L’Œil de l’historien

28 novembre 2025

L’incroyable épopée du soldat inconnu

Jean‑Pierre Guéno est un écrivain et historien français né en 1955. Après des études à l’École normale supérieure de Saint‑Cloud et à l’École nationale supérieure des postes et télécommunications, il exerce en tant qu’administrateur civil : il a notamment dirigé la communication de la Bibliothèque nationale de France puis les éditions de Radio France. Passionné par la mémoire collective, il est surtout connu pour sa collection « Paroles de… » qui donne voix aux lettres et récits de gens ordinaires à travers les grandes épreuves du XXᵉ siècle. Auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, il s’attache à mêler l’Histoire et les émotions individuelles pour « écouter les histoires ».

Le mythe du soldat inconnu a engendré un paradoxe : celui du soldat le moins méconnu, du soldat le plus célèbre de France.

Nous sommes deux ans après la Grande Guerre dont le bilan est accablant : 1,5 millions de morts sous uniforme français parmi lesquels 500 000 soldats dont les corps ne seront jamais identifiés, 3 millions de soldats blessés dont 1 million d’invalides, et 15 000 « gueules cassées », mutilés du visage. 600 000 veuves, 760 000 orphelins. Sans compter les « veuves blanches », ces jeunes femmes qui ont perdu leur fiancé ou leur amoureux à la guerre.

Nous sommes le 11 novembre 1920 : un cercueil fait son entrée sous l’Arc de Triomphe mais n’y est pas encore inhumé… La bière va être veillée jour et nuit pendant plus de deux mois, conservée dans une salle du monument avant d’être déposée dans un caveau situé sous sa dalle sacrée, le 28 janvier 1921 à 8 h du matin en présence des maréchaux de la Grande Guerre mais aussi des représentants de pays européens.

La loi du 2 juillet 1915 a créé le statut de « Mort pour la France », morts pour lesquels l’État s’engage à payer une sépulture perpétuelle. Pour autant, si le consensus existe et si les idées ne manquent pas, la forme que doit prendre l’hommage est sujette à de nombreux débats. Faut-il glorifier des héros vainqueurs ou saluer la mémoire des victimes d’une guerre à l’issue certes victorieuse mais dont le prix à payer fut exorbitant ? Faut-il permettre aux familles qui le souhaitent de récupérer les corps des morts pour les inhumer dans les cimetières communaux ou soutenir, comme le sénateur Paul Doumer qui avait pourtant perdu quatre fils à la guerre, qu’il fallait les laisser reposer au front près de leurs camarades ? Que répondre aux familles des 500 000 soldats portés disparus ? Quelle date retenir pour la commémoration ? Quel lieu choisir pour honorer les morts ?

Le législateur tâtonne. La loi visant à la « commémoration et à la glorification des Morts pour la France au cours de la Grande Guerre » est votée le 25 octobre 1919. Elle octroie des subventions de l’État pour les communes qui souhaitent ériger des monuments aux morts et instaure une cérémonie annuelle d’hommage aux morts le 1er ou le 2 novembre, ainsi que la création d’une chapelle commémorative au Panthéon et un monument national à Paris. Mais cette loi ne satisfait guère les anciens combattants qui souhaitent imposer la date du 11 novembre marquant la fin de leur calvaire.

Pour qu’émerge le symbole du soldat inconnu, pour que l’histoire l’immortalise, tout a commencé avec Francis Simon, un imprimeur breton né à Lamballe.

Il était de tous les combats mémoriels. Le 2 septembre 1914, il avait fondé une association patriotique, L’Escorte d’Honneur, dont il avait été élu président. Son but était d’assister aux obsèques des soldats morts au champ d’honneur, de fleurir les tombes et de les visiter, remplaçant ainsi la famille absente ; sa devise : « Une visite, une fleur, une prière ». Il avait imposé le Souvenir Français comme l’acteur principal du souvenir des combattants tombés au front. Président de la section de Rennes du Souvenir Français, il avait proposé en 1916, alors que son fils aîné le lieutenant Henri Simon, était tombé glorieusement lors de l’attaque du Labyrinthe en Artois le 16 juin 1915, de créer un hommage à la Nation à un Soldat Inconnu qui représenterait l’armée française tout entière. Le dimanche 26 novembre 1916, devant le monument du Souvenir Français, au cimetière de l’Est, il déclara dans un discours : « Pourquoi la France n’ouvrirait-elle pas les portes du Panthéon à l’un de ces combattants ignorés mort bravement pour la Patrie avec seulement pour l’inscription sur la tombe : un soldat et deux dates : 1914-1917 ? Cette inhumation serait comme un symbole… Et ils seront ainsi, nos morts, entourés d’une atmosphère de gloire qu’entretiendra l’âme éternelle et reconnaissante de la France. À nous encore le souvenir de ceux qui tombèrent en Orient, des morts de nos alliés héroïques, qui, comme les nôtres, combattirent pour la Justice, le Droit et l’Humanité ».

Un simple discours pour une grande idée, qui émergea d’abord en France, avant de s’imposer dans le monde entier. La tombe du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe est le résultat de cette formidable intuition.

L’idée ne se concrétise véritablement qu’après la fin du conflit, mais elle prend d’abord la forme d’un livre d’or rappelant tous les morts de la guerre : ce livre serait placé au sein du Panthéon. Elle chemine grâce à la presse et, le 19 novembre 1918, le député d’Eure-et-Loir Maurice Maunoury fait une proposition de loi dans ce sens.

Reprise par le député André Paisant qui dépose une proposition de résolution co-signée par quatre-vingt-six autres députés, le 12 septembre 1919, cette résolution demande  » le transfert solennel au Panthéon d’un soldat anonyme français tombé pour sa patrie « .

En France, en novembre 1920, l’idée était de commémorer les morts de la Grande Guerre et les cinquante ans de la Troisième République (née en 1870) en associant l’inhumation du cœur de Léon Gambetta, reposant depuis sa mort, en 1882, à Nice et celle du soldat inconnu au Panthéon. L’Église catholique et la droite conservatrice s’insurgeaient car elles considéraient le Panthéon comme un symbole révolutionnaire (en 1791, l’Assemblée constituante a transformé l’église Sainte-Geneviève en un panthéon des grands hommes) tandis que les associations d’anciens combattants souhaitaient un lieu moins directement politique où le soldat reposerait seul. Un compromis serait finalement trouvé dans l’urgence le 8 novembre 1920 :  une loi « relative à la translation à Paris et à l’Arc de Triomphe des restes d’un soldat inconnu mort pour la France » avait été votée. La cérémonie associerait bien la commémoration de Gambetta et du soldat inconnu en une déambulation du Panthéon à l’Arc de Triomphe. Ce dernier monument avait le mérite, aux yeux des anciens combattants et de la classe politique, de relier la Grande Guerre à l’histoire militaire de la France. Il permettait d’offrir à terme un lieu central et unique à la sépulture du soldat inconnu, sans qu’il soit nécessaire, comme cela avait été aussi envisagé, d’ériger un nouveau monument : il suffisait de charger d’un sens nouveau ce qui existait déjà. Ce glissement symbolique avait déjà commencé en juillet 1919 puisque c’est sous l’Arc de Triomphe qu’avait été exposé le cénotaphe (tombeau vide en souvenir des morts) au moment du grand défilé de la victoire.

La troisième République avait donc décidé de décaler les commémorations de son 50ème anniversaire au 11 novembre 1920 pour associer symboliquement le souvenir de sa naissance dans la douleur de la défaite de 1870 à la revanche de 1918. Pour marquer le coup, il avait été décidé que le cœur de Gambetta, le « défenseur » de 1870 serait placé ce jour-là au Panthéon. Dans un second temps, sous la pression de l’opinion publique qui avait appris en octobre que les Anglais allaient ensevelir un Tommy inconnu à Westminster, la République avait accepté de jumeler cette commémoration avec celle du soldat inconnu demandée par la droite qui n’avait jamais apprécié le trop laïque Gambetta. 

Mais le feu avait été mis aux poudres dans un billet manuscrit envoyé au journaliste de l’Intransigeant Gabriel Boissy par l’écrivain-journaliste Jean Gustave Binet, dit Binet-Valmer. Les deux hommes avaient milité depuis l’armistice de 1918 pour que la France rende hommage aux disparus de la Grande Guerre. Le billet de Binet-Valmer avait véhiculé un message très court : « Le 11 novembre, c’est notre fête. Si on nous refuse ce que nous n’avons pas été les premiers à demander, nous la célèbrerons à notre manière ». Les deux anciens combattants proches de l’Action Française avaient échafaudé une incroyable manifestation pour troubler la cérémonie du 11 novembre. Ils avaient été prêts à déterrer un mort anonyme de la guerre et à barrer la route du cortège officiel. Ils ne voulaient pas que ce soldat soit déposé au Panthéon avec le cœur de Gambetta, à côté du dreyfusard Zola. La commémoration dont ils rêvaient n’était pas celle des grands noms, mais celle des sans-grades et des non identifiés. Depuis plusieurs mois, leur objectif avait enflammé l’opinion publique et divisé le paysage politique traumatisé par une boucherie sans précédent. Comment rendre hommage au poilu emblématique de 1914/1918 ?  Fallait-il le célébrer en héros ou en victime ? Comme un symbole belliciste ou pacifiste ? Fallait-il commémorer un deuil ou une victoire ? Léon Bailby, le patron de Gabriel Boissy, avait communiqué le projet de Binet-Valmer à l’Élysée. En l’espace de quelques heures tout avait basculé. Le 8 novembre 1920, la loi votée par la chambre des députés avait renoncé au Panthéon et accepté d’ensevelir le soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe.

Si le premier article de la Loi, ne générait aucun débat :

Le 11 novembre 1920, les honneurs du Panthéon seront rendus aux restes d’un des soldats non identifiés au champ d’honneur au cours de la guerre 1914-1918.

Il n’en avait pas été de même de l’article deux, de nombreux députés préférant le symbole du Panthéon à celui de l’Arc de Triomphe :

Le même jour, les restes de ce soldat seront solennellement transportés à l’Arc de Triomphe pour y être inhumés.

Mais l’article avait été finalement voté à l’unanimité.

La version définitive de ces articles est la suivante :

Article 1er. – Les honneurs du Panthéon seront rendus aux restes d’un des soldats non identifiés au champ d’honneur au cours de la guerre 1914-1918. La translation des restes de ce soldat sera faite solennellement le 11 novembre 1920.

Article 2.- Le même jour, les restes du soldat inconnu seront inhumés sous l’Arc de Triomphe.

Le 10 novembre 1920, c’est donc André Maginot, ministre des Pensions et lui-même mutilé de guerre, qui préside la cérémonie de choix du soldat à inhumer ; elle se déroule dans le lieu mythique de la Grande Guerre : la citadelle de Verdun. Huit corps de soldats ayant servi sous l’uniforme français mais qui n’avaient pu être identifiés sont exhumés dans les huit régions où s’étaient déroulés les combats les plus meurtriers : en Flandre, en Artois, dans la Somme, en Ile-de -France, au Chemin des Dames, en Champagne, à Verdun et en Lorraine. Le soldat initialement pressenti pour choisir le soldat inconnu, un Martiniquais affecté au même régiment qu’Auguste, est atteint de typhoïde et hospitalisé à quelques heures de la cérémonie. Il est impératif de trouver un autre soldat de deuxième classe ayant fait la guerre pour accomplir ce choix. Le soldat Auguste Thin est alors désigné car il est pupille de la Nation et il est le plus jeune engagé volontaire de son régiment, le 132e RI. Auguste Thin explique ainsi sa méthode de choix : « Il me vint une idée simple. J’appartiens au 6e corps. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132, c’est également le chiffre 6 que je retiens. Ma décision est prise : ce sera le 6e cercueil que je rencontrerai ». Le 10 novembre 1920, ce sixième cercueil désigné par un bouquet d’œillets blancs et rouges lors d’une cérémonie présidée par André Maginot, quitte Verdun pour gagner Paris. Les sept autres avaient été confiés à la ville de Verdun, dont le conseil municipal avait décidé de les transporter dès le 11 novembre 1920 au cimetière militaire du Faubourg-Pavé. Acheminé par train spécial à Paris, le corps du Soldat Inconnu est déposé auprès du cœur de Gambetta, place Denfert-Rochereau. Au matin du 11 novembre 1920, un convoi s’ébranle vers le Panthéon, puis de là, le Soldat Inconnu poursuit son chemin vers L’Arc de Triomphe où des milliers de personnes en larmes se rendent pour lui rendre hommage, persuadées qu’elles vont voir passer celui-là même qu’elles ont perdu.  C’est finalement le 28 janvier 1921, lors d’une cérémonie solennelle mais plus modeste, que le Soldat Inconnu est définitivement inhumé sous l’Arc de Triomphe en présence des maréchaux Foch, Joffre et Pétain. Par la suite, le sculpteur Grégoire Calvet avait émis l’idée de faire brûler une flamme du souvenir en permanence, et Jacques Péricard, ancien combattant, proposa en octobre 1923 de faire ranimer celle-ci chaque jour à 18h30 par des anciens combattants.

Pour la une du Petit journal illustré daté du 6 février, le dessinateur Chavannaz, de son vrai nom David Burnand compare les participants à la cérémonie du 28 janvier 1921 aux membres d’une même famille. Plutôt que de croquer les personnalités présentes et les généraux et maréchaux et les détachements militaires qui rendirent les honneurs, il choisit de représenter les civils venus déposer leurs fleurs une fois la cérémonie terminée et la plaque de granit refermée. Les veuves, les orphelins, les parents qui ont perdu leurs enfants et qui s’inclinent sur le tombeau, c’est pour eux, semble dire l’artiste, que ce nouveau lieu de mémoire a été inventé. Même les jeunes hommes présents sur l’image, peut-être des anciens combattants, ne sont plus en uniforme mais ont été rendu à la vie civile.

Et quoi de mieux pour célébrer cette unité dans la mémoire que de mettre en légende de l’image les deux vers de Victor Hugo tiré de cet Hymne, écrit en 1831 pour les morts de la révolution des Trois Glorieuses de 1830 : « Ceux qui, pieusement, sont morts pour la Patrie / Ont droit qu’à leur tombeau la foule vienne et prie ! ». Hugo est alors considéré à la fois comme l’incarnation du génie français, du grand patriote et du héros républicain. Ces vers sont déjà repris sur un nombre non négligeable de monuments aux morts. Le poème est mis en musique le 8 novembre 1920 par Gustave Goubier pour l’inauguration du monument de la Tranchée des Baïonnettes sur le champ de bataille de Verdun. Ici, ces deux vers sacralisent le Soldat Inconnu qui, par métonymie, incarne le sacrifice de tous les morts.

La flamme sacrée sous l’Arc de Triomphe fut allumée pour la première fois le 11 novembre 1923 à 18h, par André Maginot, ministre de la Guerre.

Si les Français sont si attachés au symbole du soldat inconnu, c’est parce qu’un tiers des corps des 1 500 000 poilus français morts entre 1914 et 1919 et réduits en charpie par la violence des obus ou volatilisés par la barbarie des combats n’ont jamais été identifiés. Une famille sur trois s’est donc reconnue dans le Soldat Inconnu.  

L’exemple de la France et le succès de ce modèle commémoratif furent immédiats : après les cérémonies du 11 novembre 1920 à Londres et Paris, les États-Unis, le Portugal et l’Italie dès 1921, la Belgique, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie en 1922, sont rejoints au cours des années vingt par la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie, l’Autriche, la Hongrie, la Grèce… plus récemment, les Australiens en 1993, les Canadiens en 2000 et les Néo-Zélandais en 2006 sont venus chercher un soldat inconnu de la Grande Guerre. Dans le cas du Canada, ce soldat inconnu a été rapatrié de France.

À côté du devoir de mémoire incarné par la tombe du Soldat Inconnu, il ne faut pas oublier l’étonnant travail d’amnésie qui a contribué à déformer la mémoire de la Grande Guerre et qui mérite d’être aujourd’hui rappelé par le Souvenir Français.

Nos livres d’histoire nous ont fait croire que les 4 millions de mobilisés le 2 août 1914 étaient partis le sourire aux lèvres et la fleur au fusil. Ils ne nous ont pas dit que « Sous Verdun » le livre de Maurice Genevoix panthéonisé en 2020 avait été censuré en 1916. Ils nous ont caché que plus d’un tiers des 1 500 000 morts français de la Grande Guerre dont ils ont longtemps minimisé le nombre, avaient été tués dans les six premiers mois d’une boucherie qui dura près de cinq ans. Ils ont longtemps occulté les fusillés pour l’exemple de 1914. Ils ont dissimulé les fraternisations qui ont caractérisé les deux camps dès Noël 1914. Ils ont fait croire que les mutineries de 1917 n’étaient que le fruit de la révolution russe. Ils ont caché le rôle de l’alcool qui a fait des survivants de 14/18 des toxicomanes pour le restant de leur existence. Ils ont surtout dissimulé le grand scandale de l’armistice : le lundi 11 novembre 1918, entre 5 h 12 et 5 h 20 du matin, 1562 jours après la mobilisation, l’armistice est signé avec une application sur le front fixée à 11 heures du matin. Malgré cette annonce du cessez-le-feu qui couve depuis plusieurs jours, le « dernier jour » de la guerre fait près de 11 000 victimes, soit plus que n’en fera le jour J en 1944. Certains généraux programment des assauts alors même qu’ils savent que les combats vont prendre fin. Ainsi le général américain Wright qui sacrifie 365 hommes en décidant d’attaquer le village de Stenay dans la Meuse, afin de pouvoir y prendre un bain. A Vrigne-Meuse au matin du 11 novembre 1918, d’autres autorités militaires décident de tenir une tête de pont sur le fleuve et de le franchir pour « forcer » les Allemands à l’armistice pourtant signé. Vers 10 heures 50, le soldat de première classe Augustin Trébuchon, estafette du 415e régiment d’infanterie est tué d’une balle dans la tête alors qu’il porte un message à son capitaine. Il est censé être le dernier poilu français tué officiellement sur le front occidental. Dans sa division, on compte ce jour-là 99 morts et 190 blessés. Mais la date du décès de Trébuchon, comme celle de tous les autres morts français du 11 novembre est antidatée au 10 novembre par des autorités militaires qui pensent qu’il n’est pas possible ou trop honteux de mourir le jour de la victoire. On a gravé 10 mots sur le monument de la division d’Augustin Trébuchon : « Le vrai tombeau des Morts, c’est le cœur des vivants ». Le commandant Charles de Menditte qui commandait le régiment du « dernier mort de la guerre » a écrit dans une lettre datée du 6 avril 1919 : « Mourir le dernier jour de la guerre, c’est mourir deux fois ! ». En réalité de très nombreux soldats sont morts des suites de leurs blessures ou de leur gazage, dans les jours, dans les semaines, dans les temps qui ont suivi la guerre. Certains gazés ont agonisé pendant des mois.

Le culte du soldat inconnu répondait à un besoin existentiel pour la société au sortir de la guerre. Avec trop de corps sans nom enterrés dans les nécropoles des champs de bataille et trop de noms sans corps gravés sur les milliers de monuments aux morts, le Soldat Inconnu venait compléter la prise en charge de la mémoire des morts par l’État français. Il répondait notamment à la détresse des 600 000 veuves, des 760 000 orphelins et des familles des 350 000 soldats disparus dont les corps n’avaient pu être identifiés et restitués à leurs proches. Pour ces familles, l’impossibilité du deuil, en l’absence de corps, était compensé par l’espoir, même infime, que le disparu soit enterré sous l’Arc de Triomphe.

Aujourd’hui, ils sont tous morts, les poilus de 14/19, sur les champs de bataille comme sur les champs de paix. Cinq-cent-mille n’ont jamais été formellement identifiés. Leurs noms et leurs prénoms sont gravés dans la pierre de quarante-mille monuments aux morts. Beaucoup ont écrit leur propre histoire dans leurs lettres et dans leurs carnets de tranchée. Mais comme l’écrivait le poilu Henry de Montherlant à propos de tous ceux qui n’ont pas eu le temps ou l’énergie de parler ou d’écrire : « Ce sont les mots qu’ils n’ont pas dits qui font les morts si lourds dans leur cercueil ».

Il en va de même pour le silence du Soldat Inconnu : des mots indicibles, jamais formulés et qui servent d’épitaphe à la barbarie. Tout comme la devise absurde et scandaleuse inscrite sur le monument aux morts de La Baule : « A nos morts victorieux ».

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