TROIS QUESTIONS À DIDIER BÉOUTIS

2 novembre 2016

Historien, chargé, pour l’association « Les écrivains combattants », de l’opération « les 560 écrivains Morts pour la France »

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1) Les noms de 560 écrivains morts pour la France durant la Grande Guerre sont inscrits au Panthéon. Comment cette liste a-t-elle été constituée ?

Le 15 octobre 1927, lors d’une cérémonie présidée par le Président de la République Gaston Doumergue, ont été apposées, à l’initiative de l’Association des écrivains combattants, sur les murs intérieurs du Panthéon, quatre tables de marbre mentionnant, par ordre alphabétique, les noms de 560 écrivains morts pour la France au titre de la Grande Guerre.

Cette liste avait été constituée, à partir de 1919, par l’Association des écrivains combattants, créée, sous l’égide de José Germain, par un groupe d’écrivains français ayant servi comme combattants pendant la Grande Guerre, et dont l’objectif était d’entretenir le culte du souvenir de leurs camarades tombés au champ d’honneur. De 1924 à 1926, l’Association avait fait paraître l’Anthologie des écrivains morts à la guerre, en cinq volumes, dans laquelle chacun des 560 écrivains retenus avait fait l’objet d’une notice présentant sa vie, ses œuvres littéraires, ses états de service militaire, avec, en annexe, des extraits de sa prose ou de ses vers.

Dès novembre 1914, avait été créée par Fernand Divoire, journaliste à L’Intransigeant une petite revue mensuelle, Le Bulletin des écrivains aux armées, qui faisait le lien entre les mobilisés et ceux qui ne l’étaient pas, dressant des listes de morts au champ d’honneur, de disparus, de décorés, mentionnant aussi les ouvrages publiés. Cette revue a servi de base à la constitution de la liste.

2) Parmi ces 560 écrivains, certains sont encore connus, d’autres pas. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Comme tous les appelés de la Grande Guerre, les écrivains étaient des personnes le plus souvent très jeunes, qui avaient déjà publié poèmes, romans, pièces de théâtre, nouvelles, études, thèses universitaires, articles de presse, témoignages divers, mais sans avoir eu le temps de constituer une œuvre complète qui leur aurait permis de se forger une réputation bien établie. D’autres, qui n’avaient encore rien écrit, se sont révélés en rédigeant leurs « carnets de guerre », publiés par leur famille, après leur mort.

Seuls quatre d’entre eux étaient réellement connus du grand public avant leur mobilisation. Il s’agissait de l’écrivain et poète Charles Péguy, du poète Guillaume Apollinaire, de Louis Pergaud, lauréat du prix Goncourt en 1910 pour De Goupil à Margot, et d’Alain-Fournier, dont le roman Le Grand Meaulnes était paru en 1913. Ce sont encore eux les plus connus, un siècle plus tard !

Les 560 écrivains morts pour la France sont tous des écrivains de réel talent, mais, pour les raisons indiquées, très peu connus et même maintenant oubliés. Qui connaît encore Adrien Bertrand, pourtant lauréat du prix Goncourt pour l’Appel du sol, ou Paul Linthier, dont les carnets de guerre, sous le titre Ma pièce, souvenir d’un canonnier, sont de la même hauteur que les récits de Barbusse ou de Dorgelès qui eux, ont survécu à la guerre. Qui a entendu parler de Lucien Lécureux, un professeur de lycée qui composa de magnifiques poèmes mystiques sur la guerre, du délicat poète Jean de La Ville de Mirmont, de Charles Compodonico, auteur du poème Debout les morts !  ou encore de l’écrivain créole René Dalize, ami d’Apollinaire, auteur du très poignant  poème Je suis le pauvre macchabée mal enterré  ?

3) L’Association des écrivains combattants est, depuis 1919, un acteur mémoriel essentiel. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

L’Association des écrivains combattants, présidée actuellement par le poète Jean Orizet, s’emploie à mettre en valeur les œuvres des écrivains Morts pour la France durant les conflits du XXème siècle, mais aussi celles de ses 650 adhérents, qui ont tous publié des ouvrages respectant l’éthique du « combattant ». Elle publie une revue, L’écrivain combattant, dans laquelle sont présentés les récents ouvrages de ses membres. Elle organise, chaque année, à Paris, une séance de vente-signature, L’après-midi du Livre. Elle décerne, chaque année, huit prix littéraires récompensant diverses formes de littérature (le roman, l’essai, l’étude historique, la biographie d’un héros de guerre…)  L’Association organise aussi, chaque année, autour du 11 novembre, une cérémonie devant les plaques du Panthéon, en y faisant participer des jeunes scolaires. Le mois de décembre 2016 sera l’occasion pour Les écrivains combattants, au côté du Souvenir Français, d’organiser une série d’hommages mettant en l’honneur chaque écrivain dans sa ville natale, contribuant ainsi à mieux le faire connaître des populations.

Pour en savoir plus :

www.lesecrivainscombattants.org

Contact : aec@unc.fr et, pour l’opération des « 560 » : 560@lesecrivainscombattants.org

 

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