Quelle mémoire pour la France
?
La
France est en guerre. Les mois de juillet et août
qui s’imposaient traditionnellement comme des mois
de repos, d’évasion et d’élaboration de projets,
sont devenus des temps de remise en cause du vivre
ensemble. Quelle place pour la mémoire dans ces
temps d’angoisse ? Quelle mémoire pour notre France ? Que
peut aujourd’hui apporter Le Souvenir Français à
la Nation France et à travers quelle politique ?
Alors que la mémoire est plus
que jamais l’outil nécessaire à la cohésion de
notre Nation, notre association s’inscrit dans la
mobilisation de tous les Français pour que, face à
la barbarie, la France reste unie. Cette cohésion,
cette union républicaine, nous en devons la
conceptualisation à Ernest Renan.
A
l’origine il y eut Ernest
Renan
De ce grand philosophe breton,
un seul texte aujourd’hui est cité – en
particulier par tous les hommes politiques en
recherche de repères – la conférence qu’il
prononça le 26 mai 1882 à la Sorbonne sous le
titre « Qu’est-ce qu’une Nation ? » Ce formidable
texte, jamais égalé depuis, définit avec une
précision extrême l’exemplarité de la nation
française, au regard en particulier de la nation
allemande, cette nation qui venait tout juste de
s’unifier après nous avoir militairement
battus.
Pour Ernest Renan la nation
française se définit d’abord par ce qu’elle n’est
pas. Elle n’est ni un espace géographique, ni une
langue, ni une dynastie ; elle n’est pas non plus
une religion, même si l’histoire de France
s’enracine dans un fort fond de
christianisme.
Alors qu’est-ce que cette
Nation française à nulle autre pareille ? Pour
Ernest Renan, la nation « France » repose sur deux
piliers.
D’abord celui du vivre
ensemble. Etre Français c’est avoir envie de
partager un présent et un avenir. Etre Français
c’est un « plébiscite de tous les jours ». C’est
regarder ensemble vers le même avenir. C’est
construire ensemble le futur. Etre Français c’est
donc d’abord partager une volonté.
Pour Ernest Renan, cette
volonté s’enracine dans la Mémoire et cela
constitue le second pilier du concept.
Car être Français, c’est aussi (et même surtout),
partager un passé commun. « Une nation est une
âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à
vrai dire, n’en sont qu’une, constituent cette
âme, ce principe spirituel. L’une est dans le
passé, l’autre dans le présent. L’une est la
possession en commun d’un riche legs de souvenirs
; l’autre est le consentement actuel, le désir de
vivre ensemble, la volonté de continuer à faire
valoir l’héritage qu’on a reçu indivis
».
La France est une nation
mémoire. C’est ce passé qui donne sa force à notre
présent et qui engage notre futur. Et ce passé,
Ernest Renan le décrit dans le détail. Ce passé
est d’abord celui des grands hommes, ceux qui ont
apporté la gloire à la Nation. « Un passé
héroïque, des grands hommes, de la gloire, voilà
le capital social sur lequel on assied une idée
nationale ». Mais ce passé est surtout celui du
deuil collectif. Ainsi, plus de trente ans avant
que débute la Première Guerre
mondiale, Ernest Renan esquisse
ce que sera la mémoire de la Grande Guerre. « La
Souffrance en commun unit plus que la joie ! En
fait de souvenirs nationaux, les deuils valent
mieux que les triomphes, car ils imposent des
devoirs, ils commandent l’effort en commun ».
Le sentiment d’appartenance à
la nation française - et à toutes les nations –
s’enracine avant tout dans les grands moments de
deuil partagé. Merveilleuse intuition au regard
des cérémonies nationales qui ont rendu hommage
aux victimes des attentats qui ont endeuillé
récemment notre pays. Des héros et des deuils
partagés, voilà ce qui constitue pour Ernest Renan
le socle de notre mémoire nationale.
Mais, nous apprend Ernest
Renan, la mémoire impose le tri. L’oubli. Tout ne
doit pas être partagé. Que serait, nous dit-il,
une nation qui se rappellerait chaque jour la
Saint-Barthélemy, ce temps où la France catholique
et la France protestante ne s’aimaient pas ? «
L’essence d’une nation est que tous les individus
aient beaucoup de choses en commun, et aussi que
tous aient oublié bien des choses ». Ernest Renan
anticipe en cela ce que doit être la différence
entre l’histoire et la mémoire. La recherche
historique, nous dit-il, peut être dramatique pour
la Nation, car l’histoire peut détruire la
mémoire. Trop d’histoire tue la mémoire. «
L’oubli, et je dirai même l’erreur historique,
sont un facteur essentiel de la création d’une
nation, et c’est ainsi que le progrès des études
historiques est souvent pour la nationalité un
danger ».
Pendant des décennies, et
jusqu’aux années 1970, le concept mémoriel
d’Ernest Renan s’est imposé à notre Nation. C’est
sur ce concept que se construisit la mémoire
républicaine des premières décennies de la IIIème
République. C’est aussi sur ce concept que se
construisit la mémoire de la Grande Guerre pendant
l’entre-deux guerres. C’est encore sur ce concept
que se construisit la mémoire communiste des
années 1945 et la mémoire gaullienne du début de
la Vème République.
Mais ce concept répond-t-il
encore aujourd’hui à notre « besoin de France »
?
150 ans ont
passé
Près de 150 ans ont passé
depuis le discours prononcé à la Sorbonne. Comment
ce concept mémoriel a-t-il traversé le temps ?
Pour analyser cette évolution,
il nous appartient d’abord de comprendre comment
se construit « la mémoire nationale ». Pour qu’une
mémoire nationale s’inscrive dans notre vie
quotidienne, il faut quatre composants : des
deuils, des héros, des outils et des acteurs.
Prenons l’exemple de la Grande
Guerre :
Le deuil est
immense : près de 1 400 000 soldats Morts pour la
France.
Les héros, ce
sont les maréchaux, les hommes politiques qui «
ont bien mérité de la patrie » mais aussi la
multitude des héros secondaires (ceux qui se sont
illustrés à un moment fort des combats – Vaux,
Douaumont, la Marne…)
Les outils
existent, ce sont les cérémonies et plus
particulièrement la journée nationale du 11
novembre (imposée par les anciens combattants au
gouvernement qui n’en voulait pas), mais aussi les
milliers de cérémonies « territorialisées », les
lieux patrimoniaux, les tombes, les nécropoles,
les monuments, les stèles, les plaques
commémoratives, les outils de sensibilisation
(timbres, pièces de monnaies), les outils de
transmission (livres, films, cours d’histoire).
Les acteurs
enfin. Pour qu’une mémoire s’impose dans un
pays démocratique il est
nécessaire que des acteurs non étatiques la
prennent en charge. Pour la Grande Guerre, ces
acteurs ont été les anciens combattants.
Imaginons-nous ce que furent les années 1930 où
près de 6 millions d’hommes se revendiquaient
comme anciens combattants ? Imaginons-nous la
force d’associations dont certaines regroupaient
près d’un million d’adhérents ? Ils ont été les
acteurs d’une mémoire qui s’est imposée partout et
qui a dessiné le paysage mémoriel de la France
contemporaine. Sur les quatre composants c’est
donc le quatrième, les acteurs, qui dans une
nation démocratique est le plus
important.
Or, l’évolution de ces acteurs
dépend de la démographie. Comment dès lors évolue
la mémoire en relation avec la démographie des
acteurs ? En trois temps.
D’abord il y a le
Temps du Souvenir. Les acteurs
nombreux imposent le souvenir qu’ils souhaitent
faire partager à la Nation. Ce Temps du Souvenir,
c’est celui du sacré, le temps des cérémonies
sobres où le silence est de rigueur, le temps du
patrimoine funéraire où le recueillement s’impose,
le temps du livre de témoignages où les pages qui
divisent sont occultées.
Ensuite il y a le
Temps du Témoignage. Les acteurs
moins nombreux sont confrontés au devenir de la
mémoire qu’ils ont créée. C’est le temps des
rencontres avec les scolaires, celui des voyages
mémoire, celui aussi des musées-mémoriaux. Le duo
enseignant-ancien combattant s’impose.
Enfin, c’est le Temps
de l’Histoire. Les acteurs fondateurs ont
disparu. Les mémoires qu’ils ont mises en place
s’étiolent. L’histoire remplace le souvenir, la
recherche remplace le témoignage, le bruit
remplace le silence. Tout devient possible. Le
monument aux Morts cède la place au monument pour
la Paix, le recueillement se transforme en « rush
juvénile », la musique militaire en rap
moderniste. L’historien s’impose comme l’acteur
principal de ce nouveau temps. Il est partout, de
toutes les actions et devient le conseiller des
décideurs.
Tout cela serait simple si les
ruptures entre chacun de ces trois temps étaient
franches. Or tel n’est pas le cas.
Cent ans après la Grande
Guerre, certains Français vivent encore dans le
Temps du Souvenir. Il s’agit en particulier des
associations d’anciens combattants qui portent la
tradition des associations originelles, mais il
s’agit aussi de tous les Français qui ont retrouvé
leurs racines familiales, ces grands-pères, grands
oncles ou arrières grands-pères, qui ont combattu
à Verdun et qu’ils redécouvrent avec fierté. Pour
ces Français-là, le Temps du Souvenir est encore
proche et ils ne comprennent pas que d’autres
soient déjà dans le Temps de l’Histoire.
Mais si la démographie des
acteurs est l’élément central de l’évolution des
politiques mémorielles, d’autres facteurs
d’évolution conditionnent également la mémoire.
Citons d’abord
l’économie. Entre Ernest Renan et
aujourd’hui il y a le marché. Au temps d’Ernest
Renan, la mémoire ne s’inscrivait pas dans
l’économie marchande. Les cérémonies étaient
austères, les pèlerinages économes, les nécropoles
et monuments sobres. Aujourd’hui, la mémoire est
entrée dans le marché. La cérémonie est
scénographie, le monument est musée, le pèlerinage
est tourisme de mémoire. Les budgets explosent :
les entreprises de communication et de création
s’imposent comme acteur du mémoriel.
Ensuite, la
communication. Entre Renan et aujourd’hui
il y a la médiatisation. La mémoire du temps
d’Ernest Renan s’inscrivait dans les pages des
journaux locaux puis dans les informations des
journaux télévisés des antennes régionales.
Aujourd’hui, la mémoire n’a de valeur que si elle
génère la retransmission télévisée en direct et
les suppléments des hebdomadaires généralement
publiés largement en amont de l’événement, ce qui
affaiblit d’autant la force des journées
mémorielles. Le journaliste d’investigation se
transforme en historien. Les pages contestées de
l’histoire s’imposent à travers « ce que l’on vous
a toujours caché ».
Puis, le
sociétal. Au temps d’Ernest Renan, les
acteurs de mémoire sont des bénévoles. Militants
associatifs, ils portent le souvenir comme une
passion. Les porte-drapeaux sont l’expression la
plus visuelle de ce militantisme bénévole. Par
tous les temps, ils se rassemblent devant les
monuments aux Morts afin d’incarner la France.
Aujourd’hui, même si le bénévolat demeure fort,
les salariés de la mémoire ont pris une grande
place. Salariés des musées, des offices du
tourisme, des missions mémorielles, des centres
culturels, des universités, sont devenus des
acteurs des politiques mémorielles.
Enfin, vient le Temps
des Victimes. La Shoah, l’esclavage, le
génocide arménien ont imposé le Temps des
Victimes. Ce temps est partout à l’œuvre. Et le
type des commémorations qu’il engendre est bien
différent du schéma originel d’Ernest Renan. Il
suffit pour s’en convaincre de lire le très beau
discours prononcé par Jacques Chirac à l’occasion
de la réception du Comité pour la mémoire de
l’esclavage, le 30 janvier 2006.
Alors qu’Ernest Renan magnifie
les héros, Jacques Chirac glorifie les victimes :
« Ce travail (de mémoire) nous devons l’accomplir
pour honorer la mémoire de toutes les victimes de
ce trafic honteux ». Face à Ernest Renan qui
préconise le tri mémoriel, Jacques Chirac défend
le tout mémoire : « la grandeur d’un pays c’est
d’assumer toute son histoire ». Enfin, alors
qu’Ernest Renan redoute les historiens, Jacques
Chirac les mobilise : « Nous devons également
développer la connaissance scientifique de cette
tragédie ».
La hiérarchie des quatre
composants est bousculée, les victimes sont
supérieures aux héros, même s’ils ne sont pas
oubliés comme les Justes ; les outils mémoriels se
diversifient avec l’utilisation massive de l’outil
judiciaire ; les journalistes et en particulier
les journalistes d’investigation deviennent les
acteurs principaux de cette nouvelle politique ;
les historiens universitaires en deviennent les «
penseurs ».
Face à cette évolution, il
appartient au gouvernement de définir la politique
mémorielle de la Nation française du XXI siècle.
Au sein de cette politique, Le Souvenir Français
tiendra toute sa place.
Quelle politique pour Le
Souvenir Français ?
Le Souvenir Français a été
créé en 1887. Je me plais à rêver que son créateur
François-Xavier Niessen l’a porté sur les fonts
baptismaux après avoir lu l’ouvrage d’Ernest
Renan, « Qu’est-ce qu’une Nation ? », publié cette
même année. Car Le Souvenir Français inscrit son
action dans le schéma décrit par l’écrivain
républicain. L’article premier des statuts de
notre association en est la claire illustration :
« Le Souvenir Français a pour
objet :
1° De conserver la mémoire de
ceux et de celles qui sont Morts pour la France au
cours de son histoire ou qui l’ont honorée par de
belles actions, notamment en entretenant leurs
tombes ainsi que les monuments élevés à leur
gloire, tant en France qu’à l’étranger.
2° De transmettre le flambeau
aux générations successives en leur inculquant,
par le maintien du souvenir, le sens du devoir,
l’amour de la patrie et le respect de ses valeurs
».
Depuis 1887, Le Souvenir
Français a poursuivi sa tâche, dans la discrétion
de ses adhérents. Tous bénévoles, tous passionnés
de la France, tous fiers de l’histoire de leur
association. En ce début de XXIe siècle alors que
la mémoire nationale est contestée par certains,
Le Souvenir Français affirme son enracinement et
sa volonté autour de sept grands engagements.
Le premier
sonne comme un défi : Redonner aux
Français la fierté de leur histoire
nationale. Nous savons que les jeunes
d’aujourd’hui doivent comprendre ce qu’est le
monde dans lequel ils vivent, mais nous savons
aussi que dans ce monde, ils ne trouveront leur
place que s’ils s’enracinent dans leur nation. Le
Souvenir Français sépare de manière forte
l’histoire et la mémoire. Nous faisons le choix
d’une mémoire qui favorise le rassemblement des
Français et leur donne une fierté partagée.
Etre fier de son histoire,
c’est être fier de ceux qui l’ont fait, de Clovis
à Jeanne d’Arc, des rois aux révolutionnaires, de
Napoléon à Jules Ferry, de Clemenceau à De Gaulle,
de Guy Môquet à Jean Moulin, de De Lattre à
Leclerc. Redonner aux Français la fierté de leur
histoire, c’est le premier engagement et le
premier défi que souhaite relever Le Souvenir
Français.
Le deuxième
engagement est de favoriser le croisement
entre trois mémoires : les mémoires familiales,
les mémoires locales et la mémoire nationale.
Alors que l’idée de Nation s’affaiblit, il est
essentiel pour nous de refonder le socle
mémoriel sur lequel repose l’histoire de chaque
Français. Et pour cela, nous souhaitons
donner un destin à chaque Mort pour la France.
C’est l’engagement que nous avons pris en lançant
la géolocalisation des tombes des Morts pour la
France dans les cimetières communaux français. 400
000 combattants Morts pour la France sont
aujourd’hui inhumés dans nos cimetières communaux,
transférés à la suite de la Première Guerre
mondiale, de la guerre d’Indochine et de la guerre
d’Algérie, et aussi aujourd’hui des combats des
OPEX. Ces 400 000 tombes familiales ne jouent
aucun rôle dans nos politiques mémorielles. Or
chacun de ceux qui y reposent porte témoignage de
notre histoire. Ce sont ces destins individuels
que nous souhaitons valoriser. Nos cimetières
doivent s’imposer comme des lieux où s’apprend
l’histoire. Le grand pari de la géolocalisation
des tombes est celui du croisement des trois
mémoires.
Le troisième
engagement est celui du
patrimoine. La France est le pays du
patrimoine combattant. Mémoriaux, monuments,
stèles et plaques commémoratives des guerres sont
au nombre d’un million : quelques milliers de
mémoriaux, plus d’une centaine de milliers de
monuments, plusieurs centaines de milliers de
stèles et de plaques. Chacun de ces « objets »
mémoriels a été au moment de sa création un objet
vivant, devant lequel des cérémonies étaient
organisées. Ce patrimoine entre en déshérence. A
l’image de nombreuses tombes familiales de « Mort
pour la France », il peut disparaitre. Sur les
façades de nos immeubles, les plaques rappelant un
acte de résistance, ou la mort d’un héros
disparaissent au moment des ravalements. Dans nos
campagnes, les stèles perdues dans la végétation
s’éloignent de nos regards. A ces disparitions
s’ajoutent les vols mémoriels. Le patrimoine
combattant de la France est en danger et cela
d’autant plus que le développement du tourisme de
mémoire met en place une hiérarchie au sein de ce
patrimoine. Ce tourisme est à la mode. Pour de
nombreux départements, il apporte l’espérance d’un
développement économique. Le tourisme de mémoire
impose cependant une hiérarchisation des sites,
les sites à exploitation touristique étant
sauvegardés et mis en valeur, les autres oubliés.
La sauvegarde du patrimoine
combattant de la France constitue un autre défi
auquel s’attelle Le Souvenir Français.
Le quatrième
engagement est celui de la
refondation du calendrier commémoratif
français. Le calendrier commémoratif
national s’est densifié. Il regroupe aujourd’hui
14 journées commémoratives nationales dont la
création a été votée par le Parlement, et parmi
elles 8 ont été créées depuis 1993.
Ce foisonnement commémoratif
rend à la fois inaudible l’histoire combattante de
la France et abaisse le concept même de journée
commémorative. En 2018, au lendemain du centenaire
de la guerre 1914-1918, il appartiendra au
gouvernement et aux parlementaires d’élaborer le
calendrier du XXIème siècle. Si nous voulons que
nos journées commémoratives retrouvent la place
centrale qui était la leur dans la société
française, il est urgent de les repenser. Le
Souvenir Français fera de cette refondation un axe
d’action majeur auprès des autorités compétentes.
Le cinquième
engagement est celui de la
transmission. Le Souvenir Français s’est
engagé dans le soutien aux enseignants. Il est
aujourd’hui le principal organisme de soutien aux
voyages mémoriels. Des dizaines de milliers de
jeunes ont pu découvrir Verdun, les plages de
Normandie ou le Vercors grâce à la mobilisation
des comités locaux du Souvenir Français. Or, la
transmission se situe à un tournant. Construite
depuis des décennies sur la mobilisation des «
témoins » des guerres, elle doit désormais
s’adapter à leur disparition. Le concours national
de la Résistance et de la Déportation est le
premier « outil pédagogique » dont la refondation
est nécessaire. Il en va de même pour les voyages
mémoriels qui, confrontés à la montée des
exigences de sécurité, favorisent l’arrivée
d’entreprises organisatrices de voyages scolaires.
Enfin, la transmission doit s’adapter au temps de
la concurrence, en particulier celle qui se
développe entre les musées.
Confronté à ces tournants, Le
Souvenir Français sera exigeant. La transmission
de la mémoire ne doit pas avoir pour seule
ambition de s’inscrire dans la vie économique et
touristique. La transmission ; c’est d’abord
le moyen d’apporter aux enseignants le versant
mémoriel de l’enseignement de l’histoire.
Le sixième
engagement est celui du partenariat
associatif. Voilà venu le temps des associations
mémorielles. Créé en 1887, Le Souvenir Français
s’est imposé pendant près de 30 ans comme la
grande association mémorielle de la nation
française. A la sortie de la Première Guerre
mondiale, l’association s’est retrouvée
concurrencée à la fois par l’Etat (qui fit le
choix de créer un service public pour gérer les
nécropoles militaires), par les communes (qui ont
pris en charge la création des monuments) et par
les associations d’anciens combattants (qui ont
développé des politiques du souvenir parallèlement
à la défense des intérêts de leurs membres). En ce
premier quart du XXIème siècle, le paysage
mémoriel change. L’Etat se concentre sur ses
activités régaliennes et les collectivités
territoriales resserrent leur budget. Quant aux
porte-drapeaux qui ont depuis près d’un siècle
imposé la présence symbolique du drapeau tricolore
sur le territoire national, leur nombre est en
déclin.
En 2010, 6460 porte-drapeaux
ont participé aux cérémonies de ravivage de la
Flamme à Paris. En 2012, 4550.
Afin de donner une seconde vie
aux drapeaux des associations dissoutes, Le
Souvenir Français s’est engagé dans une politique
forte en liaison avec les communes et les
établissements scolaires. Ces drapeaux qui ont une
histoire, ils doivent désormais être portés par
les élèves des établissements des communes où
avaient été créées ces associations. A travers ce
geste, c’est aussi la transmission de la mémoire
vers les jeunes générations, du respect, de
l’amour du drapeau et des valeurs qu’il symbolise,
que nous voulons et devons promouvoir.
Mais au-delà même de cette
seconde vie des drapeaux, il est aujourd’hui
question de l’avenir des associations mémorielles.
Alors que se crée (et c’est une bonne chose) de
nombreuses petites associations mémorielles, la
création d’un partenariat fort entre toutes ces
associations s’impose. C’est ce choix que conduit
Le Souvenir Français pour rassembler tous les
acteurs de la société civile en faveur de la
mémoire nationale.
Enfin, le septième
engagement concerne la présence
de la France à l’étranger. Hier, partout
sur la planète, la place mémorielle de la France
était défendue par trois acteurs principaux : les
diplomates, organisateurs des principales
cérémonies lors des journées commémoratives
nationales françaises ; les militaires français,
toujours mobilisés pour entretenir les lieux de
mémoire de la France ; les associations dont la
principale regroupait les anciens combattants
français à l’étranger. Aujourd’hui, la diplomatie
française s’est resserrée sur l’économie et la
culture et les militaires français sont concentrés
sur les lieux de guerre en qualité d’OPEX. Or,
jamais autant qu’aujourd’hui les expatriés
français n’ont été si nombreux. Jamais autant
qu’aujourd’hui ils n’ont manifesté avec une telle
force leur « besoin de France ». Répondre à cette
demande est pour Le Souvenir Français un défi :
celui de maintenir un lien fort entre la France et
ses expatriés, celui aussi de créer dans chaque
pays du monde le socle d’une histoire
partagée entre la France et ce pays.
En ce mois d’août 2016, il
nous appartient plus que jamais de réfléchir et de
nous engager. Nous savons que la Nation doit
s’appuyer sur son passé pour construire un avenir
commun, serein et fécond et pour résister à ceux
qui veulent la détruire. Le Souvenir Français, en
remplissant pleinement son rôle de grande
association mémorielle, apportera ainsi sa
contribution à la sauvegarde du socle de notre
Nation et permettra à la France de continuer à
affirmer ses valeurs afin de construire un avenir
commun pour ses enfants.
Serge
BARCELLINI Contrôleur Général des
Armées Président Général du Souvenir
Français
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