La Chapelle-Mémorial de Rancourt

30 novembre 2016

 

Depuis 1937, Le Souvenir Français assure la gestion de la Chapelle-Mémorial de Rancourt. Ce haut lieu de la mémoire de la Grande Guerre – un des sites funéraires religieux le plus symbolique avec l’ossuaire de Douaumont et la Chapelle de Dormans, nécessite aujourd’hui d’importants travaux de rénovation. Parallèlement, son positionnement dans la politique mémorielle de la Somme doit être repensé. A cette fin, Le Souvenir Français a décidé de rattacher la gestion de ce site au siège parisien de l’association, et de nommer un chargé de mission, Mme Lisette Queyrat, qui sera en charge de la coordination du dossier, et de la gestion du partenariat avec la Fondation du Patrimoine.

Présentation par M. Marcel Queyrat, président du comité de Chaules de l’association Le Souvenir Français parue dans le n° 73 du Magazine 14 – 18.

La Chapelle-Mémorial de Rancourt

La chapelle, en pierre de taille, a été érigée au bord de la route Péronne-Bapaume, par les parents du lieutenant Jean Du Bos, pour honorer la mémoire de leur fils tué le 25 septembre 1916. Ils y ont associé le souvenir de tous ses camarades morts lors de l’offensive française sur Rancourt, Bouchavesnes, Sailly-Saillisel, et le Bois Saint-Pierre-Vaast. La chapelle marque en même temps la limite de la progression alliée qui, dans un océan de boue, prit fin en novembre 1916. Le 25 septembre, le 94e d’Infanterie donne l’assaut sur la tranchée Rostow. Rancourt est pris mais le régiment perd 25 officiers et un millier d’hommes. On ne retrouve pas tout de suite le corps de Jean Du Bos. Son ordonnance, blessé, ne revient sur les lieux que le lendemain et retrouve alors le corps de l’officier, repérant soigneusement l’emplacement où il est inhumé. Le 1er juillet 1917, il se rend sur le lieux accompagné d’un architecte et identifie le monticule sous lequel il est enseveli. C’est là qu’est édifiée la chapelle, à la limite des communes de Rancourt et de Bouchavesnes.

Un projet ambitieux

Pour le financer, une souscription est lancée et un « comité commémoratif des héros de Rancourt, Bouchavesnes, Sailly-Saillisel » constitué. La maréchale Foch en accepte la présidence. Dans le Comité d’honneur, qu’elle préside également, on note, parmi les « veuves, mères et sœurs d’officiers » les noms de la princesse Murat, dont le fils décédé des suites de ses blessures le 21 août 1916, repose à Lihons et de la duchesse de Rohan, dont le mari, Josselin, capitaine au 4eBataillon de Chasseurs à Pied, a été tué le 13 juillet 1916 à Herbécourt. Les donateurs peuvent acheter une plaque de 0,48 m sur 0, 18 m, au prix de 100 francs ou un vitrail de la nef (1,60 m sur 0,86) pour 3 000 francs. En outre, des plaques collectives sont mises à la disposition des familles qui souhaitent y faire inscrire le nom de leur parent sans pouvoir acheter une plaque individuelle (60 francs par inscription). Une souscription publique lancée aux Etats-Unis rapporte 25 000 dollars (125 000 francs de l’époque). L’idée de la famille Du Bos est de faire rebâtir l’église du village de Bouchavesnes sur l’emplacement même où le corps de Jean est inhumé. Cette église devait être entourée d’un cloître, dominé par une lanterne des morts. La première pierre est posée le 25 septembre 1920 par monseigneur Dubois de la Villerabel, évêque d’Amiens. Les travaux sont menés par l’architecte Pierre Paquet. L’inauguration, le 22 octobre 1922, rassemble plus de 10 000 personnes. Le maréchal Foch, retenu par une mission en Roumanie, est représenté par le général Desticker, son chef d’état-major.

Emportée par la maladie, la mère de Jean Du Bos, qui, la première, a eu l’idée de cette édification, n’étant plus là, sa mémoire est associée à celle de son fils dans les discours prononcés par monseigneur Lecomte, nouvel évêque d’Amiens, par le général Desticker et le général sir C.Sackeville-West, représentant l’ambassade de Grande-Bretagne. Monseigneur de la Villerabel, devenu évêque de Rouen est également présent. Le capitaine Rémy qui commandait le bataillonauquel appartenait Jean Du Bos récite un poème écrit par le père d’un officier du 28e Bataillon de Chasseurs Alpins tombé à Rancourt. En voici la première strophe :

« Bouchavesnes, Rancourt, et Sailly-Saillsel,

 Villages effacés sous les landes incultes !

Bois de Saint-Pierre-Vaast qui dresse sous le ciel

Les squelettes noircis de ses arbres adultes

Pareils à des gibets ! Plus de maisons debout. 

Les foyers écroulés gisent sous la poussière ; il n’est plus de vivants que le grand cimetière

Dont les petites croix s’alignent bout à bout. »

En fait, à cette date, la nef n’est pas terminée et la totalité du projet ne peut, pour des raisons financières être menée à bien ; la cloître et la lanterne des morts ont donc été abandonnés.

Haut lieu de la bataille de la Somme

Depuis 1937, c’est Le Souvenir Français qui assume la gestion de la Chapelle-Mémorial près de laquelle un pavillon accueille les visiteurs (12 000 en 2015).

En entrant dans la chapelle, on remarque tout de suite une dalle sous laquelle repose le lieutenant Du Bos avec cette épitaphe :

« Ici repose Jean du Bos,

Lieutenant au 94e R.I.

Chevalier de la légion d’Honneur

Décoré de la Croix de Guerre,

 5 citations

Tombé au champ d’honneur en entraînant sa compagnie

A l’assaut du village de Rancourt,

Le 25 septembre 1916, à l’âge de 26 ans

Requiescat in pace »

Le porche, largement ouvert en plein cintre, rappelle les voûtes charretières de nos anciennes fermes. Dans la nef, de nombreuses plaques de marbre apportées par les familles, portent les noms de soldats morts lors des combats dans la Somme. Sous le péristyle sont apposées deux grandes plaques donnant la liste de tous les régiments engagés dans la Somme pendant la Grande Guerre. Sur le tympan du portail d’entrée, est gravée cette dédicace :

« Aux officiers, sous-officiers et soldats tombés dans les batailles de Picardie de 1914- 1918, la Patrie reconnaissante. Le Souvenir Français ».

Avec le temps, la Chapelle-Mémorial, haut lieu de la participation française de la Somme, a pris une dimension d’autant plus symbolique qu’elle veille sur trois nécropoles, française (8566 tombes ; la plus grande nécropole française de la Somme), britannique (93 tombes), allemande (11 422 tombes). En 1986, pour le 70e anniversaire de la Bataille de la Somme, une délégation allemande, civile et militaire participa, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale aux cérémonies. Ce site est un lieu de paix et de réconciliation. Lors de chaque cérémonie, des gerbes sont déposées successivement dans les trois nécropoles.

 

Contact :

Alexandrine ESPINASSE, Responsable du service patrimoine au siège du Souvenir Français patrimoine@souvenir-francais.fr

Marcel QUEYRAT, Président du comité de Chaulnes, marcel.queyrat@wanadoo.fr

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