Trois questions à Jean-Pierre Guéno

29 janvier 2017

Il est le passeur des « paroles de poilus » et l’auteur d’une soixantaine d’ouvrages. Après avoir dirigé le développement culturel de la Bibliothèque Nationale, la communication de La Poste, les Editions de Radio France puis le développement culturel des Musées Européens des lettres et des manuscrits, il vient de créer avec Philippe Sylvestre et Mourad Boudjellal « Mille mémoires » une nouvelle maison d’édition tournée vers cette « mémoire » qui aux yeux de Charles Péguy « fait toute la profondeur de l’homme. »

JPG1. Où en est l’opération Paroles de nos soldats ?

Lancée en juin 2015 avec le concours du Ministère de la Défense, de la DICOD, des trois armes, de l’ONAC et du Souvenir Français, l’opération consiste à collecter les plus belles lettres, les journaux intimes et les témoignages des soldats et de leurs familles dès lors qu’ils ont été impliqués dans des guerres depuis 1940 jusqu’aux opérations extérieures de ces trente dernières années en passant par les guerres d’Indochine et d’Algérie. Qu’il soit terrien, marin, aviateur ou gendarme, chaque soldat fait un don à la Nation lorsqu’il devient l’acteur d’une guerre où il met en jeu sa vie et son âme. Il prend alors le risque permanent de perdre l’une et l’autre ou de les mutiler de façon irréversible. A une époque où triomphent trop souvent le narcissisme et le « tout à l’ego », les soldats et leurs familles sont admirables. Ils méritent que l’on transmette leurs « paroles » et leur sens de l’intérêt général. Pour mieux ouvrir avec moi certains champs de la mémoire encore très douloureux, j’ai demandé à Georges Fleury, ancien des commandos Jaubert et grand historien militaire de cosigner cette récolte. L’ouvrage paraîtra à l’automne 2017 chez Nouveau Monde Editions. Il sera « kaléidoscopique » comme les autres « paroles de » mais très qualitatif. Nous voudrions avec Georges Fleury que chaque Français comprenne le ressenti des soldats et de leurs familles, au moment où la société française connaît des mutations souvent violentes qui mettent à rude épreuve tous ceux qui se dévouent pour l’intérêt général : enseignants, soignants, policiers, magistrats, postiers sans oublier tous les autres.

 

2. Cherchez-vous encore des témoignages ?

Oui et plus particulièrement sur ces fameuses « guerres orphelines » d’Indochine et d’Algérie, et surtout aussi sur les opérations extérieures qui ont engagé des soldats français tant au Liban, qu’au Tchad, au Rwanda, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, au Mali ou ailleurs. Nous recherchons des témoignages des soldats, des hommes et des femmes qui ont été exposés, qu’ils aient été simples soldats, sous-officiers ou gradés, mais aussi de leurs parents, de leurs enfants, de leurs conjoints, de leurs familles. La réalité de leur quotidien, la force de leurs états d’âme n’a rien à voir avec le contenu elliptique et caricatural des journaux télévisés. Le culte du Buzz et du spectaculaire est incapable de nous transmettre toutes les nuances de la petite musique de l’âme de nos soldats. 

 

3. Qu’attendez-vous du Souvenir Français ?

Le Souvenir Français se résume dans la signature qui lui sert de devise : « gardien de la mémoire, gardien de notre mémoire ». Trop longtemps certains historiens ont eu tendance à sous-estimer la mémoire ou à la considérer comme un sous-produit de l’histoire. Le Souvenir Français est une institution qui nous parle en fait de l’avenir en nous aidant à le construire. Il nous rappelle que les acteurs de l’histoire ne sont pas seulement les têtes d’affiche de nos manuels scolaires, mais ces obscurs, ces humbles, ces sans grades, qu’ont été nos grands-parents et nos ancêtres. Qui se souvient de Violette Szabo, jeune franco-anglaise de 24 ans, résistante et membre du SOE britannique, capturée par les SS en Corrèze le 10 juin 1944, morte en martyr au camp de Ravensbrück en 1945 ? Le Souvenir Français a trouvé son skipper dans la personne de Serge Barcellini qui n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine de la mémoire, puisqu’il a été le créateur de la DMPA, très belle direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du Ministère de la Défense, dont l’une des plus brillantes réalisations est le site « Mémoire des hommes »  (http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/)

Lorsqu’il s’associe à l’opération « Paroles de nos soldats » qui vise essentiellement à transmettre la mémoire et le témoignage des ceux qui depuis quelques décennies se dévouent pour la collectivité, Le Souvenir Français est le plus fabuleux allié dont on puisse rêver. Il nous rappelle le rôle incontournable de ce savoir fondamental que constitue l’histoire vivante et vécue, parce qu’elle permet à tout être humain de se situer dans le temps, dans la trajectoire de l’humanité, et que l’histoire et la mémoire doivent rester pour les générations montantes une science de l’éveil – sainement subversive – et non un facteur d’amnésie et d’anesthésie.

 

Contact :

Jean-Pierre Guéno, jpgueno@wanadoo.fr ou parolesdenossoldats@laposte.net

Adresse postale Paroles de nos soldats BP 40115  Paris 08 PDC

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