers témoins, l’ANMTF considère comme essentielle la continuité de sa mission. Elle entend :
– Assurer la transmission aux jeunes générations de ce pan d’histoire souvent ignoré,
– Poursuivre ses recherches historiques, afin d’aider les familles à retrouver la trace de leurs ancêtres victimes du travail forcé,
– Accompagner les étudiants, les chercheurs et les passionnés dans leurs investigations mémorielles.
L’avenir de l’association repose sur cette double dynamique de transmission et de rigueur historique, pour que le souvenir des victimes du travail forcé ne s’efface jamais.
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