L’œil de l’historienne

22 février 2022

Christine Levisse-Touzé,

Femmes dans la guerre 1939 – 1945

Christine Levisse-Touzé est une historienne, docteur ès lettres; conservateur général honoraire du patrimoine de la Ville de Paris, directeur de recherches associé émérite à Sorbonne-Université, secrétaire générale du prix littéraire du CAR-SOUVENIR FRANÇAIS, elle préside le conseil scientifique du musée de l’Ordre de la Libération. Elle a publié de nombreux ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale, la France Libre et la Résistance. Dernièrement ont été publiés avec Julien Toureille « Leclerc, rebelle et patriote », Ouest France 2017 ; avec Dominique Veillon « Jean Moulin, artiste, préfet et résistant », Tallandier, réédition, mars 2020 ; avec Julien Toureille « Ecrits de combat de Philippe Leclerc de Hauteclocque », Sorbonne-université presse, à paraître automne 2021

Á la veille de la guerre, les Françaises, à la différence des Anglaises, des Allemandes, des Turques, n’ont pas le droit de vote. Certes, il y a eu quelques avancées avec l’entrée dans le gouvernement de Léon Blum, de femmes secrétaires d’État. Quant au commandement français, il n’a formé aucune unité féminine intégrée aux forces armées, contrairement à l’alliée britannique et au IIIe Reich. En septembre 1939, les femmes sont admises sous statut civil mais comme bénévoles dans les sections sanitaires automobiles (SSA). Début 1940, dans l’urgence, des mesures leur confèrent un statut avec rémunération, puis fin mai 1940, autorisent le recrutement de 100 pilotes auxiliaires pour convoyer les avions. Le gouvernement et le commandement français considèrent la guerre comme une affaire d’hommes.

1 – Engagements

Á l’issue du désastre militaire, des femmes, de toutes origines sociales, n’hésitent pas à répondre à l’appel du général de Gaulle et à rejoindre Londres[1] par patriotisme, refus de la défaite et de l’occupation. Transgresser la culture d’obéissance qui était la leur traditionnellement pour poursuivre le combat aux côtés de leurs camarades masculins[2], n’est pas un problème. Elles quittent la France, seule comme Jeanne Bohec qui part de Brest le 18 juin 1940 ou avec leur famille comme Tereska  Szwarc qui passe par la péninsule ibérique pour retrouver  en Angleterre son père dans La légion polonaise.

L’Angleterre fournit les premières volontaires parmi les jeunes filles au pair, les femmes issues de mariage mixte et celles qui y travaillent. Elisabeth de Miribel, diplomate de formation, employée à la Mission française de guerre économique à Londres  tape  pour dépanner son ami d’enfance, Geoffroy de Courcel, le texte manuscrit du général de Gaulle le 18 juin 1940. Simonne Mathieu, l’ancienne championne de tennis intégrée durant l’hiver 1939-1940 aux Women Military Service veut servir de Gaulle dès le 19 juin 1940. Pour éviter un engagement des femmes dans les unités anglaises, le général de Gaulle, avec l’accord des Britanniques, signe le 7 novembre 1940 l’acte officiel de création, «du corps féminin des volontaires françaises ». Dans un domaine réservé aux hommes, les « demoiselles de Gaulle » sont les premières femmes à devenir militaires.

Les pionnières sont aussi les épouses des premiers ralliés, comme Janine Bouchinet, Denise Van Moppès, Georgette Soustelle. Refusant d’être séparée de son mari, Louise-Marie Lemanissier, médecin biologiste, part avec lui le 22 juin 1940 pour Londres. Elle est une des premières femmes engagées comme médecin sous-lieutenant. De Kaboul, les célèbres archéologues Marie et Joseph Hackin, décident tous deux, début juillet, de rallier l’homme du 18 juin et arrivent à Londres en octobre.

A l’été 1940, les ralliements des territoires de l’Empire entraînent les premiers engagements féminins. Raymonde Jore et Raymonde Rolly, 23 ans s’engagent en Nouvelle-Calédonie en octobre 1940 et rejoignent Londres fin mai 1941. Fait unique, au Congo, Hameline Le Juge de Segrais, infirmière, épouse d’un officier à Brazzaville, prend part au coup de force du 28 août 1940 qui précipite le ralliement du territoire à la France Libre. Au Liban et en Syrie en 1941, des femmes rejoignent les FFL, d’autres viennent d’Haïti, puis en mars 1942, ce sont des volontaires de Saint-Pierre-et-Miquelon. Des Etats-Unis en 1943, Eve Curie, la plus jeune fille de Pierre et Marie Curie, gagne Londres suivie d’une dizaine d’autres, quelques mois plus tard.

En France occupée, patriotisme et rejet de la présence allemande poussent les femmes à « faire quelque chose ». La naissance des réseaux de renseignements et d’évasion y est précoce. En zone sud la contestation de la politique de Vichy et l’appel du général de Gaulle prédominent.  Germanophobie, patriotisme et colère décident l’ethnologue Germaine Tillion à participer d’abord à la mise sur pied de filières d’évasion puis à rejoindre le groupe du musée de l’Homme. Pour Hélène Mordkovitch, russe d’origine co-fondatrice avec Charlotte Nadel, Jacqueline Pardon et Philippe Viannay du mouvement Défense de la France, il est inacceptable d’accepter que la patrie des droits de l’homme soit bafouée par l’occupant et par un gouvernement de Vichy coupable d’avoir accepté le démantèlement de son pays d’adoption. Pour d’autres, dont Jacqueline Fleury, l’exemple du père combattant de la Grande-Guerre, joue un rôle majeur dans leur engagement. Pour Émilienne Moreau-Évrard, jeune héroïne de la guerre 14-18 qui a reçu la croix de guerre, la lutte avec son mari contre l’occupant et le gouvernement de Vichy est immédiate au sein de la section clandestine du parti socialiste.

L’engagement a été aussi le prolongement du militantisme. Elevée dans une famille bourgeoise juive, France Bloch lutte contre l’antifascisme et la guerre, et s’engage au parti communiste en 1936.  Elle épouse un militant Fredo Sérazin en 1939. Autre exemple : Cécile Rol-Tanguy, sténodactylo au syndicat des métaux, fille unique du militant François Le Bihan qui héberge des réfugiés des dictatures, est marraine de guerre de Henri Tanguy engagé dans la guerre d’Espagne aux côtés des Républicains. Elle l’épouse en 1939 et un an plus tard, elle l’entraîne tout juste démobilisé, aux premières réunions syndicalistes clandestines. Tous deux s’impliquent dans l’0rganisation Spéciale, et les comités populaires.

2 – Les formes d’action

Nombreuses sont les anonymes à s’être engagées avec autant de conviction que leur compagnon contre l’occupant et impliquées dans tous les domaines d’action de la Résistance. Elles sont infirmières, dactylos, standardistes, secrétaires, boîtes aux lettres, courriers, logeuses, passeuses.  L’exemple des sœurs Bergerot au château de Villevieux (Jura) qui hébergent des aviateurs alliés puis Jean Moulin et le général Delestraint en janvier 1943 en partance pour Londres, représente ces héroïnes de l’ombre. Pour étoffer la délégation générale de Jean Moulin en août 1942, Daniel Cordier recrute comme dactylo Laure Diebold, Alsacienne réfugiée à Lyon. Agent P2 du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) avec le grade de lieutenant, elle incarne toutes les obscures de ce service à Lyon puis à Paris.

Plus nombreuses ont été les femmes agents de liaison que les hommes car moins surveillées, pour assurer le transport de tracts, de journaux et transmettre des messages comme le fait Denise Jacob pseudo Miarka, pour Franc-Tireur ou Émilienne Moreau-Évrard pour le réseau Brutus. Au sein des mouvements et des réseaux, le secrétariat est le plus souvent assuré par les résistantes comme le service social chargé de l’aide aux familles des résistants arrêtés et la recherche des planques que Berty Albrecht, par exemple, assure pour Combat. La résistance civile active dans le sauvetage des Juifs  compte de nombreuses femmes comme Madeleine Barot, protestante, secrétaire générale de la Cimade qui vient en aide aux prisonniers du camp de Gurs (6 500 personnes juives). Les rafles de l’été 1942, l’amènent à développer son action qui devient semi-clandestine.

Les femmes sont peu nombreuses à diriger les mouvements.  Cependant, il y a les co-fondatrices Lucie Aubrac pour Libération-Sud avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Jean Cavaillès.  Berty Albrecht pour le Mouvement de Libération nationale avec Henri Frenay, présentée à tort comme sa secrétaire, elle est son inspiratrice et alter ego. D’autres sont chefs de réseau dont, Louise Dissart à la tête du réseau Françoise en Haute-Garonne ou Marie-Madeleine Fourcade qui succède à Loustaunau Lacau arrêté en mai 1941 à la tête d’Alliance, l’un des plus importants réseaux de renseignements. Une seule femme, Marguerite Gonnet, mère de huit enfants est chef départemental de mouvement pour l’Isère (Libération-Sud).  

Méconnue aussi est l’action des résistantes dans la presse clandestine.  Ainsi le journal Défense de la France au tirage le plus élevé, repose sur les épaules de Charlotte Nadel et Hélène Mordkovictch, et sa diffusion sur Jacqueline Fleury. Mais elles n’en sont pas rédactrices à l’exception de Geneviève de Gaulle  qui n’a rédigé qu’un seul article, sous le pseudonyme Gallia dans l’espoir de rallier le mouvement à son oncle le général de Gaulle.

La rue a aussi été le lieu d’expression des ménagères qui ont manifesté dans les grandes villes de la zone sud pour exprimer leur colère contre les pénuries et pour la libération des prisonniers. Á Paris,   la manifestation de la rue de Buci, le 31 mai 1942, conduite par Madeleine Marzin et  celle du 1er août,  rue Daguerre,  par Lise Ricol, toutes deux communistes,  ont un certain retentissement.

En revanche, rares sont les résistantes dans l’action armée réservée aux hommes. Ainsi France Bloch Serazin exclue parce que juive et communiste, de son poste d’ingénieur à l’Institut de Chimie à Paris, fabrique des explosifs pour ses camarades des Bataillons de jeunesse qui font sauter des trains d’armement. Olga Bancic du groupe Manouchian des FTPMOI, forme ses groupes armés et fabrique des bombes. Leur action leur coûte la vie. L’attaque du transport de prisonniers à Lyon, le 21 octobre 1943, par Lucie Aubrac et le corps franc de Libération pour libérer son mari et ses camarades, demeure exceptionnelle.

Plus méconnues encore sont les épouses résistantes de Français Libres demeurées en France. Nicole de Hauteclocque mère d’une fillette, dont le mari Pierre de la 13e DBLE a rejoint Londres avant son cousin Philippe Leclerc de Hauteclocque, travaille comme agent P2 pour le réseau Confrèrie Notre- Dame du colonel Rémy. Lucienne Laurentie, épouse de Henri, directeur de cabinet de Félix Eboué, de retour à Paris pour élever ses quatre enfants, travaille pour le réseau Comète (chargé de convoyer des aviateurs alliés vers l’Espagne) ; elle est déportée à Ravensbrück puis Holleischein. Colette Pijeaud, femme du chef du groupement de bombardement Lorraine tombé en Libye en janvier 1942, agent de renseignement du réseau Marie-France, meurt à Ravensbrück fin 1943. La résistance des femmes comme des hommes n’est pas interrompue par l’arrestation. Elle se poursuit en prison et en déportation comme Simone Michel-Levy qui sabote la chaîne de fabrication de munitions. Elle est pendue à Flossenburg.

A Londres, la mise sur pied du corps féminin repose sur Simonne Mathieu avec les premières engagées. Parmi elles, Marie Hackin, promue officier mais dont l’action s’interrompt en février 1941 car elle suit son mari Joseph chargé d’une mission diplomatique en Asie. Ils périssent en mer le 24 février 1941 et sont faits Compagnons de la Libération à titre posthume. Les volontaires signent un engagement pour la durée de la guerre, suivent un entraînement avec les ATS au camp de Bournemouth, et reçoivent une instruction militaire. Un an après la création du corps des volontaires, Hélène Terré, âgée de 38 ans, éditrice, recrutée par le général de Gaulle pour son expérience dans les services sanitaires automobiles, succède à Simonne Matthieu qui rejoint le service du chiffre. Rebaptisé fin 1941 le « Corps des volontaires françaises » et doté le 16 décembre 1941 d’un statut militaire, il est organisé en section Terre, Mer (après le ralliement de Saint-Pierre-et Miquelon) et Air (confiée à Alla Dumesnil). Un service d’aide sociale lui est adjoint fin 1941 à l’initiative d’Eliane Brault, femme politique du cabinet de Paul Bastid qui a fui la France avec son fils en juin 1941. Au total, 600 volontaires ont signé un engagement dans cette unité.

En raison de sa faiblesse numérique initiale, la France Libre qui doit libérer les combattants des tâches civiles, les confient aux femmes : secrétaires, standardistes, chauffeurs, chiffreuses, photographes, dessinatrices, plantons, guetteuses sur les toits de Londres. Pour autant, elles sont confrontées quotidiennement à la guerre avec les bombardements incessants de la Luftwaffe qui font une victime parmi elles, Moune Malaroche, les 16-17 avril 1941 et détruit leur caserne.  Certaines se voient confier des responsabilités : Janine Serreulles est chargée de la publication « des documents d’information ». Plus exceptionnel, Margot Duhalde, chilienne engagée comme pilote dans les Forces Aériennes Françaises Libres en août 1941 assure le convoyage d’avions des usines vers les bases.  Sans appartenir au corps des volontaires des Françaises Libres, Angélina Hérincx de Kerguelen qui a débuté au service de santé des FNFL, est chargée par Jean-Louis Crémieux-Brilhac[3] de la mise sur pied du service des écoutes radiophoniques de la France Libre à Londres qu’elle dirige jusqu’en août 1944. Quant à Élisabeth de Miribel, elle est envoyée au Canada par de Gaulle pour y préparer l’implantation d’un comité de la France Libre.

En Afrique, des femmes FFL sont présentes sur les théâtres d’opérations même si c’est rare. Hameline Le Juge de Segrais après le ralliement du Congo, s’est s’engagée avec son mari au 1er bataillon de marche, seule femme au milieu de 300 combattants, comme médecin interprète. Elle prend part comme infirmière à la campagne de Syrie où son mari est tué par les troupes de Vichy. Le drame la décide à devenir reporter photographe et couvrir les opérations jusqu’à la fin de la guerre en Afrique et au Levant.  Louise Lemanissier affectée comme médecin pharmacienne avec son mari à l’ambulance Hadfield-Spears créée par deux Britanniques Lady Hadfield et la femme du général Spears fin 1939, est de tous les combats en Syrie et en Libye et plus tard en Italie, en France et en Allemagne.

Á Brazzaville, Eugénie-Tell Éboué engagée dès le 18 juin 1940 aux côtés de son époux, promu gouverneur général de l’AFL fait office d’infirmière à l’hôpital militaire. Leurs enfants Henri et Robert, prisonniers et Ginette à l’institution de la Légion d’honneur, exfiltrés par le résistant Gaston Monnerville, les ont rejoints en novembre 1942. Française Libre, comme sa mère, Ginette travaille au cabinet de son père. Au sein des différentes formations sanitaires, Eugénie soutient le moral des blessés et des malades. Cet exemple rappelle l’action restée obscure des épouses des responsables FFL investies dans la levée de fonds et les œuvres sociales, comme la femme de Pierre-Charles Cournarie, gouverneur du Cameroun ou Mme Crosnier secrétaire de Leclerc.

Dans cette guerre totale, les Britanniques ont eu recours aux femmes dans un domaine inhabituel, la guerre secrète. Le Special Operation Executive, créé en juillet 1940 par Churchill, recrute des volontaires franco-anglaises qui suivent le même entraînement poussé que leurs collègues masculins. Une cinquantaine de femmes sont envoyées en France dont une dizaine de Françaises, qui le paieront pour la plupart de leur vie, comme agents de renseignement pour transmettre des informations militaires sur les défenses allemandes.  Exemple unique, mariée à un Français, Henri Cornioley, Pearl Witherington, anglaise, officier dans les Women’s Auxiliairy Air Force [WAAF] envoyée comme agent de liaison pour le Réseau Stationner du SOE près de Châteauroux, dirige un maquis de 3 000 hommes.

3 – Vers la Libération, 1943-1944

 Le débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie en novembre 1942 suscite la rentrée de l’Armée d’Afrique dans la guerre aux côtés des Américains pendant la campagne de Tunisie.  C’est ainsi que fin novembre, le général Merlin crée avec l’accord du général Giraud, commandant les forces françaises, le corps des transmissions spécifiquement féminin, « les merlinettes », dont les premières engagées gagnent la zone de conflits en Tunisie, participent à la campagne d’Italie avec le général Juin puis au débarquement de Provence.

En juin 1943, Alger est promu capitale de la France au combat après la création du Comité Français de La Libération nationale (CFLN) co-présidé par les généraux de Gaulle et Giraud et l’Afrique du Nord devient le tremplin pour la préparation des opérations de débarquement en Europe. La réalisation de l’armée de la Libération par la réunion des Forces françaises Libres et soldats de l’Armée d’Afrique séparés par les circonstances, est difficile.

C’est dans ce contexte lourd d’Alger qu’arrive Hélène Terré en juillet 1943 avec une partie du groupe des volontaires suivie peu après par le lieutenant Alla Dumesnil de la section Air qui se voit confiée par le général Bouscat chef d’état-major des forces aériennes, la section d’auxiliaires féminines de l’Armée de l’Air en Afrique du Nord où s’engage en mai 1944, la vedette du music-hall Joséphine Baker, pour servir sa patrie d’adoption.  Quant à Hélène Terré, André Diethelm, commissaire à la Guerre au sein du CFLN, lui confie en avril 1944, la réorganisation des formations féminines qui débouche sur la création de l’armée féminine de l’armée de terre » (AFAT) le 26 avril en intégrant les volontaires d’Afrique du Nord. De 6 000 en octobre 1944, elles seront 11 000 à la fin de la guerre. Le commandement par une femme, heurte plus d’un haut gradé.

Le général Leclerc qui met sur pied la 2e division blindée à Temara (Maroc) fin 1943 bien que sceptique à l’intégration de femmes dans son unité de 15 000 hommes, se laisse convaincre par l’Américaine Florence Conrad (infirmière durant la Première Guerre mondiale) d’intégrer le groupe des rochambelles (en mémoire du maréchal-comte de Rochambeau compagnon de Lafayette) à la 1ère compagnie du 13e bataillon médical. Au noyau initial formé aux États-Unis de 14 Françaises ayant fui la France, s’ajoutent 24 ambulancières sur place. La 2e compagnie est constituée des marinettes,  (en référence à leur engagement dans la marine nationale), une dizaine de conductrices dirigées par l’enseigne de vaisseau de Carsignol, participent aux  opérations  du Régiment blindé des Fusiliers Marins affecté en avril 1944 à la 2e DB.  

Á l’approche du débarquement, Jeanne Bohec du Corps des volontaires obtient non sans difficultés du BCRA, d’être envoyée clandestinement en France par le BCRA. Parachutée au printemps 1944 en Bretagne pour former des FFI au sabotage, elle remplit sa mission et participe au maquis Saint-Marcel. Mais lors des combats de la libération de Quimper, un chef d’une équipe de Jedburgh lui interdit de participer au combat, armes à la main, lui rappelant qu’une femme n’est pas facilement admise dans l’armée. Si des Françaises Libres demeurent en Angleterre à l’antenne de l’état-major pour assurer les liaisons avec Alger, d’autres affectées à la mission militaire de liaison administrative commandée par Hettier de Boislambert sont envoyées en France en juin 1944 pour préparer l’organisation de l’administration française. Sur le théâtre d’opérations en Normandie, elles n’en sont pas moins exposées comme les rochambelles et les marinettes ramassant les blessés sur le champ de bataille.

Dans Paris insurgé, des résistantes armes à la main, participent aux opérations même si c’est exceptionnel. Madeleine Riffaud, FTP, révoltée par le massacre d’Oradour-sur-Glane où elle a perdu des amis d’enfance, abat un Allemand le 19 juillet 1944. Arrêtée, internée à Fresnes, elle est libérée mi-août avec près de 2 500 résistants sur intervention du consul de Suède Raoul Nordling. Elle reprend le combat sur les barricades le 20 août 1944 et prend part à la neutralisation d’un train de munitions à Ménilmontant et à l’attaque de la caserne du Prince Eugène place de la République le 25 août.

Les résistantes sont néanmoins plus nombreuses dans les différents PC aux postes de secrétariat : ainsi à l’Hôtel de Ville de Paris occupé depuis le 20 août 1944, on dénombre une douzaine de femmes aux côtés des 38 hommes du groupe CDLR de Pierre Alekan. Au PC du colonel Henri Rol-Tanguy, chef des Forces Françaises de l’Intérieur d’Île-de-France, à Denfert-Rochereau Cécile Rol-Tanguy qui a dactylographié l’ordre de mobilisation de son mari le 19 août 1944, recrute des camarades standardistes, secrétaires pour taper comptes rendus et ordres d’opérations du 20 au 25 août, non sans avoir confié ses enfants en bas âge à sa mère restée à Montrouge.

 En conclusion, l’ouverture de l’armée aux femmes est une avancée importante. Enfin le droit de vote annoncé dans la déclaration aux mouvements par le général de Gaulle en avril 1942 est concrétisé par l’Assemblée consultative provisoire le 24 mars 1944 où siège une seule femme Marthe Simard pour la résistance extérieure.

Quant à la reconnaissance, sur les 1 038 compagnons de la Libération, six femmes ont été honorées : Marie Hackin, Berty Albrecht, Emilienne Moreau-Evrard, Marcelle Henry, Simone Michel-Levy, Laure Diebold.  La médaille de la Résistance a été attribuée à 5 637 femmes pour 65 000 hommes et 346 femmes pour 4 209 hommes sont titulaires de la rosette. En France, plus de 3 000 personnes ont été honorées du titre de « Juste parmi les Nations », les femmes représentent un peu plus de la moitié.   L’entrée de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle (2015) et Joséphine Baker (2021) au Panthéon est indéniablement le suprême hommage de la Nation et à travers elles, à toutes les femmes engagées dans la guerre.


[1] Sébastien Albertelli, Elles ont suivi le général de Gaulle, histoire du corps des Volontaires françaises, Perrin 2020 ; cf  [dir]  Mechtild Gilzmer, Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens Les Femmes dans la résistance en France, Tallandier 2003, actes du colloque à Berlin du 8 au 10 octobre 2001.

[2] Dominique Veillon et Christine Levisse-Touzé « Des Femmes engagées dans la Résistance » dans  [dir]. de  Luc Capdevila et Patrick Harismendy L’engagement et l’émancipation, presses universitaires de Rennes, 2015, ouvrage offert à Jacqueline Sainclivier.

[3] Notes de Jean-Louis Crémieux-Brilhac confiées à l’auteure.

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