L’œil de l’historien

3 mai 2023

Fabrice Bourrée, La médaille de la Résistance française

Titulaire d’un DEA d’histoire socio-culturelle, Fabrice Bourrée a travaillé durant plus de vingt ans à l‘Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI) puis au sein de la Fondation de la Résistance. Auteur ou co-auteur de plusieurs publications, il est également l’un des créateurs du musée de la Résistance en ligne dont il a été le responsable entre 2014 et 2022. Spécialiste des archives de la Résistance, il a publié en 2021 l’ouvrage « Retracer le parcours d’un résistant ou d’un Français libre » « Guide d’orientation dans les fonds d’archives » (éditions Archives & Culture).

Arrière-petit-fils de médaillé de la Résistance à titre posthume, Fabrice Bourrée était, jusqu’à présent, membre de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française par décret du 23 février 2022. Depuis le 1er janvier 2023, il occupe les fonctions de responsable du service de la médaille de la Résistance française au sein de l’Ordre de la Libération. Fabrice Bourrée a été nommé secrétaire de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française par décret du président de la République en date du 1er février 2023.

La médaille de la Résistance française est la seconde décoration créée par le général de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale après la croix de la Libération. Arborée par des résistants aux origines et aux trajectoires variées, la médaille de la Résistance française demeure le marqueur d’appartenance à une communauté unique ayant mené un combat pour la Liberté au nom de valeurs communes. Aujourd’hui encore, elle est attribuée à titre posthume sous certaines conditions à des résistants et des Français libres pour la plus grande fierté de leur famille. La décision d’attribution à titre posthume revient uniquement au président de la République après avis de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française présidée par le délégué national de l’Ordre de la Libération. Le service de la médaille de la Résistance est rattaché à la chancellerie de l’Ordre de la Libération depuis 1966 par décision du général de Gaulle.

Une création en pleine guerre

Soucieux de décorer davantage d’individus et de collectivités sans pour autant céder sur l’extrême sélectivité de l’Ordre de la Libération créé en novembre 1940, le général de Gaulle, chef de la France libre, envisage dès le début de l’année 1942 la création d’une nouvelle décoration.

Mais il s’agit bien plus que de créer une nouvelle distinction. En effet, dans un contexte difficile pour le général de Gaulle à la fin 1942 et au début 1943, la médaille de la Résistance française lui permettrait de disposer d’un instrument pour renforcer sa légitimité comme chef de la France combattante alors que celle-ci est mise à mal à la fois par les Alliés, notamment Roosevelt, qui lui préfèrent le général Giraud, et la contestation qui se développe à son égard chez certains chefs de mouvements en métropole, Henri Frenay notamment, qui lui reprochent de vouloir «confisquer » la Résistance intérieure au profit de la France combattante.

En juillet 1942, une commission est instaurée et placée sous la présidence du médecin général Adolphe Sicé, inspecteur général du service de santé de la France libre, membre du conseil de Défense et du conseil de l’Ordre de la Libération. Le 20 août 1942, la commission arrête son choix sur l’appellation de cette nouvelle décoration qui devient la « médaille de la Résistance française ».

Après échanges entre les membres de la commission et les commissaires nationaux, le projet d’ordonnance est validé. Et c’est par l’ordonnance n°42 du 9 février 1943 que le général de Gaulle institue officiellement la médaille de la Résistance française « destinée à reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l’Empire et à l’étranger, ont contribué à la résistance du peuple français contre l’ennemi et ses complices depuis le 18 juin 1940 ». Plusieurs catégories de personnes ont été décorées pendant et après la guerre : des résistants de l’intérieur ; des Français libres ; des acteurs des ralliements des territoires français, de troupes, de navires ou d’avions à la France combattante ; des participants à des organisations de la France combattante à l’étranger. À titre posthume elle peut être décernée à des fusillés, à des morts en déportation ou au cours de leur internement, à des résistants et des Français libres tués au combat, exécutés par l’ennemi ou morts en mission de guerre. Enfin, à titre exceptionnel, elle peut être remise à des étrangers qui se seraient distingués dans l’accomplissement d’actes comparables au service de la France.

Ce n’est qu’après la guerre, par une ordonnance du 2 novembre 1945, qu’il est décidé d’instituer un grade supérieur – avec rosette – pour les résistants s’étant signalés par l’importance des services rendus ou par la gravité des risques courus.

La symbolique de la médaille

La maquette de la médaille de la Résistance française a été réalisée, tout comme celle de la croix de la Libération, par le lieutenant des Forces françaises libres Antoine Mella. Son métier civil d’artiste peintre le désigne tout naturellement pour réaliser ce projet qui est soumis à l’approbation du général de Gaulle.

L’insigne est en bronze, d’un diamètre de 37 millimètres. Il porte à l’avers la croix de Lorraine, symbole de la France libre depuis qu’elle a été adoptée en juillet 1940 pour servir d’emblème aux Forces navales françaises libres à l’initiative du vice-amiral Muselier, soucieux d’opposer une croix susceptible d’illustrer la lutte patriotique à la croix gammée nazie. La date en chiffres romains « XVIII.VI.MCMXL » (18 juin 1940) procède de la même volonté d’inscrire dans le bronze l’appel du général de Gaulle comme l’acte fondateur de cette résistance.

L’inscription latine « Patria non immemor » (« La Patrie n’oublie pas ») au revers est une façon de rappeler que le patriotisme est le principal élément unissant des résistants appartenant à des milieux socio-culturels différents. Les couleurs rouge et noir du ruban symbolisent le deuil et le sang versé pour la libération du pays. La réalisation des premiers exemplaires est assurée par la maison londonienne J.R. Gaunt and Son.

Attribuer la médaille à titre individuel

Au total, au 27 mars 2023, 64 961 personnes ont été décorées de la médaille de la Résistance. 4 548 personnes ont reçu une médaille avec rosette. 25 702 médailles ont été attribuées à titre posthume jusqu’à aujourd’hui.

Une part importante des médaillés a appartenu à l’une des organisations qui ont pu se développer en France occupée, qu’il s’agisse des mouvements ou d’organisations de nature plus militaire, comme les groupes francs et maquis. De nombreux membres de réseaux de renseignement et de sabotage ainsi que des Français libres ont également été décorés pour leurs actions de la médaille de la Résistance.

Les deux premières attributions de la médaille de la Résistance française se firent envers deux femmes (décret 1006 du 15 juin 1943) : Gabrielle Martinez-Picabia, fondatrice du réseau Gloria-SMH, et Lucienne Cloarec qui, après avoir hébergé à plusieurs reprises des aviateurs alliés rejoignit l’Angleterre en mars 1943 et s’engagea comme infirmière dans les FNFL.

Attribuer la médaille à titre collectif

Si elle a pu être attribuée à titre individuel, la médaille de la Résistance française a également récompensé des unités militaires, des collectivités territoriales et des collectivités civiles. Ces attributions soulignent toujours la volonté de récompenser la Résistance dans toute sa diversité. Elles constituent aussi une façon de montrer que la Résistance a pu se développer dans tous les corps de la société, y compris ceux qui étaient pourtant susceptibles de servir fidèlement l’ordre en place incarné par le régime de Vichy (armée, gendarmerie, police), et d’insister sur les liens qui existaient entre la Résistance et la société civile (en décorant des communes pour le soutien qu’elles ont pu apporter aux résistants et les représailles que cela a pu leur valoir).   

Les unités militaires

Des unités de l’armée métropolitaine et de la Gendarmerie sont décorées pour avoir mené des actions clandestines ou participé aux combats de la Libération contre les Allemands. C’est le cas de la brigade de gendarmerie de La Chapelle-en-Vercors (Drôme), et du 1er régiment d’infanterie reconstitué dans la clandestinité et qui, à partir de juillet 1944, va jalonner les axes de retraite des Allemands, libérer Bourges et participer aux combats de la libération de Royan jusqu’au Danube.

Les écoles militaires préparatoires de Tulle (Corrèze) et d’Autun (Saône-et-Loire), dont des cadres et des élèves rejoignent la Résistance, sont également médaillées.

Des unités qui se sont distinguées au sein des Forces françaises libres ont reçu cette récompense. La 13e demi-brigade de Légion étrangère, également titulaire de la croix de la Libération, ralliée pour une moitié d’entre elle à la France libre dès 1940, a été de tous les combats au Gabon, en Érythrée, à Bir-Hakeim, à El-Alamein, en Tunisie, Italie et France.

L’École des Cadets, chargée de former les officiers de la France libre, a également reçu la médaille de la Résistance par décret du 6 avril 1944.

Le 1er régiment de fusiliers-marins, unité également Compagnon de la Libération, a reçu la médaille de la Résistance avec rosette après s’être distingué notamment en Libye, en Italie et lors de la libération de la France. Quatorze bâtiments de la Marine ont reçu la médaille de la Résistance pour avoir participé à des escortes de convois et de nombreux combats en particulier en Atlantique et en Méditerranée : corvettes Aconit, Alysse, Mimosa, sous-marins Casabianca, Le Glorieux, La Vénus, Marsouin, Narval, Surcouf, avisos Commandant Dominé, Commandant Duboc, Savorgnan de Brazza, contre-torpilleur Léopard, patrouilleur Poulmic.

Seule unité de l’armée de l’Air distinguée par l’attribution de la médaille de la Résistance française, le groupe de bombardement Bretagne créé au Tchad en 1942 sert dans les campagnes du Fezzan puis d’Italie avant de participer à la libération de l’Alsace et de la poche de Royan en avril 1945.

Les collectivités territoriales

Parce que la Seconde Guerre mondiale a été une guerre totale, impliquant au plus haut point les populations civiles, des communes ont pu être particulièrement impactées par le conflit, que ce soit à cause des opérations militaires ou des représailles menées par l’occupant. La médaille de la Résistance a ainsi été décernée à 17 communes qui avaient pu marquer leur soutien à l’égard de la Résistance, au risque de représailles et de sacrifices souvent importants. Le Territoire de Nouvelle-Calédonie a également reçu cette distinction pour avoir été l’un des tous premiers à se rallier à la France libre, dès l’été 1940. Il est à souligner que sur ces 17 communes, trois sont situées dans le seul département du Finistère, l’un des départements qui a connu le plus de départs pour rallier la France libre en 1940, trois autres dans le seul département de l’Ain et deux dans le département du Lot, deux « terres de maquis » qui ont eu à subir d’importantes représailles allemandes.

Les collectivités civiles

En décidant de récompenser certaines collectivités civiles, le général de Gaulle a aussi choisi de distinguer la diversité des types d’actions.

La propagande est ainsi représentée avec l’attribution de la médaille de la Résistance à l’Associationdes Français de Grande-Bretagne, Radio-Brazzaville, la « voix de la France libre » et la Fédération de la presse clandestine chargée de préparer la presse libre lors de la libération du territoire national.

La résistance dite de sauvetage est récompensée par l’attribution de la médaille de la Résistance à deux communautés religieuses : l’abbaye de Timadeuc dans le Morbihan et la communauté des Sœurs de Niederbronn en Alsace annexée. Ces religieux ont caché, nourri, habillé et guidé des aviateurs alliés tombés en France, des prisonniers évadés, des réfractaires au Service du travail obligatoire et des résistants menacés.

Le milieu hospitalier se mobilise aussi et c’est pour avoir offert un asile provisoire à des personnes recherchées et pour les soins apportés aux blessés et malades du maquis que les hôpitaux de Saint-Céré et de Cahors (Lot) se sont vus décerner la médaille de la Résistance française en juillet 1945.

Le renseignement et le sabotage ne sont pas oubliés avec l’attribution de la médaille à Résistance-PTT, l’une des composantes de la résistance des agents des PTT ainsi qu’à l’association Résistance-Fer.

L’attribution de la médaille de la Résistance française à des collectivités civiles a également permis de rendre hommage à l’engagement dans la Résistance de certaines catégories professionnelles ou groupes sociaux : les jeunes, les pompiers, les policiers…

C’est ainsi que deux établissements scolaires, le lycée Lalande de Bourg-en-Bresse (Ain) et l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand ainsi que les Scouts routiers de Belfort-clan Guy de Larigaudie (Territoire de Belfort) se voient remettre la médaille.

Deux unités de police sont également décorées : la police d’état de la ville d’Alger pour son rôle en appui du débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord en novembre 1942 et le Corps urbain des gardiens de la paix de Nice (Alpes-Maritimes) pour son implication notamment en lien avec le réseau Ajax et lors des combats de la libération de Nice le 28 août 1944.

Enfin, les sapeurs-pompiers de Belfort sont médaillés en récompense de leur engagement contre l’occupant dès novembre 1940.

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