Billet d’humeur du mois

24 janvier 2022

Le Titanic français ?

L’association Mémoires et Partages, implantée à Bordeaux se mobilise depuis 2016 afin de rendre hommage aux 178 tirailleurs sénégalais décédés lors du naufrage au large des côtes françaises du paquebot Afrique le 12 janvier 1920.

Le paquebot réalisait un trajet Bordeaux – Dakar et ramenait les tirailleurs qui avaient été mobilisés pour la guerre dont une majorité n’avait pas pu combattre.

Le bateau entame son trajet le 9 janvier 1920. Le 10, des défaillances sont relevées. Cela s’aggrave le 11 dans une tempête au large des Sables-d’Olonne. Le 12 janvier, le paquebot n’est plus en état de marche, mais la plupart des passagers refusent d’embarquer à bord des canots de sauvetage, ayant peur des vagues alors très hautes. Ils préfèrent rester à bord du paquebot à la dérive, qui se heurte finalement à un bateau-phare.

Sur l’ensemble des passagers, seule une trentaine survivra. Parmi eux, une majorité d’officiers, un seul civil et deux tirailleurs. 570 décèdent (dont 178 tirailleurs). Beaucoup de corps s’échouent sur les plages des Sables-d’Olonne, et beaucoup sont enterrés sur l’Île de Ré.

De nombreuses familles de rescapés assignent la compagnie maritime en justice, mais celle-ci fait durer les procès. La justice donne finalement raison à la compagnie, et l’affaire est oubliée, alors même que l’Assemblée Nationale s’en était emparée.

L’association Mémoires et Partages a dénommé ce naufrage le « Titanic français ». Une campagne politique est lancée en particulier auprès des candidats à l’élection présidentielle. Cette campagne a pour objectif de demander l’attribution de la mention « Mort pour la France » pour les 178 tirailleurs (morts 14 mois après la fin de la guerre) et alors même que l’association précise qu’ils ont mené « une guerre qui n’était pas la leur ».

Il est de notre devoir de rendre hommage aux tirailleurs sénégalais qui ont participé à la Première Guerre mondiale.

Mais il est important aussi de respecter l’Histoire.

Rappelons donc les principales catastrophes maritimes de la Première Guerre mondiale concernant la France.

La Provence II, 26 février 1916

Le paquebot est mis en service en 1906, il s’agit à cette époque du paquebot français le plus rapide.  Il est alors chargé de relier Le Havre et New-York. En août 1914 il est réquisitionné et converti en croiseur auxiliaire de l’armée. Il est utilisé pour transporter des troupes vers la Mer Egée. Le 23 février 1916, il part de Toulon avec à son bord 1 700 hommes du 3e régiment d’infanterie coloniale. Trois jours plus tard il est torpillé par le sous-marin allemand U-35. Le navire coule en 17 minutes, faisant 912 victimes.

Gallia, 4 octobre 1916 

Gallia, croiseur auxiliaire de l’armée française est torpillé par un sous-marin allemand. La veille, le navire avait quitté Toulon avec à son bord 1 650 soldats français, 350 soldats serbes et 350 marins, pour rejoindre le front d’Orient. Les soldats avaient en moyenne entre 30 et 35 ans, considérés comme trop vieux pour occuper le front de l’Ouest. Gallia est également torpillé par l’U-35. Le navire coule en seulement 15 minutes, 1 338 personnes disparaissent.

Si nous devions attribuer la mention « Mort pour la France » à des coloniaux décédés dans une catastrophe maritime, c’est aussi aux 912 victimes du Provence qu’il faudrait penser, ainsi qu’aux 1338 morts du Gallia.

Le militantisme ne justifie pas tout.

Association Mémoires et partages

Verdun, cachez-moi cette victoire !

Le journal Le Monde, dans son édition du 5 décembre 2021 consacre un très long article à la guerre du Yémen. Le titre « Marib, le « Verdun » de la guerre du Yémen », sous-titre « La ville qui résiste aux attaques houthistes ».

Cette vision historique s’inscrit dans la longue lignée des commentateurs qui depuis plus d’un siècle considèrent Verdun comme le paradigme des batailles, et accessoirement comme une victoire française. Cette vision nous la retrouvons par exemple en 1918 lorsque les journaux qualifient les batailles de l’Isonzo en Italie de Verdun italien. La même année en Roumanie, pour la qualification de la bataille de Marasesti, mais aussi en Corée bien plus tard en 1953.

Or, cette vision de l’histoire n’est plus celle des médias ni celle des élites politiques.

La bataille de Verdun est passée graduellement d’une victoire (de 1920 à 1960) à une bataille franco-allemande (1960-2000)et à une boucherie inutile (depuis 2000).

Le centenaire de la Grande Guerre (2014-2018) a renforcé cette dernière conception en réduisant la place de Verdun dans l’histoire enseignée aux élèves en France.

Dans les programmes scolaires, la référence des batailles de la Grande Guerre n’est plus Verdun, mais la bataille de la Somme.

Boucherie inutile, Verdun est surtout beaucoup trop française au regard de la bataille de la Somme très mondialisée.

Remercions donc Majid Zerrouky, journaliste au Monde de s’inscrire à contre-courant de la doxa mémorielle en redonnant sa pleine signification référentielle à la bataille de Verdun !

Article du journal Le Monde

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