Sur le lieu-dit du « Mouton Noir », sur le territoire de la commune de Vitrimont, un cimetière provisoire a été construit par Marie-Marguerite Wibrotte sur un terrain privé durant la Grande Guerre. D’août à septembre 1914, la bataille du Grand Couronné a eu lieu dans ce secteur. Marie-Marguerite Wibrotte, déléguée du Souvenir Français et institutrice, travaillait à Lunéville durant la guerre. Dès le mois de septembre 1914, elle partait chaque matin avec un groupe d’enfants pour explorer les champs de bataille des environs où des soldats étaient tombés. [1] Avec ses jeunes, Mademoiselle Wibrotte relevait des tombes et les fleurissait. Néanmoins, ses élèves trop faibles ne pouvaient pas effectuer le travail physique qu’elle aurait souhaité, notamment la ré-inhumation des combattants. Elle sollicita l’autorité militaire qui mit des soldats à sa disposition pour qu’elle puisse continuer la recherche et le réaménagement des tombes. Avec leur aide, elle créa le cimetière du Mouton Noir sur un terrain de 10 555 m² qu’elle avait acheté en 1916. Cette ancienne ferme trouée par les obus fut alors transformée en nécropole, un chantier qui dura de 1916 à 1919. Marie-Marguerite Wibrotte légua le site au Souvenir Français.
En 1918, la nécropole Friscati-Mouton Noir regroupe les corps de 3 741 soldats français, victimes des combats de Vitrimont, du Léomont, de Crévic et de Bonviller. Parmi eux, 1 683 corps non identifiés sont répartis en trois ossuaires.
A la fin de la guerre, un projet de monument commémoratif est lancé. Il est construit par la maison Cuny-Manguin de Lunéville. En forme d’un arc triomphal entourant un poilu, il est inauguré le 11 septembre 1927 en présence de Mademoiselle Wibrotte et du ministre des Pensions. Une chapelle, la Chapelle du Souvenir, construite par Le Souvenir Français à la mémoire des batailles de Léomont et de Lunéville, est érigée à côté du mémorial.
Au fil des années, la nécropole continue de s’agrandir. En avril 1935, les sépultures situées dans plusieurs cimetières communaux environnants sont transférées dans le cimetière national de Friscati-Mouton Noir. Des soldats tombés en 1940 y sont aussi enterrés.
En 2007, l’ Espace Muséal Chaubet (nom d’un soldat du 81ème RI disparu au cours de la bataille) est inauguré. Ce lieu créé par la communauté de communes du Lunévillois et par Le Souvenir Français, propose la reconstitution en sons et images de l’équipement du soldat français en août 1914.
Remerciements à M. Jean-Claude Lhuiller pour les informations concernant Marie-Marguerite Wibrotte.
Contact : Pascal Solofrizzo, délégué général du Souvenir Français pour la Meurthe-et-Moselle, pascal.solofrizzo@orange.fr
Le cimetière militaire français de Spincourt a été redécouvert en février 2017 lors d’un diagnostic archéologique, réalisé préalablement à la vente de parcelles constructibles. Il fait aujourd’hui l’objet d’une fouille inédite menée par l’Inrap.
Cette opération archéologique, prescrite par le Service régional de l’archéologie de Lorraine, a débuté le 6 novembre avec une équipe d’archéologues et d’anthropologues habitués à la fouille de sépultures.
Si de nombreuses tombes isolées de combattants disparus lors de la Grande Guerre ont été fouillées et étudiées ces dernières années, la fouille de grands ensembles funéraires de cette période est néanmoins plus rare. On notera toutefois les opérations dirigées en 2004 par Bénédicte Hénon et Guy Flucher (Inrap) sur le cimetière provisoire français de Soupir (Aisne) et en 2015 par Bruno Duchêne (Inrap) sur un cimetière de combattants allemands ayant fonctionné de 1914 à 1918 à Boult-sur-Suippe (Marne).
Quant au cimetière de Spincourt, son originalité tient au fait qu’il s’agit d’un cimetière de regroupement créé en 1919 et officiellement transféré en 1924 en la nécropole militaire de Pierrepont (Meurthe-et-Moselle).
Au sortir de la guerre, 864 corps de combattants dispersés sur et à proximité des champs de batailles, situés autour de la commune de Spincourt, furent ainsi regroupés en une nécropole de 617 tombes, dont 400 sont aujourd’hui accessibles. Parmi les défunts figuraient entre autres, des hommes des 324e R.I., 330e R.I, 19e B.C.P., des coloniaux, mais également 2 Américains, 4 Russes et 2 Italiens ayant combattus au côté de l’armée française.
On notera qu’après la promulgation de la loi du 31 juillet 1920 relative à la restitution des corps, le registre du cimetière mentionne que les restes de 103 combattants français ont été réclamés et remis aux familles des défunts. Les deux Américains furent également transférés et remis aux représentants de leur pays.
Pour les autres soldats, il faudra attendre l’année 1924 pour qu’une entreprise soit chargée de procéder à l’ouverture des tombes à fin de transfert exhaustif et définitif à 14 km au nord-est, en la nécropole de Pierrepont (Meurthe-et-Moselle). Le travail effectué, le site sera rapidement rebouché et remis en culture. De ce fait, vidé de ses occupants, l’emplacement du cimetière disparaîtra progressivement de la mémoire des habitants de la commune jusqu’à l’arrivée des archéologues au début de l’année 2017.
Le diagnostic archéologique avait mis en exergue que certains des cercueils contenaient encore des restes osseux mêlés aux vestiges d’uniformes, la fouille prouve s’il le fallait encore, que de nombreux soldats ont été simplement oubliés en 1924 par les exhumateurs. De plus, les sépultures ayant réellement été transférées, contiennent encore des ossements en nombre souvent significatif ainsi que de nombreux objets pouvant parfois aider à l’identification de leurs propriétaires.
On relève ainsi parmi les objets militaires, la présence de nombreux brodequins, de galons de sergent, de boutons d’uniformes français (fantassins et chasseurs), quelques lambeaux d’uniformes prussiens, des éléments de casque à pointe allemands, un disque de collet d’infanterie américaine, un éperon de cavalier, des brelages et des cartouchières, des contenus de musettes et des bidons…
Le mobilier civil se compose quant à lui de couteaux de poche, de pipes, de porte-monnaie, de médailles pieuses et de chapelets, de crayons, d’appareils dentaires, mais aussi de brodequins et d’effets de facture non militaire.
Un nombre conséquent d’objets découverts dans les fosses est à mettre en relation avec les divers marqueurs de tombes, initialement posés en surface. Il s’agit de plaques numérologiques en plomb, de nombreuses perles en verre provenant de couronnes funéraires, de bouteilles de verre ayant probablement contenu et protégé des documents identifiants et enfin quelques fragments de plaques funéraires en marbre gravées au nom du défunt.
Enfin, un ensemble d’objets assez hétéroclites est à mettre en relation directe avec le travail des fossoyeurs. Il s’agit dans ce cas, d’outils laissés à l’abandon dans les fosses, tels que pelles, pioches, bêches, barres de fer…
Cette opération a donc plusieurs objectifs, outre le fait de sauver des vestiges de la Grande Guerre avant leur destruction par les futurs travaux d’aménagement du site.
Une étude approfondie pourra être réalisée sur la gestion des corps des combattants lors de l’immédiat après-guerre, que ce soit lors de leur exhumation des champs de batailles jusqu’au cimetière de regroupement de Spincourt, ou de leur ultime transfert en 1924 vers une nécropole définitive.
Une attention toute particulière sera bien évidemment portée au décompte des soldats encore présents sur le site, à leur identification potentielle et à l’observation des circonstances de leurs décès. A terme, ils seront remis au pôle des sépultures militaires pour recevoir enfin une sépulture digne de leur sacrifice.
L’histoire du cimetière à Spincourt par M. Frédéric ADAM, Archéo-anthropologue /Inrap, Responsable de l’opération et Membre du Souvenir Français
Pour en savoir plus : http://www.inrap.fr/un-cimetiere-francais-de-la-grande-guerre-spincourt-meuse-13379#
[1] Pierre Maire, Lunéville pendant la Grande Guerre 1914-1918, p. 288.
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