Le Souvenir Français
La Lettre N°8
AOÛT 2016
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PAROLE DU PRÉSIDENT GÉNÉRAL
Quelle mémoire pour la France ?
La France est en guerre. Les mois de juillet et août qui s’imposaient traditionnellement comme des mois de repos, d’évasion et d’élaboration de projets, sont devenus des temps de remise en cause du vivre ensemble. Quelle place pour la mémoire dans ces temps d’angoisse ? Quelle mémoire pour notre France ? Que peut aujourd’hui apporter Le Souvenir Français à la Nation France et à travers quelle politique ?
Alors que la mémoire est plus que jamais l’outil nécessaire à la cohésion de notre Nation, notre association s’inscrit dans la mobilisation de tous les Français pour que, face à la barbarie, la France reste unie. Cette cohésion, cette union républicaine, nous en devons la conceptualisation à Ernest Renan.
A l’origine il y eut Ernest Renan
De ce grand philosophe breton, un seul texte aujourd’hui est cité – en particulier par tous les hommes politiques en recherche de repères – la conférence qu’il prononça le 26 mai 1882 à la Sorbonne sous le titre « Qu’est-ce qu’une Nation ? » Ce formidable texte, jamais égalé depuis, définit avec une précision extrême l’exemplarité de la nation française, au regard en particulier de la nation allemande, cette nation qui venait tout juste de s’unifier après nous avoir militairement battus.
Pour Ernest Renan la nation française se définit d’abord par ce qu’elle n’est pas. Elle n’est ni un espace géographique, ni une langue, ni une dynastie ; elle n’est pas non plus une religion, même si l’histoire de France s’enracine dans un fort fond de christianisme.
Alors qu’est-ce que cette Nation française à nulle autre pareille ? Pour Ernest Renan, la nation « France » repose sur deux piliers.
D’abord celui du vivre ensemble. Etre Français c’est avoir envie de partager un présent et un avenir. Etre Français c’est un « plébiscite de tous les jours ». C’est regarder ensemble vers le même avenir. C’est construire ensemble le futur. Etre Français c’est donc d’abord partager une volonté.
Pour Ernest Renan, cette volonté s’enracine dans la Mémoire et cela constitue le second pilier du concept. Car être Français, c’est aussi (et même surtout), partager un passé commun. « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en sont qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
La France est une nation mémoire. C’est ce passé qui donne sa force à notre présent et qui engage notre futur. Et ce passé, Ernest Renan le décrit dans le détail. Ce passé est d’abord celui des grands hommes, ceux qui ont apporté la gloire à la Nation. « Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire, voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale ». Mais ce passé est surtout celui du deuil collectif. Ainsi, plus de trente ans avant que débute la Première Guerre mondiale, Ernest Renan esquisse ce que sera la mémoire de la Grande Guerre. « La Souffrance en commun unit plus que la joie ! En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun ».
Le sentiment d’appartenance à la nation française - et à toutes les nations – s’enracine avant tout dans les grands moments de deuil partagé. Merveilleuse intuition au regard des cérémonies nationales qui ont rendu hommage aux victimes des attentats qui ont endeuillé récemment notre pays. Des héros et des deuils partagés, voilà ce qui constitue pour Ernest Renan le socle de notre mémoire nationale.
Mais, nous apprend Ernest Renan, la mémoire impose le tri. L’oubli. Tout ne doit pas être partagé. Que serait, nous dit-il, une nation qui se rappellerait chaque jour la Saint-Barthélemy, ce temps où la France catholique et la France protestante ne s’aimaient pas ? « L’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses ». Ernest Renan anticipe en cela ce que doit être la différence entre l’histoire et la mémoire. La recherche historique, nous dit-il, peut être dramatique pour la Nation, car l’histoire peut détruire la mémoire. Trop d’histoire tue la mémoire. « L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger ».
Pendant des décennies, et jusqu’aux années 1970, le concept mémoriel d’Ernest Renan s’est imposé à notre Nation. C’est sur ce concept que se construisit la mémoire républicaine des premières décennies de la IIIème République. C’est aussi sur ce concept que se construisit la mémoire de la Grande Guerre pendant l’entre-deux guerres. C’est encore sur ce concept que se construisit la mémoire communiste des années 1945 et la mémoire gaullienne du début de la Vème République.
Mais ce concept répond-t-il encore aujourd’hui à notre « besoin de France » ?
150 ans ont passé
Près de 150 ans ont passé depuis le discours prononcé à la Sorbonne. Comment ce concept mémoriel a-t-il traversé le temps ?
Pour analyser cette évolution, il nous appartient d’abord de comprendre comment se construit « la mémoire nationale ». Pour qu’une mémoire nationale s’inscrive dans notre vie quotidienne, il faut quatre composants : des deuils, des héros, des outils et des acteurs.
Prenons l’exemple de la Grande Guerre :
Le deuil est immense : près de 1 400 000 soldats Morts pour la France.
Les héros, ce sont les maréchaux, les hommes politiques qui « ont bien mérité de la patrie » mais aussi la multitude des héros secondaires (ceux qui se sont illustrés à un moment fort des combats – Vaux, Douaumont, la Marne…)
Les outils existent, ce sont les cérémonies et plus particulièrement la journée nationale du 11 novembre (imposée par les anciens combattants au gouvernement qui n’en voulait pas), mais aussi les milliers de cérémonies « territorialisées », les lieux patrimoniaux, les tombes, les nécropoles, les monuments, les stèles, les plaques commémoratives, les outils de sensibilisation (timbres, pièces de monnaies), les outils de transmission (livres, films, cours d’histoire).
Les acteurs enfin. Pour qu’une mémoire s’impose dans un pays démocratique il est nécessaire que des acteurs non étatiques la prennent en charge. Pour la Grande Guerre, ces acteurs ont été les anciens combattants. Imaginons-nous ce que furent les années 1930 où près de 6 millions d’hommes se revendiquaient comme anciens combattants ? Imaginons-nous la force d’associations dont certaines regroupaient près d’un million d’adhérents ? Ils ont été les acteurs d’une mémoire qui s’est imposée partout et qui a dessiné le paysage mémoriel de la France contemporaine. Sur les quatre composants c’est donc le quatrième, les acteurs, qui dans une nation démocratique est le plus important.
Or, l’évolution de ces acteurs dépend de la démographie. Comment dès lors évolue la mémoire en relation avec la démographie des acteurs ? En trois temps.
D’abord il y a le Temps du Souvenir. Les acteurs nombreux imposent le souvenir qu’ils souhaitent faire partager à la Nation. Ce Temps du Souvenir, c’est celui du sacré, le temps des cérémonies sobres où le silence est de rigueur, le temps du patrimoine funéraire où le recueillement s’impose, le temps du livre de témoignages où les pages qui divisent sont occultées.
Ensuite il y a le Temps du Témoignage. Les acteurs moins nombreux sont confrontés au devenir de la mémoire qu’ils ont créée. C’est le temps des rencontres avec les scolaires, celui des voyages mémoire, celui aussi des musées-mémoriaux. Le duo enseignant-ancien combattant s’impose.
Enfin, c’est le Temps de l’Histoire. Les acteurs fondateurs ont disparu. Les mémoires qu’ils ont mises en place s’étiolent. L’histoire remplace le souvenir, la recherche remplace le témoignage, le bruit remplace le silence. Tout devient possible. Le monument aux Morts cède la place au monument pour la Paix, le recueillement se transforme en « rush juvénile », la musique militaire en rap moderniste. L’historien s’impose comme l’acteur principal de ce nouveau temps. Il est partout, de toutes les actions et devient le conseiller des décideurs.
Tout cela serait simple si les ruptures entre chacun de ces trois temps étaient franches. Or tel n’est pas le cas.
Cent ans après la Grande Guerre, certains Français vivent encore dans le Temps du Souvenir. Il s’agit en particulier des associations d’anciens combattants qui portent la tradition des associations originelles, mais il s’agit aussi de tous les Français qui ont retrouvé leurs racines familiales, ces grands-pères, grands oncles ou arrières grands-pères, qui ont combattu à Verdun et qu’ils redécouvrent avec fierté. Pour ces Français-là, le Temps du Souvenir est encore proche et ils ne comprennent pas que d’autres soient déjà dans le Temps de l’Histoire.
Mais si la démographie des acteurs est l’élément central de l’évolution des politiques mémorielles, d’autres facteurs d’évolution conditionnent également la mémoire.
Citons d’abord l’économie. Entre Ernest Renan et aujourd’hui il y a le marché. Au temps d’Ernest Renan, la mémoire ne s’inscrivait pas dans l’économie marchande. Les cérémonies étaient austères, les pèlerinages économes, les nécropoles et monuments sobres. Aujourd’hui, la mémoire est entrée dans le marché. La cérémonie est scénographie, le monument est musée, le pèlerinage est tourisme de mémoire. Les budgets explosent : les entreprises de communication et de création s’imposent comme acteur du mémoriel.
Ensuite, la communication. Entre Renan et aujourd’hui il y a la médiatisation. La mémoire du temps d’Ernest Renan s’inscrivait dans les pages des journaux locaux puis dans les informations des journaux télévisés des antennes régionales. Aujourd’hui, la mémoire n’a de valeur que si elle génère la retransmission télévisée en direct et les suppléments des hebdomadaires généralement publiés largement en amont de l’événement, ce qui affaiblit d’autant la force des journées mémorielles. Le journaliste d’investigation se transforme en historien. Les pages contestées de l’histoire s’imposent à travers « ce que l’on vous a toujours caché ».
Puis, le sociétal. Au temps d’Ernest Renan, les acteurs de mémoire sont des bénévoles. Militants associatifs, ils portent le souvenir comme une passion. Les porte-drapeaux sont l’expression la plus visuelle de ce militantisme bénévole. Par tous les temps, ils se rassemblent devant les monuments aux Morts afin d’incarner la France. Aujourd’hui, même si le bénévolat demeure fort, les salariés de la mémoire ont pris une grande place. Salariés des musées, des offices du tourisme, des missions mémorielles, des centres culturels, des universités, sont devenus des acteurs des politiques mémorielles.
Enfin, vient le Temps des Victimes. La Shoah, l’esclavage, le génocide arménien ont imposé le Temps des Victimes. Ce temps est partout à l’œuvre. Et le type des commémorations qu’il engendre est bien différent du schéma originel d’Ernest Renan. Il suffit pour s’en convaincre de lire le très beau discours prononcé par Jacques Chirac à l’occasion de la réception du Comité pour la mémoire de l’esclavage, le 30 janvier 2006.
Alors qu’Ernest Renan magnifie les héros, Jacques Chirac glorifie les victimes : « Ce travail (de mémoire) nous devons l’accomplir pour honorer la mémoire de toutes les victimes de ce trafic honteux ». Face à Ernest Renan qui préconise le tri mémoriel, Jacques Chirac défend le tout mémoire : « la grandeur d’un pays c’est d’assumer toute son histoire ». Enfin, alors qu’Ernest Renan redoute les historiens, Jacques Chirac les mobilise : « Nous devons également développer la connaissance scientifique de cette tragédie ».
La hiérarchie des quatre composants est bousculée, les victimes sont supérieures aux héros, même s’ils ne sont pas oubliés comme les Justes ; les outils mémoriels se diversifient avec l’utilisation massive de l’outil judiciaire ; les journalistes et en particulier les journalistes d’investigation deviennent les acteurs principaux de cette nouvelle politique ; les historiens universitaires en deviennent les « penseurs ».
Face à cette évolution, il appartient au gouvernement de définir la politique mémorielle de la Nation française du XXI siècle. Au sein de cette politique, Le Souvenir Français tiendra toute sa place.
Quelle politique pour Le Souvenir Français ?
Le Souvenir Français a été créé en 1887. Je me plais à rêver que son créateur François-Xavier Niessen l’a porté sur les fonts baptismaux après avoir lu l’ouvrage d’Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une Nation ? », publié cette même année. Car Le Souvenir Français inscrit son action dans le schéma décrit par l’écrivain républicain. L’article premier des statuts de notre association en est la claire illustration :
« Le Souvenir Français a pour objet :
1° De conserver la mémoire de ceux et de celles qui sont Morts pour la France au cours de son histoire ou qui l’ont honorée par de belles actions, notamment en entretenant leurs tombes ainsi que les monuments élevés à leur gloire, tant en France qu’à l’étranger.
2° De transmettre le flambeau aux générations successives en leur inculquant, par le maintien du souvenir, le sens du devoir, l’amour de la patrie et le respect de ses valeurs ».
Depuis 1887, Le Souvenir Français a poursuivi sa tâche, dans la discrétion de ses adhérents. Tous bénévoles, tous passionnés de la France, tous fiers de l’histoire de leur association. En ce début de XXIe siècle alors que la mémoire nationale est contestée par certains, Le Souvenir Français affirme son enracinement et sa volonté autour de sept grands engagements.
Le premier sonne comme un défi : Redonner aux Français la fierté de leur histoire nationale. Nous savons que les jeunes d’aujourd’hui doivent comprendre ce qu’est le monde dans lequel ils vivent, mais nous savons aussi que dans ce monde, ils ne trouveront leur place que s’ils s’enracinent dans leur nation. Le Souvenir Français sépare de manière forte l’histoire et la mémoire. Nous faisons le choix d’une mémoire qui favorise le rassemblement des Français et leur donne une fierté partagée.
Etre fier de son histoire, c’est être fier de ceux qui l’ont fait, de Clovis à Jeanne d’Arc, des rois aux révolutionnaires, de Napoléon à Jules Ferry, de Clemenceau à De Gaulle, de Guy Môquet à Jean Moulin, de De Lattre à Leclerc. Redonner aux Français la fierté de leur histoire, c’est le premier engagement et le premier défi que souhaite relever Le Souvenir Français.
Le deuxième engagement est de favoriser le croisement entre trois mémoires : les mémoires familiales, les mémoires locales et la mémoire nationale. Alors que l’idée de Nation s’affaiblit, il est essentiel pour nous de refonder le socle mémoriel sur lequel repose l’histoire de chaque Français. Et pour cela, nous souhaitons donner un destin à chaque Mort pour la France. C’est l’engagement que nous avons pris en lançant la géolocalisation des tombes des Morts pour la France dans les cimetières communaux français. 400 000 combattants Morts pour la France sont aujourd’hui inhumés dans nos cimetières communaux, transférés à la suite de la Première Guerre mondiale, de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie, et aussi aujourd’hui des combats des OPEX. Ces 400 000 tombes familiales ne jouent aucun rôle dans nos politiques mémorielles. Or chacun de ceux qui y reposent porte témoignage de notre histoire. Ce sont ces destins individuels que nous souhaitons valoriser. Nos cimetières doivent s’imposer comme des lieux où s’apprend l’histoire. Le grand pari de la géolocalisation des tombes est celui du croisement des trois mémoires.
Le troisième engagement est celui du patrimoine. La France est le pays du patrimoine combattant. Mémoriaux, monuments, stèles et plaques commémoratives des guerres sont au nombre d’un million : quelques milliers de mémoriaux, plus d’une centaine de milliers de monuments, plusieurs centaines de milliers de stèles et de plaques. Chacun de ces « objets » mémoriels a été au moment de sa création un objet vivant, devant lequel des cérémonies étaient organisées. Ce patrimoine entre en déshérence. A l’image de nombreuses tombes familiales de « Mort pour la France », il peut disparaitre. Sur les façades de nos immeubles, les plaques rappelant un acte de résistance, ou la mort d’un héros disparaissent au moment des ravalements. Dans nos campagnes, les stèles perdues dans la végétation s’éloignent de nos regards. A ces disparitions s’ajoutent les vols mémoriels. Le patrimoine combattant de la France est en danger et cela d’autant plus que le développement du tourisme de mémoire met en place une hiérarchie au sein de ce patrimoine. Ce tourisme est à la mode. Pour de nombreux départements, il apporte l’espérance d’un développement économique. Le tourisme de mémoire impose cependant une hiérarchisation des sites, les sites à exploitation touristique étant sauvegardés et mis en valeur, les autres oubliés.
La sauvegarde du patrimoine combattant de la France constitue un autre défi auquel s’attelle Le Souvenir Français.
Le quatrième engagement est celui de la refondation du calendrier commémoratif français. Le calendrier commémoratif national s’est densifié. Il regroupe aujourd’hui 14 journées commémoratives nationales dont la création a été votée par le Parlement, et parmi elles 8 ont été créées depuis 1993.
Ce foisonnement commémoratif rend à la fois inaudible l’histoire combattante de la France et abaisse le concept même de journée commémorative. En 2018, au lendemain du centenaire de la guerre 1914-1918, il appartiendra au gouvernement et aux parlementaires d’élaborer le calendrier du XXIème siècle. Si nous voulons que nos journées commémoratives retrouvent la place centrale qui était la leur dans la société française, il est urgent de les repenser. Le Souvenir Français fera de cette refondation un axe d’action majeur auprès des autorités compétentes.
Le cinquième engagement est celui de la transmission. Le Souvenir Français s’est engagé dans le soutien aux enseignants. Il est aujourd’hui le principal organisme de soutien aux voyages mémoriels. Des dizaines de milliers de jeunes ont pu découvrir Verdun, les plages de Normandie ou le Vercors grâce à la mobilisation des comités locaux du Souvenir Français. Or, la transmission se situe à un tournant. Construite depuis des décennies sur la mobilisation des « témoins » des guerres, elle doit désormais s’adapter à leur disparition. Le concours national de la Résistance et de la Déportation est le premier « outil pédagogique » dont la refondation est nécessaire. Il en va de même pour les voyages mémoriels qui, confrontés à la montée des exigences de sécurité, favorisent l’arrivée d’entreprises organisatrices de voyages scolaires. Enfin, la transmission doit s’adapter au temps de la concurrence, en particulier celle qui se développe entre les musées.
Confronté à ces tournants, Le Souvenir Français sera exigeant. La transmission de la mémoire ne doit pas avoir pour seule ambition de s’inscrire dans la vie économique et touristique. La transmission ; c’est d’abord le moyen d’apporter aux enseignants le versant mémoriel de l’enseignement de l’histoire.
Le sixième engagement est celui du partenariat associatif. Voilà venu le temps des associations mémorielles. Créé en 1887, Le Souvenir Français s’est imposé pendant près de 30 ans comme la grande association mémorielle de la nation française. A la sortie de la Première Guerre mondiale, l’association s’est retrouvée concurrencée à la fois par l’Etat (qui fit le choix de créer un service public pour gérer les nécropoles militaires), par les communes (qui ont pris en charge la création des monuments) et par les associations d’anciens combattants (qui ont développé des politiques du souvenir parallèlement à la défense des intérêts de leurs membres). En ce premier quart du XXIème siècle, le paysage mémoriel change. L’Etat se concentre sur ses activités régaliennes et les collectivités territoriales resserrent leur budget. Quant aux porte-drapeaux qui ont depuis près d’un siècle imposé la présence symbolique du drapeau tricolore sur le territoire national, leur nombre est en déclin.
En 2010, 6460 porte-drapeaux ont participé aux cérémonies de ravivage de la Flamme à Paris. En 2012, 4550.
Afin de donner une seconde vie aux drapeaux des associations dissoutes, Le Souvenir Français s’est engagé dans une politique forte en liaison avec les communes et les établissements scolaires. Ces drapeaux qui ont une histoire, ils doivent désormais être portés par les élèves des établissements des communes où avaient été créées ces associations. A travers ce geste, c’est aussi la transmission de la mémoire vers les jeunes générations, du respect, de l’amour du drapeau et des valeurs qu’il symbolise, que nous voulons et devons promouvoir.
Mais au-delà même de cette seconde vie des drapeaux, il est aujourd’hui question de l’avenir des associations mémorielles. Alors que se crée (et c’est une bonne chose) de nombreuses petites associations mémorielles, la création d’un partenariat fort entre toutes ces associations s’impose. C’est ce choix que conduit Le Souvenir Français pour rassembler tous les acteurs de la société civile en faveur de la mémoire nationale.
Enfin, le septième engagement concerne la présence de la France à l’étranger. Hier, partout sur la planète, la place mémorielle de la France était défendue par trois acteurs principaux : les diplomates, organisateurs des principales cérémonies lors des journées commémoratives nationales françaises ; les militaires français, toujours mobilisés pour entretenir les lieux de mémoire de la France ; les associations dont la principale regroupait les anciens combattants français à l’étranger. Aujourd’hui, la diplomatie française s’est resserrée sur l’économie et la culture et les militaires français sont concentrés sur les lieux de guerre en qualité d’OPEX. Or, jamais autant qu’aujourd’hui les expatriés français n’ont été si nombreux. Jamais autant qu’aujourd’hui ils n’ont manifesté avec une telle force leur « besoin de France ». Répondre à cette demande est pour Le Souvenir Français un défi : celui de maintenir un lien fort entre la France et ses expatriés, celui aussi de créer dans chaque pays du monde le socle d’une histoire partagée entre la France et ce pays.
En ce mois d’août 2016, il nous appartient plus que jamais de réfléchir et de nous engager. Nous savons que la Nation doit s’appuyer sur son passé pour construire un avenir commun, serein et fécond et pour résister à ceux qui veulent la détruire. Le Souvenir Français, en remplissant pleinement son rôle de grande association mémorielle, apportera ainsi sa contribution à la sauvegarde du socle de notre Nation et permettra à la France de continuer à affirmer ses valeurs afin de construire un avenir commun pour ses enfants.
Serge BARCELLINI
Contrôleur Général des Armées
Président Général du Souvenir Français
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